Un pesticide interdit en France en 2020 est très présent dans l’eau du robinet, selon des résultats de la dernière campagne de mesure de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) publiés le 6 avril 2023.

Le problème de dépassement des seuils est loin de se limiter à ce pesticide, selon des chiffres collectés par Le Monde.

Trois classes de polluants étaient recherchées dans cette campagne de mesure de composés chimiques qui ne sont pas ou peu recherchés lors des contrôles réguliers : 157 pesticides et métabolites de pesticides, 54 résidus d’explosifs et un solvant : le 1,4-dioxane.

Parmi les 7 composés « émergents », dépassant la limite de qualité de 0,1 µg/litre, le métabolite du chlorothalonil R471811, un fongicide suspecté d'être cancérogène, est le plus fréquemment retrouvé, étant présent dans plus d’un prélèvement sur deux et dépassant la limite dans plus d’un prélèvement sur trois.

Il avait été inclus dans cette campagne de mesures suite à la publication en 2019 de données suisses indiquant qu’il était très fréquemment retrouvé dans les eaux de consommation en Suisse. C’est pour cette raison que la ville de Lausanne a décidé d'utiliser l'eau du lac Léman qui présente des concentrations inférieures à la limite fixée pour remplacer les captages problématiques du réseau d’alimentation, a rapporté la Fédération romande des consommateurs.

Interrogé par Le Monde, que relaie les Echos, « le Syndicat des eaux d'Ile-de-France (Sedif) - qui dessert 4 millions d'usagers - confirme que plus de 3 millions d'entre eux reçoivent une eau dont les teneurs en métabolite du chlorothalonil sont quatre à cinq fois supérieures au seuil réglementaire ».

Les coûts à venir pour traiter la présence de ce métabolite sont considérables. « A titre d'exemple, la mise à niveau des usines de Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis) et de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne) devrait représenter un coût de 870 millions d'euros pour revenir dans la zone de conformité », indique le Sedif au Monde.

Une eau non conforme pour 20 % des Français

Le problème de dépassement des seuils de qualité pour les pesticides et leurs métabolites est loin de se limiter au chlorothalonil R471811, souligne le magazine 60 Millions de consommateurs, citant Le Monde.

En septembre 2022, le quotidien avait révélé qu’en 2021, selon les données collectées auprès des agences régionales de santé (ARS), d’agences de l’eau ou de préfectures, 20 % des Français de métropole, soit 12 millions de personnes, « ont reçu au robinet, régulièrement ou épisodiquement, une eau non conforme ».

Selon Le Monde, ces chiffres « saisissants » « révèlent l’étendue de la contamination des ressources hydriques par les pesticides et leurs produits de dégradation » et « montrent aussi de profondes lacunes, perdurant depuis de nombreuses années, dans la surveillance de l’eau potable ». Ces chiffres contrastent avec ceux du ministère de la Santé de 2020, selon lesquels 5,9 % de la population recevrait une eau du robinet non conforme.

« Pourquoi les non-conformités de l’eau potable concernaient-elles moins de 6 % des Français en 2020 et environ 20 % l’année suivante ? Nulle accélération récente et brutale de l’usage des pesticides », résume Le Monde, « mais un “choc de connaissance”, selon l’expression de Mickaël Derangeon, le vice-président d’Atlantic’eau. »

« Il y a beaucoup d’autocensure dans l’administration, une sorte d’incapacité à regarder la réalité », a commenté l’ex-directeur général de l’ARS Nouvelle-Aquitaine Michel Laforcade, en retraite depuis 2020, interrogé par Le Monde. « Un jour, on devra rendre des comptes. »

Psychomédia avec sources : Anses, Les Echos, Le Monde, 60 Millions de consommateurs.
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