Mercredi, des militants antinucléaires ont dénoncé, devant le siège de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) à Genève, l'accord de 1959 qui lie l'organisation à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Selon cet accord, aucune des deux parties ne peut nuire aux intérêts de l'autre.

Il a pour conséquence que les risques pour la santé de la radioactivité sont minimisés, dénoncent les militants. Il a ainsi eu une influence, disent-ils, sur le décompte des victimes de l'explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl.

Dans un article publié le 6 avril, Rue89 interview Michel Fernex, professeur émérite à l'université de Bâle, ancien membre d'un comité directeur à l'OMS, ancien président de l'association Enfants de Tchernobyl-Bélarus, membre des Médecins pour une responsabilité sociale et de l'Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire.

Il menait à l'OMS "une carrière paisible nourrie d'idéaux, jusqu'à ce qu'il découvre fortuitement" l'accord liant son institution à l'AIEA. En 1995, après avoir participé à un congrès sur les conséquences de Tchernobyl, Hiroshima et Nagasaki, il s'étonnait que les actes ne soient pas publiés. Un ancien directeur général de l'agence lui confie alors que l'AIEA a bloqué la publication, grâce à l'accord WHA 12-40 liant les deux institutions.

L'AIEA, créée en 1957 par l'ONU, a conclu des accords avec toutes les agences subalternes (de l'ONU) dont l'OMS.

L'accord avec l'OMS exige notamment la confidentialité dans certains domaines et que les deux agences soient d'accord pour tout projet qui concerne un intérêt commun.

Pour Fukushima comme pour Tchernobyl, la même étrange absence de l'OMS est constatée, relève le professeur Fernex. "Pour fournir des chiffres, il faut faire des travaux et l'OMS n'en a pas fait. L'OMS ne peut que répéter les chiffres que lui donne l'AIEA.

"Je suis allé", raconte le professeur, "au forum de l'OMS en 2004 à Genève" qui portait sur les conséquences sanitaires de Tchernobyl. "Un représentant de l'AIEA présidait le forum pendant trois jours. Dans son introduction, il nous a expliqué que nous allions décider s'il y a eu plutôt 400 000 ou 40 décès dus à Tchernobyl. Et nous avons, au bout de trois jours, fini à 38 décès."

"Votre expérience de terrain, auprès des enfants en Biélorussie, dément l'affirmation de l'OMS selon laquelle les radiations se dispersent très vite dans l'atmosphère. Expliquez-nous ce que vous avez trouvé", interroge Rue89.

"De génération en génération, on trouve de plus en plus de mutations génétiques. On a constaté dans des zones contaminées de l'apathie, des leucémies, des malformations cardiaques, des cas de vieillissement prématuré, mais aussi une augmentation du diabète de type 1, sans facteur héréditaire et ce de plus en plus tôt, chez des enfants toujours plus jeunes, parfois même chez les nourrissons. Et mille autres choses encore…

Les radionucléides stockés dans le sol contaminent les aliments, surtout les arbres. Or, les gens prennent librement du bois dans les forêts. Ce bois chauffe la maison et alimente le poêle de la cuisine. (...) On place ensuite les cendres dans un seau et elles servent d'engrais. (...)

Ces phénomènes ne s'atténuent pas avec le temps, bien au contraire."

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