La violence
sous l'angle |
Daniel Blondin psychologue, M.Ps., |
Lorsque nous abordons le sujet de la violence, nous sommes tous d'accord pour dire que c'est un phénomène qui ne devrait pas exister et que nous pourrions facilement nous en passer. Personne n'est contre la vertu! Mais lorsque l'on est exposé à la réalité quotidienne de ce phénomène, on est bien loin de l'idéal que nous souhaiterions voir poindre à l'horizon. C'est-à-dire un monde de paix et d'entraide. Avoir comme idéal à réaliser de mettre la paix sur la terre est irréaliste en soi… Plutôt que de commencer à "voir grand", commençons à prendre conscience de ce qui se passe immédiatement "en nous" et "entre nous" dans nos environnements immédiats, ce que l'on nomme le microcosme. Dans notre quotidien de tous les jours. Dans chacune des secondes que nous passons avec ceux que l'on apprécie vraiment.
Il existe plusieurs façons d'étudier le phénomène de la violence. Ainsi, par exemple, nous pouvons tenter de le comprendre sous l'angle phylogénétique et nous constaterons partiellement que le comportement de violence et d'agression régularise chez les espèces animales diverses fonctions de survie de l'individu et de l'espèce et que cela régularise cette partie de l'écosystème. Dans ce sens, la course effrénée des prédateurs en quête de leur nourriture apparaît comme un phénomène tout à fait naturel se transmettant de génération en génération au profit du maintien de l'équilibre des ressources entre les espèces animales concernées.
Cependant, par un phénomène de rétroaction positive incontrôlée comme le suppose Joël de Rosnay, dans les sociétés civilisées dites humaines il y a transgression de cette fonction du maintien de l'équilibre de l'espèce animale dont nous-mêmes faisons partie. Nous nous "chassons" les uns les autres comme des animaux prédateurs afin de satisfaire des besoins dits strictement individuels ( exemple: écraser un autre pour avoir son poste de travail, opprimer les plus faibles parce qu'ils ne pensent pas comme l'idéologie dominante et donc ne suivent pas les "règles" établies…). C'est la loi du pouvoir qui détermine les conduites à suivre et cela a pour conséquence l'éclatement et la division de nos relations humaines. Les moins compétents sont considérés (dans le sens de Darwin) comme étant les plus faibles mais cela ne se dit pas ouvertement car c'est une règle implicite…La plupart d'entre nous obéissons à ces règles de manière impuissante ( conscription, coupure et fermeture d'usine, agression armée dans un dépanneur… et de milliers d'autres exemples).
Lorsque nous sommes directement concernés par ces agressions dites justifiées et considérées raisonnables par les schèmes sociaux (conventions et politiques sociales par exemple), on se révolte et on se charge souvent de reprendre un mode d'action similaire afin de se réapproprier notre place dans l'organisation sociale car malgré tout c'est ce contexte qui nous aide à vivre. (Par exemple, d'un côté on prend une pancarte et on fait du piquetage afin de protester de manière virulente de façon à être entendu… et on est prêt à se battre avec le système ; de l'autre côté, on coupe les ressources afin de sauvegarder, de s'approprier une part plus grande du marché …à moindre coût.). L'équilibre des divers systèmes se maintient à "coup de conflits…".
De manière globale, nous, l'espèce humaine, exerçons un pouvoir démesuré dans notre écosystème concernant l'épanchement de nos ressources humaines pour le soi-disant profit de notre épanouissement dit personnel. Et c'est là une des sources importantes de la violence… Sans même le désirer consciemment, nos contextes de vie quotidiens valorisent le modèle de la violence comme solution ultime à nos problèmes…C'est même une des principales composantes de notre paradigme social. Depuis des années, plusieurs scientifiques, des mouvements sociaux (Amnistie internationale) et écologiques (Green Peace) ainsi que des visionnaires (de Rosnay) nous avertissent de ce fossé que nous creusons nous-mêmes… Ceci est une forme de violence qui nous amène tranquillement vers une destruction progressive de nos ressources. Et je ne vous apprends rien en vous disant cela si vous êtes le moindrement averti.
En tant qu'humanité, nous nous devons de résoudre un paradoxe lié à l'épanouissement humain : développer ses ressources humaines sur un plan individuel au détriment de la collectivité sociale et mondiale dans laquelle nous évoluons. C'est là, à cet endroit que la violence se manifeste le plus sordidement, en silence. Plus simplement, cela pourrait se traduire ainsi : plus je m'épanouis individuellement et que j'offre des services pour satisfaire mes besoins personnels, plus je contribue à détruire sans m'en rendre compte des secteurs de la collectivité qui m'entoure car j'aurai tendance à être en compétition avec la concurrence…et dans ce domaine la violence est omniprésente…
Afin de réduire ces marasmes de la violence sociale devenant le cancer de la terre, je pense qu'il nous faut commencer comme personne à faire la distinction entre nos diverses manières de communiquer avec la nature et les autres individus qui nous entourent. Il faut apprendre à faire la distinction entre le fait de dialoguer et celui de discuter. Pourtant ces deux concepts nous amènent à communiquer les uns avec les autres. La principale différence réside simplement dans le fait que la discussion est la voie qui mène directement au chaos et à la désorganisation progressive de la société. La discussion dans ce sens, est un acte destructeur et violent…d'une violence ultime…Alors que le dialogue vrai nous amène indéniablement vers la voie de la créativité, de la regénérescence humaine, de la construction complexe de notre organisation de vie sociale. Le dialogue vrai a pour finalité la plénitude de l'être avec l'écosystème. C'est le cybionte au sens que de Rosnay apporte dans son ouvrage dont le titre est : L'homme symbiotique. David Bohm, physicien mondialement reconnu du temps de son vivant, a beaucoup écrit en ce sens. À sa façon, il avait conçu de son vivant ce qu'il avait nommé lui-même des groupes de dialogues comme moyen de regénérescence sociale.
C'est à partir des réflexions de ce dernier auteur que j'en suis venu personnellement à me faire une idée précise concernant les processus de communication entre les individus du genre humain. C'est aussi à partir des expériences personnelles et professionnelles que j'ai acquis au cours de ma vie que j'ai décidé récemment de m'investir dans le domaine de la violence sociale et de tenter à ma façon de poursuivre simplement dans ce courant du dialogue que propose Bohm. Cette voie s'est offerte à moi naturellement en intervenant directement dans divers milieux pénitenciers à la fois en tant que psychologue et chargé de programmes. Les expériences que j'y ai vécues m'ont progressivement amenés à m'intéresser et à aider des personnes aux prises avec de sérieuses difficultés liées à la violence. Autant des victimes que des agresseurs…
J'ai donc pensé offrir et partager avec vous, chers et chères internautes, quelques fruits de mes expériences en matière de communication humaine afin de vous aider du mieux possible à semer en vous l'outil du dialogue semant en vous ce jardin de Paix tant désiré et si fragile !
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