Selon deux analyses des essais cliniques du médicament antiviral Tamiflu (oseltamivir), il n'est pas démontré que le médicament peut être efficace pour prévenir les complications de la grippe saisonnière telles que la pneumonie chez les personnes en santé.

Le laboratoire Roche, fabricant du médicament, a rendu impossible pour les scientifiques d'évaluer l'efficacité du médicament en ne rendant pas disponibles des résultats d'essais cliniques, selon les auteurs d'une de ces analyses, publiée dans le British Medical Journal (BMJ).

Le professor Chris Del Mar de l'Université Bond (Australie) et ses collègues du prestigieux Cochrane Review (1) ont analysé 20 essais cliniques publiés qui portaient sur la prévention, le traitement et les réactions indésirables. Ils ont été entravés, disent-ils, par le "manque de bonnes données".

Le médicament peut réduire la durée de la maladie d'un ou deux jours, disent les chercheurs, mais il est impossible de savoir s'il peut prévenir une maladie sévère parce que les données publiées sont insuffisantes. Roche n'a pas rendues accessibles publiquement des données concernant 8 essais cliniques, disent les chercheurs. Une analyse précédente du Cochrane Review en 2005 (dirigée par Tom Jefferson) avait conclu à l'efficacité du médicament. Cet été, un chercheur japonais, Keiji Hayashi, a questionné cette conclusion dans une lettre, argumentant que les chercheurs n'avaient pas réellement consulté les données à partir desquelles elle était tirée. Ayant six mois pour répondre à Hayashi selon les règles du Cochrane, les auteurs de la récente analyse ont tenté d'obtenir les données des essais non publiés par Roche mais, pour ce, ils devaient signer un accord de confidentialité, ce qu'ils ont refusé.

Hayashi était préoccupé par les effets secondaires du médicament, qui incluent l'insomnie, des nausées, des cauchemars, des douleurs abdominales, des maux de tête et un trouble neuropsychiatrique rare qui a amené certains utilisateurs à essayer de se blesser. Ces effets indésirables peuvent être tolérés si le médicament est efficace mais pas autrement.

Parce qu'ils n'avaient pas plein accès à tous les essais, les chercheurs considèrent que les preuves antérieures sur les effets du Tamiflu et les autres médicaments de cette classe (les inhibiteurs de neuraminidase) peuvent ne pas être fiables. Ils appellent les gouvernements à mette en place des études pour surveiller leur innocuité.

"Les gouvernements à travers le monde ont dépensé des milliards de livres sur un médicament que la communauté scientifique se retrouve aujourd'hui incapable de juger", dit le Dr Fiona Godlee, éditeur du BMJ.

Une deuxième étude a été menée par des chercheurs britanniques. Nick Freemantle et Melanie Calvert de l'Université Birmingham (Grande-Bretagne) ont analysé une série d'études d'observation fournies par Roche. Il s'agit d'études menées avec des personnes qui ont pris le médicament mais sans comparaison avec un groupe prenant un placebo (produit inactif).

Bien qu'émettant des doutes sur les données, ils estiment qu'il est possible que le Tamiflu réduise le risque de pneumonie. Mais si tel est le cas, le bénéfice est mince et il y a des effets secondaires à considérer, concluent-ils.

Selon Freemantle, il y a "très peu de preuves pour soutenir l'utilisation répandue d'oseltamivir pour la population en bonne santé qui développe des signes de syndrome grippal".

Le Dr Godlee et le professeur Mike Clarke du UK Cochrane Centre appellent, dans le BMJ, à une nouvelle législation pour s'assurer que tous les essais sur des médicaments qui ont obtenu une licence soient publiés dans leur intégralité.

(1) Le Cochrane Review est une organisation britannique à but non lucratif qui se spécialise dans les analyses (appelées plus précisément méta-analyses) indépendantes des essais cliniques publiés sur l'efficacité des médicaments.

Psychomédia avec sources:
guardian.co.uk
Los Angeles Times
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