L'Institut français de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a publié, le 8 octobre, une expertise collective sur la fibromyalgie.

Les objectifs de celle-ci, sollicitée en septembre 2015 par la Direction générale de la santé, étaient d'établir un bilan des connaissances scientifiques, d’émettre des recommandations d’actions et d’établir des priorités de recherche.

« La fibromyalgie, ou syndrome fibromyalgique, est caractérisée par une douleur chronique diffuse associée à d’autres symptômes invalidants tels que de la fatigue, des troubles du sommeil et de l’humeur, ou des troubles cognitifs ».

« Une errance médicale importante est rapportée par les personnes atteintes de ce syndrome, tandis qu’une proportion non négligeable de praticiens indiquent se sentir désarmés devant les patients souffrant de fibromyalgie », souligne l'Inserm.

L’expertise s’appuie sur une analyse de la littérature scientifique internationale réalisée par un groupe pluridisciplinaire de quinze experts dans différents domaines.

Entre 1,4 et 2,2 % des Français seraient atteints de fibromyalgie, est-il estimé, mais l’absence de marqueur biologique spécifique rend le diagnostic difficile à poser, indique l'expertise.

Diagnostic et mécanismes de pathogénèse

Le rapport décrit les problématiques liées au diagnostic et l'avancement des connaissances sur les mécanismes biologiques du syndrome. Les critères diagnostiques les plus reconnus sont ceux de l'American College of Rheumatology publiés en 2010 et légèrement modifiés en 2016. Ces critères ont remplacé ceux de 1990 basés sur 18 points douloureux.

« Quelques données de la littérature montrent cependant que les médecins connaissent peu les critères ACR et qu’ils font davantage confiance à leur expérience clinique pour poser le diagnostic », souligne le rapport. « La complexité de ces critères pourrait être un frein à leur utilisation. »

« Des outils de type questionnaire ont également été développés
pour l’aide au diagnostic. Parmi eux, l’auto-questionnaire FiRST pour Fibromyalgia Rapid Screening Tool suscite un grand intérêt
 », mentionne le rapport.

Quant aux mécanismes biologiques, le rapport décrit notamment des mécanismes de sensibilisation à la douleur impliquant le système nerveux central et des mécanismes périphériques impliquant le système nerveux périphérique et la vascularisation des muscles.

Mais, au pays de la psychanalyse, la tentation des explications psychologiques demeure irrésistible. Le rapport, qui souscrit à une approche biopsychosociale, fait une place importante à la contribution de facteurs psychologiques et sociaux dans l'étiologie de la fibromyalgie.

« Mais quelle est la cause de ces différences cérébrales (dans les régions traitant la douleur, ndlr) ? », peut-on lire par exemple dans un communiqué de l'Inserm. « Les chercheurs n’ont pas encore de réponse définitive à proposer. Cependant, plusieurs études suggèrent qu’elles pourraient être liées à des facteurs psychologiques, comme “certains traits de personnalité, tels que la tendance à ressentir souvent des émotions négatives (colère, tristesse…) ou la recherche de la perfection ; une difficulté à identifier et à exprimer ses émotions ; ou encore un vécu traumatique associé par exemple à des maltraitances ou des abus ».

Il faut dire que l'on part de loin, une vision du trouble purement psychologique ayant longtemps été « mise en avant par certains quand l’état des connaissances mettait en exergue l’absence de lésion identifiée ou de dysfonctionnement mesurable ».

Les buts du modèle biopsychosocial sont louables mais en pratique, ont fait valoir des chercheurs, il garde la porte grande ouverte à la solution facile d'attribuer des maladies mal comprises aux facteurs psychologiques. Le « bio » du « biopsychosocial » peut être facilement négligé. (Pourquoi diagnostiquer les douleurs et maladies comme étant d'origine psychologique est non fondé et dépassé.)

Prise en charge

Le rapport émet des recommandations pour la prise en charge qui est « complexe et nécessite souvent une approche multidisciplinaire adaptée à chacun ». Il « met l’accent sur la nécessité de favoriser un accompagnement qui s’adapte et qui évolue en fonction des symptômes ».

« Une remise en mouvement précoce via une activité physique adaptée est l’un des aspects centraux de la prise en charge afin, entre autres, de prévenir ou de limiter le déconditionnement physique », indique le rapport. « C’est pourquoi l’expertise suggère d’étendre à la fibromyalgie les recommandations émises dans l’expertise collective Inserm sur la pratique de l’activité physique dans les maladies chroniques. Un tel programme d’activité physique devra être supervisé régulièrement par un professionnel de santé. »

Cette recommandation rejoint l'avis de l'European League Against Rheumatism (Eular) selon lequel la seule recommandation d'intervention pour laquelle les données sont solides est l'exercice physique : Traitement de la fibromyalgie : recommandations de l'EULAR - 2016.

« Pour les patients ayant des difficultés à gérer leur fibromyalgie ou présentant des symptômes anxiodépressifs, la psychothérapie peut faire partie de la prise en charge afin de les aider à améliorer leur bien-être psychologique et leur qualité de vie. » (5 types de psychothérapies cognitivo-comportementales pour la douleur chronique)

« Si des médicaments peuvent s’avérer ponctuellement efficaces contre certains symptômes (douleur, mais aussi troubles du sommeil, anxiété ou dépression…), il est important de prévenir le mésusage médicamenteux, notamment en évitant la prescription d’opioïdes contre les douleurs diffuses, surtout chez les enfants et les adolescents », mentionne le rapport.

Aux États-Unis, est-il rapporté, la Food and Drug Administration(FDA) a approuvé l’usage de la prégabaline, de la duloxétine et du milnacipran dans la fibromyalgie. En revanche, l’Agence européenne des médicaments (EMA) a refusé leur extension dans cette indication. »

Expertise de l'Inserm : Fibromyalgie : Synthèse et recommandations.

Pour plus d'informations sur la fibromyalgie, voyez les liens plus bas.

Psychomédia avec sources : Inserm, Inserm, Inserm, Ministère de la Santé.
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