L'association de lutte contre le sida Act Up Paris dénonce, dans une lettre ouverte publiée mardi, la position de l'Académie française de médecine, émise le 23 février dernier, contre l'usage médical du cannabis.

Le cannabis a des effets pharmacologiques d'intensité modeste alors que les effets secondaires "sont nombreux", avait indiqué l'Académie. Elle argumentait aussi que les concentrations en principe actif, le tétrahydrocannabinol (THC), sont très variables d'un produit à l'autre, contrairement aux médicaments dont on connaît la dose thérapeutique utile.

"Les thèses que vous véhiculez sont archaïques", peut-on lire dans la lettre d'Act Up. "Vous supposez fondée la "théorie" de l'escalade qui voudrait que, nous malades, en commençant la consommation du cannabis, serions indubitablement conduits à consommer par la suite d'autres drogues. Cette vision des choses n'a pas le moindre fondement sérieux" et est depuis longtemps reléguée "au rang de mythe" par les professionnels de l'addictologie, soutient l'association.

"Vous appuyez vos propos sur l'incertitude de la qualité et des quantités de cannabis que nous pourrions prendre, nous malades, alors qu'un accès encadré à ces produits résoudrait ces problèmes", poursuit l'association. La légalisation de l'usage de cannabis thérapeutique nécessite la mise en place d'un système de distribution contrôlé qui, justement, lèverait les inquiétudes, précise-t-elle.

Act Up soutient que l'efficacité thérapeutique du cannabis a été "maintes fois prouvée par de nombreuses études et approuvée dans de nombreux pays", offrant aux malades atteints du VIH/sida une "amélioration du confort de vie".

La position de l'Académie met les malades dans une situation de plus grande fragilité en les obligeant à recourir au marché noir, considère l'association: "La précarité dans laquelle nous nous trouvons se voit dès lors renforcée par vos propos ignorants, qui, loin du droit fondamental qu’est la Sécurité Sociale, nous forcent à recourir au marché noir pour obtenir un support thérapeutique auquel, dans d’autres pays, nous aurions droit. Nous sommes appréhendéEs, fouilléEs, incarcéréEs, jugéEs et souvent condamnéEs au détriment de nos vies professionnelles et sociales, au détriment de notre santé. Combien de malades sont obligés de se cacher de leurs proches, de leurs collègues, de leur médecin !"

Enfin, conclut l'association: "Dans peu de temps, vous devrez vous positionner sur les salles de consommation de drogues à moindre risque. Nous attendons que vous dépassiez vos propres préjugés, que vous ne restiez pas piégés dans votre position moralisatrice. Nous espérons que vous sortirez de votre tour d’ivoire pour considérer la réalité de terrain et que vous baserez votre avis non seulement sur les nombreuses études existantes en la matière ainsi que sur leurs résultats probants, qui attestent incontestablement du bien-fondé d’un tel dispositif, mais aussi sur les témoignages des usagers (ères) de drogue et des acteurs de la réduction des risques."

Psychomédia avec sources:
Le Point, Act Up