Accouchement(s) difficile(s)

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Accouchement(s) difficile(s)

#0 Posté le par DCF__3394

Bonjour,

D'apres les 3 discussions en cours c'est plutot un forum pour les professionnels ... pourtant c'est bien dans cette rubrique que je dois ecrire.

Je n'ai pas trop de chance avec mes accouchements ...La premiere fois, il y avait une pathologie. Comme prevu ca a fini avec une cesarienne sur un uterus totalement calme pour hypotrophie, arret de croissance foetale, pre-eclampsie, et par dessus le marche siege complet. Une petite crevette de 1.9kg, une maman epuisee, et separation mere-bebe snif. J'ai revu le film des 2 derniers jours pendant longtemps, avec ce fichu dynamap qui m'avait pousse au bras comme cinquieme appendice, et la tension montant inexorablement, jusqu'a 20 a la pose de la peridurale. Mais, bon, j'ai encaisse.

La par contre, ma petite fille a cinq mois, et je n'encaisse pas.C'est idiot, cette fois ni elle ni moi ne risquions de mourir, et pourtant c'est plus grave pour moi que la premiere fois. La douleur bien sur ? Oui, la douleur, mais plus que la douleur c'est l'inconscience que je ne digere pas. Les 12 premieres heures tout allait tres bien. Contractions irregulieres, le col ne s'ouvrait pas, mais j'etais emerveillee de vivre mon premier accouchement. Il passait quelques contractions tres fortes, s'appuyer au mur, respirer bien a fond, pas de probleme, toujours le sourire et la joie reviennent.

Et puis on m'a allongee avec le monito, et tres vite ca change. Trois contractions beaucoup plus fortes. La deuxieme je me dis que si ca continue ca ne va plus etre gerable. Je ne dis rien, je ne moufte pas. J'ai deja des images mentales. La piece n'a plus de plafond, les murs s'ouvrent sur un espace infini-gris... Repos, il faut recuperer entre ... mais j'attend la torture de la suivante.
La voila. C'est d'une violence inouie, c'est insoutenable au sens propre du terme, c'est impossible, et ca dure. Je decolle immediatement. Je vois mon corps foncer a une vitesse supersonique vers la porte d'un passage en levitation dans cet espace infini-gris. J'ai a peine le temps de penser "merde, je vais ou ?", et je pulverise literalement la porte. Ma derniere vision de l'espace est une puree de pois grise dans laquelle je ne me vois plus.

Et apres ? Oh apres. Mon estomac se revolte, alors ca me reveille tout de meme. Mais ca a du m'epuiser. A la contraction suivante je deconnecte immediatement. Ensuite passent 50 mn pendant lesquelles je ne me souviens de strictement rien. Il n'y a plus d'intelligence, plus de pensee, plus aucune perception corporelle. L'espace et le temps se sont resorbes en un seul point, point autour duquel ma memoire a trace quelques pointilles sur le parchemin de la souffrance. C'est la seule chose qui subsiste, une grance souffrance continue. Plus d'une heure plus tard je vomirais une seconde fois, sans vomir, plus rien dans l'estomac. Je ne me souviens meme pas de la contraction qui l'a provoque. La sage-femme s'en est emue cette fois. Une demi-heure plus tard on me fera un derive morphinique. Le soulagement est enorme, le sommeil me prend ... pas longtemps, une contraction me reveille immediatement (en realite j'ai bel et bien dormi 30mn). Je referme les yeux, c'est pas grave, une autre contraction me les rouvre, une autre. Je comprend que c'est foutu. C'est dur de repartir sur un faux espoir. Je ne me reveillerais que 4 heures apres la premiere syncope, quand la sage-femme dira "trois centimetres !!!", et qu'on me transferera en salle de naissance ou je resterais assise. Je suis completement groggie mais je m'accroche. J'attendrais l'anesthesyste 40mn (elle etait au bloc bien sur) avec une hytpertonie des contractions, je ne rigole pas, mais ca je m'en fous, j'etais consciente.

Ce n'est qu'au bout de huit semaines apres l'accouchement que j'ai fini pas m'asseoir, avec mon fardeau sur les bras, et a accepter. Mettre un nom dessus, traumatisme. Mais du a quoi ? Sur le moment je ne comprend pas (car personne n'a rien compris a ce qui s'est passe, mon mari croyait que je dormais ...). Alors les 2 semaines suivantes j'ecris. Bien sur il y a les hallucinations. Mais je ne comprend pas, je crois que ce que j'ai vu c'est le seuil supportable de la douleur. Finalement j'en parle a mon mari. Au debut il ne comprend pas, "mais on oublie ca ?". Puis la reponse se profile, conflit de memoire. Je demande a mon mari de m'ecrire sa memoire a lui. Quand je lis que de midi a 13h il me voyait dormir, j'etais immobile, les yeux fermes en permanence, je bougeais seulement un peu pendant les contractions qu'il voyait sur le monitoring, je prend un choc terrible. Je me supposais comme avant la gramnde contraction (4mn sur les monitos ...), bougeant beaucoup, respirant fort, gemissant peut-etre. Pus c'est lui qui prend un choc, "non, je ne dormais pas ...". Finalement j'irais chercher mon dossier medica, et la je comprend enfin. Je suis tombee dans les pommes oui, et ensuite je suis restee dans un etat d'inconscience qui doit s'appeler "obnubilation" dans le corps medical. Je comprend enfin le sens de ma propre question, "je vais ou ?". La reponse est dans les limbes.

Cinq mois ont passe, et j'y pense encore, beaucoup, beaucoup trop. Je peux a peine me concentrer sur autre chose. Il m'arrive des choses marrantes. Lors d'une panne de secteur je me suis rendue compte que j'eprouvais un grand malaise dans la penombre ... ridicule, de ma vie je n'ai jamais eu peur du noir. Inversement, je n'ai jamais la vitesse. Et maintenant je me suis retrouvee plusieurs foisa 160 sur l'autoroute avec l'envie d'aller plus vite. Et le pire c'est que j'ai les reflexes pour ca, alors qu'avant je ne les avait pas. Hypervigilance ... Quant aux cauchemars, si j'en reve je ne m'en souviens pas, mais chauqe fois que je me reveille c'est a ca que je pense.

Et alors quoi, j'ai deux petites filles adorables, en pleine sante, j'ai un mari charmant, nos nous aimons profondement, j'ai un metier passionant, le monde est beau, d'une clarte et d'une precision incroyable, et je suis la comme une andouille avec mon traumatisme. Pourquoi faut-il que je fleurte avec la mort chauqe fois que je donne la vie ?