L’anorexie mentale, la boulimie et l’hyperphagie, ainsi que des formes moins bien définies ou atypiques de troubles du comportement alimentaire (TCA) concerneraient entre 15-20% de la population. Leur caractéristique commune est la dérégulation de la prise alimentaire, diminuée ou augmentée.

Sergueï Fetissov et Pierre Déchelotte de l'Inserm/Université de Rouen, avec leurs collègues, étudient les liens entre l’intestin et le cerveau qui pourraient expliquer ces dérèglements.

Dans une étude dont les résultats sont publiés dans la revue Translational Psychiatry, ils ont identifié une protéine qui s’avère être le sosie de l’hormone de la satiété (mélanotropine). Cette protéine (ClpB) est fabriquée par certaines bactéries telles qu’Escherichia coli présentes naturellement dans la flore intestinale. En présence de la protéine, des anticorps sont produits par l’organisme et dirigés contre celle-ci. Ces anti-corps se lient aussi à l’hormone de la satiété du fait de son homologie de structure et modifient ainsi l’effet satiétogène de l’hormone. La sensation de satiété est atteinte (anorexie) ou n’est plus atteinte (boulimie – hyperphagie). Par ailleurs, la protéine bactérienne apparait elle-même avoir des propriétés anorexigènes.

Ils ont modifié la composition de la flore intestinale de souris pour étudier leur réponse immunologique et comportementale. La prise alimentaire et le taux d’anticorps contre la mélanotropine ne changeaient pas chez des souris ayant reçu des bactéries E.coli mutées ne produisant pas de ClpB. Alors qu'ils variaient chez des souris ayant reçu des E. coli produisant la ClpB.

Une étude menée avec 60 personnes a ensuite été menée afin de vérifier l’implication de cette protéine dans les troubles du comportement alimentaire chez l’humain. Les taux sanguins d’anticorps dirigés contre ClpB et la mélanotropine étaient plus élevés chez les personnes présentant des troubles alimentaires. Leur réponse immunologique déterminait le développement des troubles alimentaires vers l’anorexie ou la boulimie.

Ces données valident ainsi l’implication de la protéine bactérienne dans la régulation de l’appétit et ouvre de nouvelles perspectives de diagnostic et de traitement spécifique des troubles du comportement alimentaire, concluent les chercheurs.

Les chercheurs travaillent actuellement au développement d’un test sanguin basé sur la détection de la protéine bactérienne ClpB.

En parallèle, ils étudient chez la souris comment corriger l’action de la protéine pour empêcher la dérégulation de la prise alimentaire. "D’après nos premières observations, il serait en effet possible de neutraliser cette protéine bactérienne par des anticorps spécifiques sans affecter l’hormone de la satiété", précisent-ils.

Cette étude prolonge d’autres travaux de l’équipe publiés en 2013 qui révélaient des mécanismes moléculaires d’augmentation de l’appétit par des immunoglobulines protégeant l’hormone de la faim (ghréline) au cours de l’obésité.

Ces travaux ont fait l’objet de deux demandes de brevets déposés par Inserm Transfert.

Psychomédia avec source: Inserm
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