Depuis le début de la pandémie, le SRAS-CoV-2, le virus causant le COVID-19, est soupçonné de provoquer des syndromes de fatigue chronique (ou encéphalomyélites myalgiques) (EM/SFC) à long terme.

Une étude allemande, publiée en août 2022 dans Nature Communications, montre qu'effectivement, même après un COVID-19 léger, certaines personnes développent des symptômes répondant aux critères diagnostiques de l'EM/SFC.

D'autres personnes présentent des symptômes similaires, mais moins sévères, qui ne rencontrent pas les critères du syndrome. Les différences dans les résultats de laboratoire entre ces deux groupes peuvent indiquer des différences dans les mécanismes sous-jacents.

« Les soupçons selon lesquels le COVID-19 pourrait déclencher l'EM/SFC sont apparus dès la première vague de la pandémie », indique Carmen Scheibenbogen de la Charité - Universitätsmedizin Berlin. « Grâce à un processus de diagnostic approfondi et à une comparaison exhaustive avec des patients ayant développé une EM/SFC à la suite d'infections non liées au COVID, nous avons pu montrer que le COVID-19 peut déclencher une EM/SFC », explique-t-elle.

Scheibenbogen et ses collègues ont examiné 42 personnes qui se sont présentées à un centre médical avec une fatigue persistante et sévère ainsi qu'une altération du fonctionnement quotidien six mois après leur infection par le SRAS-CoV-2. La plupart d'entre elles étaient incapables d'effectuer des travaux légers pendant plus de deux à quatre heures par jour ; certaines étaient incapables de travailler et avaient du mal à s'occuper d'elles-mêmes. Ayant été infectées lors de la première vague de la pandémie, aucune d'entre elles n'avait été vaccinée.

Seules trois d'entre elles ont eu besoin de soins hospitaliers pendant leur infection initiale par le SRAS-CoV-2, mais aucune n'a eu besoin d'oxygène. Trente-deux répondaient à la classification OMS du COVID-19 léger, ce qui signifie qu'elles n'ont pas développé de pneumonie, mais qu'elles ont présenté des symptômes assez sévères, notamment de la fièvre, de la toux, des douleurs musculaires et articulaires pendant une à deux semaines.

Les participants ont été examinés par une équipe interdisciplinaire de neurologues, immunologistes, rhumatologues, cardiologues, endocrinologues et pneumologues ayant une longue expérience du diagnostic de l'EM/SFC. Le diagnostic était établi au moyen des « critères du consensus canadien » (1).

Pour fin de comparaison, 19 personnes appariées qui avaient développé l'EM/SFC à la suite d'une période similaire de maladie due à une infection non liée au COVID ont aussi été examinées.

Environ la moitié des participants examinés après avoir contracté le COVID répondait à ces critères. L'autre moitié présentait des symptômes similaires, mais leur malaise post-exercice était plus léger et ne durait que quelques heures. Alors que les participants atteints d'EM/SFC rapportaient des malaises post-effort qui persistaient jusqu'au lendemain. (Les symptômes du malaise post-effort qui caractérise le syndrome de fatigue chronique)

« Nous pouvons donc distinguer deux groupes de patients post-COVID dont le fonctionnement physique est gravement altéré », conclut Judith Bellman-Strobl, coauteure.

Les symptômes des participants ont ensuite été mis en relation avec leur force de préhension des mains, qui était réduite chez la majorité d'entre eux. « Nous avons en outre constaté que les personnes présentant une intolérance à l'effort plus légère avaient une force de préhension réduite si elles présentaient des niveaux élevés de la cytokine interleukine 8. Dans ces cas, la réduction de la force musculaire peut être causée par une réponse inflammatoire persistante », explique Scheibenbogen.

« Dans le groupe ME/SFC, cependant, la force de préhension des mains était corrélée avec l'hormone NT-proBNP, qui peut être libérée par les cellules musculaires lorsque l'apport en oxygène est insuffisant. Cela suggère que, chez ces personnes, la faiblesse musculaire peut être causée par un apport sanguin insuffisant. »

Selon les observations préliminaires, les deux groupes pourraient également se distinguer en termes de progression de la maladie. « Chez de nombreuses personnes dont les symptômes sont révélateurs de l'EM/SFC mais qui ne répondent pas aux critères diagnostiques, les symptômes semblent s'améliorer avec le temps », explique Scheibenbogen.

Ces nouvelles découvertes pourraient aider les chercheurs à développer des traitements spécifiques pour le syndrome post-COVID (« Covid long ») et pour l'EM/SFC.

« Nos données fournissent également des preuves supplémentaires que l'EM/SFC n'est pas un trouble psychosomatique mais une maladie physique grave qui peut être mesurée et diagnostiquée à l'aide de méthodes objectives », souligne Scheibenbogen. (Les symptômes du syndrome de fatigue chronique trop souvent considérés comme psychosomatiques dans les urgences)

« Malheureusement, les traitements actuels de l'EM/SFC sont de nature purement symptomatique. C'est pourquoi j'invite même les jeunes à se protéger contre le SRAS-CoV-2 en se faisant vacciner et en portant un masque FFP2 », conclut-elle. (Syndrome de fatigue chronique : rester dans sa « bulle d'énergie »)

Pour plus d'informations sur le syndrome de fatigue chronique (encéphalomyélite myalgique), voyez les liens plus bas.

(1) Ces critères peuvent être consultés à la page 141 du document Le syndrome de fatigue chronique : État des connaissances et évaluation des modes d’intervention au Québec publié en 2010 par l'AETMIS (remplacé par l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux [Inesss] en 2011).

Psychomédia avec sources : Charité – Universitätsmedizin Berlin, Nature Communications.
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