Le cas, rapporté par les média la semaine passée, des deux enfants de 8 et 11 ans menacés de fichage génétique pour vol à l'étalage a porté à l'attention des Français la loi sur le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg), la plupart d'entre eux ignorant que cette loi permet d'y intégrer les ADN d'enfants.

Les enfants avaient volé deux tamagoschi

et deux balles rebondissantes. Le magasin avait porté plainte même si les parents avaient payé les objets volés.

Le père, qui a rendu publique cette affaire, a rapporté au Parisien que les deux officiers de police judiciaire «ont expliqué à mon fils aîné qu'il serait photographié, qu'on lui prendrait ses empreintes digitales et aussi ses empreintes génétiques, ajoutant même que mon fils ne pourrait pas forcément exercer le métier qu'il veut faire plus tard car il serait fiché !»

Lors de l'audition le 5 mai des deux enfant, les enquêteurs et le substitut du procureur ont finalement fait machine arrière. «Il y a une part de maladresse des deux gendarmes qui n'ont pas voulu les ficher mais leur faire peur», dit-on à la gendarmerie, «même si la loi l'autorise.», rapporte Libération.

Créé par la loi du 17 juin 1998, sous le gouvernement socialiste Jospin, le Finaeg était utilisé à l'origine pour les infractions de nature sexuelle (2000), puis pour les crimes (2001).

En 2003, la loi de sécurité intérieure de Nicolas Sarkozy étend l'utilisation de ce fichier par la police nationale et la gendarmerie pour la quasi-totalité des crimes et délits d’atteintes aux personnes et aux biens (vols, destructions, coups et blessures volontaires...) et aux trafics (drogue, proxénétisme, exploitation de la mendicité...). L'inscription se fait que les personnes aient été condamnées ou non. La loi ne prévoit aucune limite d’âge pour y figurer.

Seuls échappent au fichage génétique les usagers de stupéfiants, les personnes punies de simples contraventions et les auteurs d'abus de biens sociaux.

Les empreintes génétiques des condamnés sont gardées quarante ans après la date de condamnation définitive. Les empreintes génétiques de personnes simplement mises en cause lors d'une enquête sont conservées vingt-cinq ans après la date de réquisition par un officier de police judiciaire. Chaque nouvelle condamnation ou mise en cause judiciaire repousse encore la date d'effacement définitive du profil génétique.

La Ligue des droits de l'homme (LDH) et le Syndicat de la magistrature (SM) dénonce cette loi comme le rapporte Libération:

"Si le Fnaeg, qui contient aujourd'hui quelque 400 000 profils génétiques, permet de résoudre des crimes anciens et d'innocenter des suspects, son extension massive «à de petites infractions et sans distinction d'âge» inquiète Ollivier Joulin, vice-président du tribunal de grande instance de Bordeaux et membre du Syndicat de la magistrature : «Un enfant fiché pour une bêtise risque de le traîner pendant quarante ans, soit la durée autorisée pour la conservation des ADN. Il risque aussi de ne pas pouvoir accéder à la fonction publique ou à certains autres métiers.»

Intervenu plusieurs fois de «façon préventive» pour que des mineurs punis par des sanctions éducatives (et non par une peine) ne soient pas enregistrés dans le Fnaeg, Jean-Pierre Dubois, président de la Ligue des droits de l'homme, redoute qu'un jour des très jeunes enfants le soient : «L'idée de marquer génétiquement un gosse qui n'a pas dix ans pour un vol dans un magasin et d'en garder la trace indélébile dans un tel fichier est injustifiée, disproportionnée, scandaleuse. Damner à vie un enfant qui a fait une ânerie ou repérer les petits turbulents dès la crèche, c'est une politique qui consiste à enfermer les gens dans la délinquance.»

Source: Libération

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