L'émotion est forte dans la ville de Tarente, située dans le talon de la botte italienne, où la plus grande aciérie d'Europe est sous le coup d'une ordonnance de fermeture dans le cadre d'une enquête pour "catastrophe environnementale". Alors que la ville, la plus polluée d'Europe, présente depuis plusieurs années des taux de cancers anormalement élevés, gouvernement, patronat, syndicats et dirigeants d'Ilva s'insurgent contre cette décision. Les associations de défense de l’environnement, dont Taranto Respira, accusent de leur côté les syndicats de s’être "vendus en défendant l’usine plus que la santé de la population" et constatent que "la magistrature est intervenue là où la politique a échoué".

L'Ilva, ancienne société d'État inaugurée en 1965 et privatisée par la suite, représente 11 500 emplois dans cette ville portuaire (20 000 au total) de plus de 200.000 habitants où elle est le principal employeur et où le chômage dépasse les 30% (comparativement à 10% au niveau national). Elle est accusée d'avoir traité avec laxisme les problèmes de santé publique causés par l'émission importante de polluants dont la dioxine et le benzopyrène.

La juge d'instruction Patrizia Todisco qui, le 25 juillet, avait mis sous séquestre les installations à chaud (hauts fourneaux, cokerie) de l'usine, a ordonné samedi 11 août sa fermeture immédiate, infirmant ainsi une décision du tribunal de réexamen, du 7 août, qui autorisait la poursuite de l'activité pendant la période d'assainissement du site pour lequel le gouvernement vient d'accorder 330 millions d'euros. Le tribunal de réexamen avait aussi remis en liberté 5 des 8 dirigeants d'Ilva placés en état d'arrestation.

Selon des études, menées en collaboration avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS), publiées en 2011, la mortalité à Tarente est supérieure de 10 à 15 % à la moyenne nationale, avec, en tête des causes, des maladies cardiaques, des affections respiratoires et des cancers. "Les responsables de la gestion de l’Ilva ont poursuivi leurs activités polluantes avec la conscience et la volonté de la logique du profit au détriment des règles de sécurité les plus élémentaires", conclut la juge.

Dans l'usine, les travailleurs sont notamment exposés à l'amiante qui a longtemps été manipulée à la main, sans masque ni gants. Dans le quartier Tamburi, situé à 500 m de l’usine, les enfants n’ont plus le droit de jouer dehors. Dans un périmètre de 25 km autour de la ville, tous les champs sont considérés comme contaminés et impropres à l’agriculture, rapportait Basta en 2010. Il y pousse pourtant, précisait le magazine, de larges vergers qui nourrissent et empoisonnent la population.

Mais tous ne sont pas en faveur du maintien des activités de l'usine au détriment de la santé. L'association Alta Marea, créée en 2007, réunissant des adhérents individuels, souvent d’anciens travailleurs d’ILVA, et une quinzaine d’associations écologistes (WWF, Peacelink, la Ligue de protection des oiseaux et la Ligue de protection de l’environnement italiennes...) ou de malades (la ligue national contre le cancer, l’association des leucémiques...), a notamment organisé deux grandes manifestations de plus de 20 000 personnes en 2008 et 2009 et s'est battue pour la tenue d'un référendum dans la ville sur la fermeture de l'usine, rapportait Basta.

Illustration : Wikipédia (mafe de baggis de Milan)

Psychomédia avec sources: La Croix, Basta, Le Figaro, Le Monde. Tous droits réservés.