La cinéaste Hélène de Crécy a convaincu un médecin généraliste français, le docteur Luc Perino, de la laisser filmer le défilé des consultations. A la surprise du docteur Perino, les deux tiers de ses patients ont accepté d’être filmés.

"Ils sont jeunes, ils ont l'air amoureux. (...) Le médecin écoute en souriant, tout épanoui. Nous aussi.
Des bébés ils en veulent, explique le jeune homme. Oui. Mais pas maintenant. Le médecin n'entend pas. Ne veut pas entendre. Se raidit, le visage masqué... L'accueil de bois réservé à cette demande d'interruption de grossesse est un des moments secouants de la Consultation. (...)

Coupe. Enchaînement un peu plus tard. La jeune femme est filmée sans exhibitionnisme, mais on voit qu'elle a encore les cuisses écartées. Face à nous, elle sanglote, tend les bras vers son jeune compagnon. Et lui, tandis que le médecin insiste sur «les risques» et menace de «séquelles», doit durcir la voix pour imposer la requête d'IVG. Le toubib est-il membre de Laissez-les vivre ? La jeune patiente avait-elle compris à quel dispositif de tournage elle s'exposait ? Pour qui parle ce documentaire ? Et nous, spectateurs, quels voyeurs sommes-nous donc, choqués peut-être, mais scotchés et fascinés ?"

(...) En accueillant le défilé des menus bobos et des lourdes souffrances humaines, la petite pièce devient le déversoir des maux de la société : alcoolisme, cadences de travail, isolement de la vieillesse...

(...) Les dialogues engagés sont conditionnés par le cadre médical, l'autorité qu'il fonde, l'angoisse de ceux qui l'affrontent. Plus la présence d'une caméra. Pour autant, ces rencontres opposent des individus. A chaque fois, entre consultant et consulté, c'est un rapport de force qui s'instaure et, éventuellement, se renverse. Un match disputé plus ou moins harmonieusement qu'on suit tantôt avec émotion, parfois avec indignation, et souvent avec une sorte d'amusement sportif qui ne constitue pas le moindre sel de la Consultation." (Libération)

"Pas toujours diplomate et souvent paternaliste, le docteur Perino s’explique à plusieurs reprises face à la caméra et expose ses dilemmes." (Métro France)

Nous avons passablement de réserve vis-à-vis une telle réalisation. Les patients qui ont accepté la présence de la caméra étaient-ils pleinement consentants? Ont-ils voulu accommoder plus que protéger leur intimité? Ont-ils senti des pressions? Étaient-ils suffisamment conscients des conséquences possibles, à long terme notamment, d'exposer ainsi leur vie privée en public? Indécent de faire une telle demande à des gens qui venaient simplement consulter, à notre avis.

Nous mettons les spectateurs en garde également de ne pas surgénéraliser en croyant que les façons de faire de ce médecin correspondent à celles de l'ensemble de la profession.

Source:
Ange-Dominique BOUZET, Libération
Métro France

Voici un extrait du film:



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