"Irritations de la peau, étourdissements, maux de cœur et effets indéterminés à long terme", sont les risques auxquels s'exposent les personnes qui travaillent avec certains médicaments susceptibles d'être toxiques lors de leur manipulation.

Des professionnels de la santé devraient prendre plus de précautions, particulièrement s'ils sont en contact avec des patients atteints de cancer, met en garde Jean-François Bussières, pharmacien en chef du CHU Sainte-Justine et professeur à l'Université de Montréal, qui mène, avec son équipe (1) de l'Unité de recherche en pratique pharmaceutique (URPP), des recherches sur ce sujet depuis 2006.

Dans un récent article publié dans le Journal of the American Pharmacists Association, l'équipe révèle qu'une minorité de pharmacies communautaires à Montréal (8 sur 20) ont un lieu adéquat pour entreposer et manipuler de façon sécuritaire le méthotrexate, un médicament utilisé dans le traitement du cancer.

En 2012, une étude menée dans 33 hôpitaux canadiens montrait toutefois que les contaminations de surface par le cyclophosphamide, l'ifosfamide et le méthotrexate étaient en baisse. (Très souvent, comme le montre une étude menée en 2008, il y a des résidus du produit sur la paroi extérieure de la fiole. Une personne qui manipule cette bouteille peut ainsi en absorber par voie dermique ou en se frottant les yeux.)

En 2004, le National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH) des États-Unis a entamé une campagne nationale de prévention quant aux risques liés à l'exposition professionnelle aux médicaments dangereux. Une liste de 136 médicaments a été publiée, suivie par des mises à jour en 2010 et 2012. La liste contient maintenant 167 médicaments. Elle "pose différents défis à la pratique pharmaceutique en ce qui a trait à la ségrégation des stocks, à leur manipulation et à la gestion des déchets", explique le chercheur.

Le NIOSH considère comme dangereux un médicament qui est toxique pour un organe ou pour la santé ou qui est cancérogène (peut favoriser ou provoquer le développement d'un cancer); génotoxique (peut endommager le matériel génétique et provoquer des mutations); toxique pour la reproduction (peut avoir un effet sur la fertilité); ou tératogène (peut provoquer des malformations congénitales par action sur l'embryon). Est également considérée comme dangereuse toute substance dont la structure et la toxicité ressemblent à celles d'un autre médicament dangereux.

En juillet 2012, l'équipe de l'URPP a publié une mise à jour des connaissances dans le Bulletin d'information toxicologique de l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Des mesures telles que "porter des gants, réserver une zone de travail pour les manipulations, nettoyer adéquatement le matériel et informer la clientèle apparaissent incontournables", indiquait l'article.

Une revue systématique des données analysées par l'équipe de chercheurs évoque une augmentation du risque d'avortement spontané chez les travailleuses exposées aux produits mentionnés dans la liste.

Cet automne, les chercheurs entendent poursuivre un projet pilote de surveillance urinaire qui couvrira plusieurs centres hospitaliers en 2014.

(1) Incluant Michel Lefebvre, de l'Institut national de santé publique du Québec et Angélique Métras et Sylvie Bédard, de l'Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur affaires sociales. Des étudiants et assistants de recherche sont associés aux projets et coauteurs de plusieurs articles, notamment : Cynthia Tanguay, Karine Touzin, Delphine Merger et Myriam Berruyer.

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