D'ici 2014, 45 États américains délaisseront l'enseignement de l'écriture en lettres attachées (cursives), pour se limiter à l'écriture en lettres détachées (script) et privilégier la maitrise du clavier. Au Québec, il n'est pas question pour l'instant d'abandonner l'écriture cursive.

L'apprentissage du clavier devrait être introduit dans le parcours scolaire lorsque les élèves maitrisent déjà un style d'écriture: script ou cursive, estime Isabelle Montésinos-Gelet de l'Université de Montréal.

Avec ses collègues Marie-France Morin de l'Université de Sherbrooke et Natalie Lavoie de l'Université du Québec à Rimouski, elle a mené une étude auprès de 718 enfants de 54 classes de deuxième année du primaire pour examiner l'influence de trois modalités d'enseignement en calligraphie (script, cursive ou script et cursive) sur l'acquisition des habiletés graphomotrices (vitesse et qualité d'écriture), orthographiques et rédactionnelles.

Depuis des générations, la plupart des élèves québécois apprennent à écrire en script en première année, puis en cursive en deuxième année. "Ce choix a été fait à une époque où l'on méconnaissait les aspects cognitifs liés au processus d'écriture ainsi que le rôle très important des habiletés graphomotrices dans cet apprentissage", note la chercheuse.

Les résultats de l'étude, publiés en 2012 dans la revue Language and Literacy, montrent que les élèves n'ayant appris que les lettres attachées sont avantagés. Ils ont notamment de meilleurs résultats en orthographe et en syntaxe.

"Qu'ils apprennent à écrire en script ou en cursive, les enfants sont avantagés lorsqu'un seul type d'écriture est enseigné, dit-elle. Le double enseignement ne favorise pas l'acquisition d'un geste moteur automatisé, lequel joue un rôle important en matière d'orthographe et de textualité."

Les données montrent que plus de 50 % de la variance de la qualité d'une production écrite chez les élèves de deuxième année est associée à la graphomotricité. "Si l'écriture de l'enfant est très lente, il ne va pas être en mesure de garder en mémoire toutes ses idées. Il va en oublier avant d'être capable de les écrire, explique-t-elle. D'où l'intérêt que le geste moteur devienne automatisé afin qu'il ne mobilise pas toutes les ressources de l'enfant."

Le passage à l'écriture cursive en deuxième année nuirait à cette automatisation. Les résultats de l'étude indiquent que les habiletés en écriture s'améliorent sur le plan de la rapidité et de la lisibilité en fin d'année quel que soit le type d'écriture. Mais, les élèves qui ont appris l'écriture en lettres moulées en première année et qui ont commencé à écrire en lettres attachées au cours de leur deuxième année progressent le moins en orthographe. La modalité script-cursive n'aiderait pas à la consolidation mnésique de l'épellation des mots.

L'enseignement des lettres cursives mènerait aux meilleures performances, en comparaison des deux autres modalités. "On observe auprès des élèves de ce groupe une progression de leurs habiletés syntaxiques, contrairement à ceux qui n'ont appris que l'écriture script ou qui ont appris les deux".

L'apprentissage de l'écriture en lettres attachées aurait aussi comme avantage d'inciter les jeunes à écrire tout de suite en respectant les contraintes linguistiques. "Les enfants qui apprennent le script ont tendance à traiter la lettre comme s'il s'agissait d'un dessin et de ce fait ils font souvent des lettres en miroir, c'est-à-dire inversées."

Lorsque les élèves écrivent directement en cursive, ils sont obligés de suivre une sorte de chemin, le tracé imposant une orientation. "Autrement, ils ne pourraient pas attacher les lettres, mentionne Mme Montésinos-Gelet. Du coup, il n'y a pas de production de lettres en miroir."

De plus, chez les enfants qui écrivent en lettres attachées, il n'y aurait pas du tout de problème d'espacement entre les lettres et les mots. "Ils comprennent plus rapidement que les autres le concept de mot et ont ainsi tendance à avoir un meilleur traitement linguistique de la graphomotricité, ce qui leur facilite la tâche sur les plans de la syntaxe et de l'orthographe", conclut la chercheuse.

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