Selon Philippe Jannet, président du Groupement des éditeurs de sites en ligne (Geste), le gouvernement français prépare un projet de décret qui obligerait tous les acteurs du web, incluant les éditeurs de sites, à conserver les traces des internautes et des abonnés à la téléphonie fixe et mobile pendant une durée d'un an pour les délivrer à la police judiciaire ou à l'Etat sur simple demande.

Cela concernerait l'adresse IP à telle date, les mots de passe utilisés, les coordonnées, les numéros de carte bancaire pour les achats en ligne, les emails, les messages postés (sur un site, forum ou un blog), les pages consultées... bref, tout ce qui concerne l'internaute.

Ce décret modifierait la loi sur la confiance dans l'économie numérique (LEN) de 2004, pour y inclure tous les acteurs du web : les éditeurs de sites, les hébergeurs, les opérateurs de téléphonie fixe et mobile et les fournisseurs d'accès à l'internet. Jusqu'à maintenant, les fournisseurs d'accès avaient cette obligation.

Selon le journal La Tribune, le Ministère de l'Industrie a confirmé que « des travaux interministériels sont en cours pour préciser la nature des données devant être conservées, la durée et les modalités de leur conservation ».

Pour le journal Le Monde (éditorial du 21 avril), « la lutte contre le terrorisme et le crime en général - un impératif bien sûr - ne justifie pas de faire de la société française une société de surveillance. » La liberté numérique obéit aux mêmes règles que les libertés publiques. « Elle interdit de transformer les éditeurs de sites en “indics” et ceux qui les fréquentent en sujets orwelliens » (soumis à la surveillance de Big Brother dans le roman « 1984 » de George Orwell).

En effet, la loi exige de conserver et transmettre, « tout ce qui relève de l'intime, de la vie professionnelle ou du débat citoyen sur la Toile ». Beau sujet de réflexion pour la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), qui n'a pas encore été saisie de ce projet de décret, commente l'éditorial. « La CNIL n'a pas le pouvoir de s'y opposer, mais le devoir d'énoncer les limites à ne pas franchir. »

Les limites sont déjà sont franchies, considère Le Monde, lorsque, « dans le domaine des libertés publiques, les autorités administratives (l'Etat) se substituent aux autorités judiciaires (les juges) ». « Autoriser les ministères de l'intérieur et de la défense à accéder aux données personnelles d'un internaute sans le feu vert d'un juge est dangereux. » Un juge doit opérer dans les limites fixées par le code de procédure pénale, lequel garantit aux citoyens qu'ils ne seront pas soupçonnés ou poursuivis abusivement.

Le Monde invite les candidats à la présidence à dire ce qu'ils en pensent, « eux qui ont si peu parlé jusqu'ici d'Internet ».

Par ailleurs, en ce qui concerne les éditeurs de sites internet, cette obligation, complexe et coûteuse mettrait en péril l'existence de sites « made in France », selon Philippe Jannet (Geste).

Psychomédia avec sources : Génération NT, Le Monde (Éditorial), La Tribune.fr.