Le Conseil de l'Europe a annulé le vote qui devait avoir lieu mardi sur un rapport visant à défendre la théorie de l'évolution et à maintenir les thèses créationnistes en dehors des programmes scolaires européens.

"Nous avons eu affaire à de violentes oppositions de la part d'un parlementaire russe, soutenu par des Hongrois ; il assimilait l'évolutionnisme au stalinisme, au nazisme et au terrorisme !" assure l'auteur du rapport, l'ex-député français (PS) Guy Lengagne. (Le Monde)

Le rapport considère que la campagne contre l'évolutionnisme trouve ses racines dans différentes formes d'extrémismes religieux et constitue une menace dangereuse pour les connaissances scientifiques.

"La cible première des créationnistes contemporains, essentiellement d'obédience chrétienne ou musulmane, est l'enseignement, s'inquiète le rapport. Nous sommes en présence d'une montée en puissance de modes de pensée qui, pour mieux imposer certains dogmes religieux, s'attaquent au coeur même des connaissances."

Le créationnisme rejette la théorie darwinienne de l'évolution des espèces par la sélection naturelle et défend l'idée que le monde a été créé par Dieu ; soit en six jours selon le récit de l'Ancien Testament, soit grâce à l'intervention d'un "dessein intelligent" pour les néocréationnistes". (Le Monde)

Le rapport argumente que les Etats membres du Conseil de l'Europe doivent s'opposer fermement aux enseignements du créationnisme en tant que discipline scientifique qui aurait la même légitimité que la théorie de l'évolution par la sélection naturelle.

Parmi les exemples de campagnes créationnistes récentes en Europe, le rapport évoque le cas de l'écrivain turc Harun Yahya, qui a publié un "Atlas de la Création" de 750 pages qui a été gratuitement distribué dans des écoles en France, en Suisse, en Belgique et en Espagne.

"Dans plusieurs pays européens, les ministres de l'éducation ont remis en question l'enseignement du darwinisme. Le rapport cite la Pologne où, à l'automne 2006, le vice-ministre de l'éducation a déclaré: "La théorie de l'évolution est un mensonge, une erreur qu'on a légalisé comme une vérité courante". En 2004, en Italie, la ministre de l'enseignement a proposé d'abolir cet apprentissage dans le primaire et le secondaire. Sa collègue serbe a dû démissionner après avoir ordonné aux écoles d'abandonner l'enseignement de cette théorie. En 2005, la ministre néerlandaise a proposé l'organisation d'un débat sur l'enseignement des théories de l'évolution. Aux Etats-Unis, 38 % des citoyens prônent un abandon de l'enseignement des thèses évolutionnistes et le président George Bush défend l'idée d'un double apprentissage." (Le Monde)

"Tous ces faits correspondent à un reflux de la science au profit du religieux ; or, vouloir priver les citoyens de l'accès à la connaissance scientifique est une des atteintes les plus graves aux droits de l'homme", assure M. Lengagne.

Une recherche de l'Université du Michigan, parue en 2006 dans la revue Science, montre qu'environ 1/3 de la population américaine ne croit pas à l'évolution des espèces (de laquelle est issue l'humanité) alors que dans des pays comme l'Islande, le Danemark, la Suède et la France, 80% ou plus des adultes acceptent le concept d'évolution. La Turquie, un pays à prédominance musulmane, est le seul pays européen où le concept d'évolution est moins accepté qu'aux États-Unis. Au Japon, 78% acceptent le concept d'évolution.

Le Conseil de l'Europe, dont le siège est à Strasbourg, est une organisation regroupant 47 États membres, soit la quasi-totalité des pays du continent européen, dont le but est de promouvoir la démocratie, les Droits de l'homme, la prééminence du droit, l'identité culturelle et politique européenne et la recherche de solutions aux problèmes de sociétés en Europe. Les décisions du Conseil ne sont pas contraignantes pour les Etats membres.

Psychomédia avec sources: Le Nouvel Observateur, Le Monde, Science.