Quelles peuvent être les conséquences psychologiques pour les sinistrés de la tempête de verglas ?

Hélène Lebel
Richard Paquette

Psychologues, M.A. 
PsychoMédia Senc

       Les conséquences possibles sont nombreuses et variées. Nous ne pouvons pas toutes les énumérer dans ce court article. Nous présentons donc les plus courantes.

       Les conséquences de la tempête de verglas ont amené et continueront d'amener au cours des prochaines semaines différentes réactions psychologiques difficiles à vivre. Certaines peuvent s'atténuer après quelques heures ou quelques jours, d'autres peuvent subsister pendant quelques semaines, voire quelques mois. Pour à peu près tous les sinistrés, la catastrophe a été vécu péniblement. L'humeur et les comportements ont été affectés. Quelques jours après le retour à la normale, on sent le besoin de récupérer, de s'en remettre. La forme psychologique n'est pas à son meilleur.

      Pour plusieurs cependant les réactions prennent une ampleur plus grande. Ces gens ressentent une détresse ou une souffrance difficile à supporter ou ont de la difficulté à continuer à fonctionner. Pour certains, la catastrophe marquera le début ou l'amplification d'un épisode dépressif (voir notre dossier dépression), l'exacerbation de troubles anxieux comme une tendance à l'anxiété généralisée (voir lexique) ou à faire des crises de panique (voir questions fréquentes), etc.. D'autres développeront des troubles qui sont plus typiques des situations traumatisantes ou très stressantes: un stress post-traumatique (stress aigu) ou un trouble de l'adaptation.

Les symptômes de stress post-traumatique (ou de stress aigu) sont une des réactions possibles dont nous entendons parler dans les médias ces jours-ci. Ils font suite à un traumatisme, c'est-à-dire à un événement où on a eu peur pour sa vie ou son intégrité physique, ou celle de proches et où on a réagi avec peur, horreur ou impuissance. Cela peut faire suite aux conséquences les plus dramatiques de la catastrophe que nous venons de vivre: un proche décédé par asphyxie, un incendie, un accident de la route, les arbres, les poteaux ou la glace qui tombent tout près avec fracas, être témoin d'une bagarre, etc.. La réaction de stress post-traumatique est souvent surprenante et difficile à accepter pour l'individu qui ne se reconnaît pas. Voici quelques uns des symptômes possibles: un souvenir très précis et intense de l'événement est souvent présent à l'esprit et l'individu se sent comme s'il revivait l'événement, cauchemars, incapacité ou souffrance à retourner sur les lieux, hypervigilance (être sur le qui-vive, à l'affût de tout autre danger du même style qui pourrait survenir), sursauts exagérés, insomnie, etc. Pour plus de renseignements, voyez notre dossier sur le stress post-traumatique. Pour plusieurs, à qui les événements ont fait vivre des chocs plus atténués, certains de ces symptômes, sous une forme moins envahissante et souffrante, peuvent être présents (peur que certains événements se reproduisent, rêves reliés aux événements, plus grande vigilance face aux dangers possibles, etc.).

Pour la majorité des sinistrés éprouvant des difficultés psychologiques toutefois, celles-ci consistent plutôt en un trouble de l'adaptation. Ce dernier se produit lorsque les stresseurs, sans traumatiser, sont trop importants pour la capacité du moment à y faire face. Le trouble d'adaptation se caractérise par une humeur dépressive (goût de pleurer, perte d'espoir, sentiment que tout est une montagne, etc.) et/ou par de l'anxiété (nervosité, insomnie, inquiétude, symptômes physiques, irritabilité, etc.) et/ou une perturbation des conduites (agressivité, manque de respect pour les droits d'autrui, manquements aux responsabilités légales, etc.). Malheureusement, ces réactions ont parfois des conséquences qui s'ajoutent au stress et amplifient la catastrophe (ex.: disputes et violences). Pour plus d'informations sur le trouble de l'adaptation, voyez la question fréquente "Qu'est-ce que le trouble de l'adaptation?".

Plus les stress sont importants, plus ils peuvent dépasser la capacité d'une personne d'y faire face. Par ailleurs, plusieurs facteurs peuvent contribuer à ce qu'une personne ne dispose pas de l'énergie et des ressources pour faire face à des stresseurs importants et imprévus. Beaucoup de gens vivent quasiment en permanence à la limite de leurs capacités (il n'y a qu'à voir, entre autres, l'importance du phénomène des burnouts) ou dans un état de vulnérabilité (ex. souffrant de solitude). De surcroît, cette catastrophe peut tomber à un très mauvais moment où il est particulièrement difficile de s'organiser (problèmes financiers, maladie, séparation récente ou imminente, etc.). Certains facteurs de personnalité peuvent aussi rendre certains plus susceptibles que d'autres de dépasser leurs limites. Par exemple, les gens plus centrés sur autrui que sur eux-mêmes, qui sont beaucoup portés à donner, peuvent le faire au détriment de leur propre équilibre. Par exemples, certains vont avoir dépassé leurs capacités en hébergeant des familles ou en faisant du bénévolat sans relâche.

Pour plusieurs, le trouble de l'adaptation ne se présentera que dans quelques jours, quelques semaines ou même quelques mois. Les efforts requis pour faire face à la crise auront amené un épuisement qui réduit les capacités de continuer à faire face aux exigences du quotidien. Ces personne peuvent présenter divers symptômes qui indiquent qu'elles vivent trop de stress, qu'elles sont au bord des limites de leurs capacités ou qu'elles les ont dépassées: insomnie, irritabilité, tension, manque d'entrain, d'intérêt, sentiment que la vie est lourde, divers maux physiques, etc. Si elles ne tiennent pas compte de ces symptômes, si elles ne les considèrent pas comme des signaux indiquant qu'il faut ralentir, se reposer, récupérer, ceux-ci risquent d'aller en s'amplifiant, pouvant conduire à la maladie ou à la dépression. Plus on attend que les symptômes soient intenses et incapacitants avant de les prendre au sérieux, plus on aura besoin de temps pour s'en remettre. C'est d'ailleurs, une grande leçon que retiennent (ou devrait retenir) les gens ayant vécu un burnout ou une dépression d'épuisement.

Que faire pour prévenir ou se rétablir ? Le support de l'entourage peut être un facteur déterminant pour s'en sortir en sauvegardant le plus possible son équilibre personnel. De l'écoute, de l'empathie, quelques soins peuvent être d'un grand support. En période difficile, il est temps plus que jamais de faire attention à ses relations. Prenez également soin de vous. Prenez le temps de relaxer, de vous détendre, de faire des choses que vous aimez, ne vous en mettez pas trop sur les épaules, gardez votre énergie pour l'essentiel, reportez certains objectifs, faites contre mauvaise fortune bon coeur, voyez les côtés positifs, ne vous laissez pas prendre à imaginer des conséquences négatives dont les probabilités sont faibles, résolvez certains problèmes afin de les éliminer, etc..

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