Suite à des signalements d'infection à l'oeil, la Direction Générale de la Santé (DGS) (France) a récemment rappelé qu'il est interdit, selon la loi du 29 décembre 2011, de réaliser des préparations de l'anticancéreux Avastin (bévacizumab) pour le traitement de la forme humide de la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) car il s'agit d'un usage en dehors de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) alors qu'il existe un médicament autorisé pour cette indication, le Lucentis (ranibizumab).

Ce rappel a provoqué la consternation chez les ophtalmologistes hospitaliers car le coût du Lucentis est 25 fois plus élevé que celui de l'Avastin, soit 800 euros par injection contre 30 à 50 euros. La DMLA touchant près d'un million de personnes, les hôpitaux ne pourront, alors qu'ils connaissent des problèmes budgétaires, fournir le Lucentis comme ils le faisaient avec l'Avastin.

La forme humide de la DMLA, dite néovasculaire ou exsudative, est due à une prolifération de nouveaux vaisseaux sanguins sous la rétine. Elle représente deux tiers des cas de DMLA.

Ces deux médicaments sont des anticorps monoclonaux dits anti-angiogéniques qui ont pour mode d'action de cibler et d'inhiber un facteur de croissance afin d'empêcher l'angiogenèse, c'est-à-dire le développement de vaisseaux sanguins (dans le cas du cancer, cela a pour effet de couper l'alimentation des tumeurs). Plusieurs études comparant les deux médicaments ont montré une efficacité et un risque d'effets secondaires comparables.

Mais Roche, qui commercialise l'Avastin, n'a jamais déposé de demande d'AMM pour le traitement de la DMLA, rapporte Le Point, laissant la place au Lucentis commercialisé par Novartis. Une explication est apportée par Doctissimo: les deux médicaments sont produits par le même laboratoire, Genentech, lequel aurait "vraisemblablement décidé de dominer les deux marchés" des cancers et de la DMLA". En 2007, Le Figaro affirmait que les trois firmes, Genentech, Novartis et Roche, étaient "toutes actionnaires les unes des autres".

Roche a aussi refusé de développer une formulation ophtalmologique de son médicament à la demande de l'Afssaps en 2011. Le problème avec les préparations magistrales des pharmaciens est qu'elles ne contiennent pas de conservateurs et doivent être réalisées dans "les conditions les plus rigoureuses d'asepsie", précise Le Point.

Mais explique la Pr Francine Behar-Cohen (Hôtel-Dieu, Paris), dont les propos sont rapportés par La Croix, "si, demain, on nous oblige à utiliser le Lucentis, on devra demander au patient d’aller l’acheter lui-même dans une pharmacie de ville et de l’apporter à l’hôpital le jour de l’injection. S’il ne respecte pas bien la chaîne du froid, cela posera un problème de sécurité".

L'interdiction est d'autant plus surprenante, rapporte Le Figaro, que le Pr Jean-Luc Harousseau, directeur général de la Haute Autorité de santé, avait envisagé tout récemment de demander une "recommandation temporaire d'utilisation" pour l'Avastin en ophtalmologie.

La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a précisé mardi qu'il appartient à Roche de déposer une demande d'AMM pour l'indication de traitement de la DMLA, laquelle serait alors analysée. Sans quoi l'interdiction demeure. Le ministère de la santé a indiqué lundi souhaiter que le prix du Lucentis soit réexaminé.

Psychomédia avec sources: Le Figaro, Doctissimo, Le Point, La Croix, Le Figaro. Tous droits réservés.