"Le 24 décembre, Intisar Farid, 30 ans, s'est éteinte dans un hôpital du Caire. Les médecins n'ont diagnostiqué que tardivement la présence du H5N1 dans son organisme : quasiment jusqu'à sa mort, la jeune femme a nié avoir été au contact des volatiles, alors qu'elle élevait des canards dans sa masure de la province de Gharbeya, au nord du Caire. Trois membres de sa famille ont également été contaminés."

(...) Ces cas portent à neuf le nombre de victimes humaines de la grippe aviaire en Egypte depuis la confirmation de la présence du virus dans le pays, en février 2006. Hors de la zone Asie, la vallée du Nil est la région la plus contaminée au monde.

... l'Egypte est un très gros producteur de volailles, qui constituent une source essentielle de protéines pour la population. Avec seulement 4 % de son territoire habitable et cultivable, elle concentre aussi à l'extrême cette production, ce qui favorise la circulation du virus. (...) Dans les villes comme dans les campagnes, les élevages domestiques sont légion : pas un toit, pas une cour sans ses pigeons, poules ou canards. Une source de revenu non négligeable alors que 44 % de la population vit avec moins d'1,50 euro par jour.

Les autorités égyptiennes ont tenté d'interdire ces élevages domestiques, mais ont renoncé à appliquer cette mesure dans les zones rurales, en raison de l'importance économique vitale de ces minipoulaillers. Elle reste en vigueur dans les grandes villes, comme Le Caire, où la plupart des habitants se sont donc résolus à tuer leurs volatiles, à l'exception des quartiers les plus pauvres. Dans les campagnes, la population n'a pas modifié ses pratiques. Les indemnisations prévues pour l'abattage, moins d'un euro par volaille, sont jugées trop faibles. Fatalistes, les Egyptiens préfèrent s'en remettre à Dieu, et ne se débarrassent que des volatiles morts, sans prévenir les autorités, de peur de voir abattre le reste de l'élevage.

«Le nombre de décès humains reste assez faible en comparaison du fort taux d'infection dans le pays et des milliers de contacts contaminants qui se produisent chaque jour», confie un bon connaisseur du dossier. Mais, si la transmission entre l'animal et l'homme reste limitée, le cas de l'Egypte ne lasse pas d'inquiéter les autorités sanitaires mondiales. Avec l'Indonésie et le Nigeria, l'Egypte est un des derniers réservoirs du virus au monde. D'autres pays sérieusement touchés, tel le Vietnam, ont réussi à endiguer le problème.

(...) «On ne peut rien faire sans une chaîne de commande nationale», constate un responsable de l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE). Sans cela, impossible de pratiquer un recensement efficace de la production avicole qui permettrait de mettre sur pied une campagne massive de vaccination. Une fois les volatiles vaccinés, des abattages ciblés pourraient permettre de venir à bout des foyers résiduels. (...) Conscient de la gravité du problème, l'Etat égyptien pourrait, à l'image d'autres pays, faire appel à l'OIE, qui a établi un outil permettant d'évaluer les compétences des services vétérinaires nationaux."

Source: Libération, 27 décembre 2006.