Dans les facultés de psychologie des universités francophones du sud de la Belgique, l'Université libre de Bruxelles (ULB), l'Université de Liège, l'Université catholique de Louvain et l'Université de Mons, le nombre d’étudiants explose depuis quelques années.

En huit ans, il a augmenté de 70 % (+ 5000 inscriptions), a rapporté RTBF.be le 6 juillet 2021.

« De quoi ouvrir deux facultés supplémentaires ! », souligne le journal.

La situation est « intenable », estiment les doyens de ces facultés dans une lettre adressée à la ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Glatigny.

Par exemple, en première année à l’ULB, il y a plus de 1000 étudiants et une hausse de 8 à 10 % est enregistrée chaque année. En master, le nombre d’étudiants a doublé dans plusieurs filières, en 2018.

Manque de moyens

Mais le financement ne suit pas, les universités fonctionnant à enveloppe fermée.

Le manque de moyens a un impact sur la qualité de l'enseignement. Par exemple, les « petits groupes » pour les travaux pratiques comptent 50 personnes, rapporte Jimmy Amand, président du bureau des étudiants de la faculté de Psychologie à l’ULB. « On ne peut pas poser nos questions comme on voudrait. »

« En master, c’est la guerre pour trouver un promoteur : certains professeurs ont plus de 20 mémorants, parfois 30 », ajoute-t-il.

Le vice-doyen de la faculté, Olivier Klein, confirme : « Pour les travaux pratiques, on essaie de répartir les moyens, de faire de plus petits groupes là où c’est vraiment nécessaire, comme pour le cours d’entretien, qui est très important en psycho. Là, on limite le nombre d’étudiants à 30, mais c’est déjà beaucoup. »

Un problème qui risque de se poser est le manque de lieux de stages agréés, indique Etienne Quertemont, doyen de la faculté de Psychologie à l’ULiège. Les étudiants qui ne pourront pas faire ce stage professionnel « n’obtiendront pas l’agrément de psychologue clinicien et ne pourront donc pas exercer de manière autonome ».

Car la loi de 2016 qui reconnaît l’exercice de la psychologie clinique et de la psychothérapie comme des professions de soins de santé impose une année de stage professionnel aux étudiants de psychologie clinique, à partir de 2022.

Les causes de cet afflux

Parmi les causes de cette augmentation du nombre d'étudiants, il y a un afflux d’étudiants français : ils doivent passer un concours pour accéder au master en France et le nombre de places est très limité. « Dans certaines universités françaises, il y a 10 places en master pour 300 étudiants en bachelier », rapporte Arnaud Destrebecqz, doyen de la faculté de Psychologie à l’ULB. Ceux qui échouent viennent donc étudier en Belgique, « aux frais du contribuable belge ». (De nombreux étudiants français refusés en master de psychologie affluent vers la Belgique [2019])

Mais, précisent les doyens, la croissance du nombre d’inscriptions est avant tout le fait d’étudiants belges.

Pour expliquer la popularité accrue des études en psychologie, Etienne Quertemont (ULiège) émet trois hypothèses : « La loi de 2016 limite la pratique de la psychothérapie aux seuls psychologues et médecins diplômés. L’examen d’entrée aux études de médecine suscite peut-être aussi des réorientations vers la filière “psycho”, qui reste dans le domaine paramédical. Et puis, sur la dernière décennie, pas mal de séries télé ont mis en scène des profilers et des psychologues cliniciens. »

Olivier Klein, vice-doyen à l’ULB, évoque, lui, une vision stéréotypée du métier de psychologue qui peut attirer les étudiants : « Il y a l’idée que si je suis psychologue, je vais pouvoir aider les autres et comprendre immédiatement comment les gens fonctionnent. Il y a aussi l’idée que ces études correspondent bien à ceux qui n’aiment pas les sciences et les mathématiques, alors qu’il y a pas mal de cours de statistiques et de biologie. » (Vous voulez étudier la psychologie ? Mieux vaut s'informer pour éviter la déception)

Les solutions envisagées

Une meilleure orientation des étudiants pourrait être une partie de la réponse, mieux gérer l’afflux ou le financement des étudiants français pourrait en être une autre, mais il faudra peut-être des solutions plus drastiques.

« La question de la limitation des étudiants est délicate, mais il est à craindre qu’il faudra passer par là », estime Etienne Quertemont (ULiège).

« A défaut de moyens supplémentaires, il faudra envisager une évaluation en début d’année qui permette de se réorienter si on constate qu’on n’a pas certaines compétences nécessaires ou une vision erronée de la formation, voire une sélection à l’entrée en dernier recours », estime de son côté Olivier Klein.

Les doyens ont sollicité une rencontre avec la ministre. Leur lettre, envoyée au mois de mars, était toujours sans réponse le 6 juillet.

Pour plus d'informations, voyez les liens plus bas.

Photo : Université libre de Bruxelles

Psychomédia avec source : RTBF.be.
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