Réponse à: CÉPÉ (qui suis-je ?)

Surnom: CÉPÉ
Âge: 30
Sexe: masculin

Bonjour à tous,

votre site est très intéressant en ce sens qu'il permet de poser des questions mais surtout de lire les questions de autres. c'est ce qui m'a

permis de le faire à mon tour (non, je ne serais pas le seul).

Il est extrèmement difficile d'expliquer ma question. Il s'agit plutôt d'un exposé d'une part de ma vie et d'une demande d'avis de votre part. Je me demande souvent ce que je vaux, si je suis quelqu'un de bien, si je suis intelligent... en fait, est-ce que je vaux le coût? La question sur mon intelligence est celle qui me pose le plus de soucis. C'est très paradoxal, en effet, car j'ai DECOUVERT que j'étais intelligent à l'âge de ... je n'en sais rien. Quand j'avais 18/19 ans, en première année d'ingénieur, j'aidais mes copains à comprendre les cours en pensant que c'était simple et que tout le monde devait comprendre.

Quand je discutais, (maintenant ce n'est plus vrai), je passais parfois pour un prétentieux parce que mes préoccupations concernaient l'astronomie et la physique quantique quand les autres pensent aux copines (14/15 ans). Je pensait aussi aux filles mais de la même façon que je me représentait les étoiles : superbes et lointaines. Ce côté prétentieux a fait jour en moi quand mon ami m'a dit que ce que je connaissais, n'étais pas nécéssairement connu des autres.

Tout ça pour vous dire que , bien que j'entende lorsqu'on me dit compétent, je ne retient que la première syllabe. A mon travail, je sais ce que je fais et je défend mes idées, mais quand je suis seul, je me demande qui je suis pour dire ses choses. Je me trouve parfois tellement nul que je suis incapable de bouger. Je suis là à mon job et j'attend que le temps passe. Je me donne toutes sorte de défi intellectuel. Je résoud tous les problèmes et casse-tête que l'on me donne ou que je rencontre. J'en éprouve une joie sur l'instant mais cela devient un vague souvenir qui ne m'appartient plus. J'ai des amis maintenant, avant je croyais être trop mauvais pour en avoir, et de fait, je n'en avais pas. J'ai passé mon adolescence à fantasmer dans les bouquins et les rêves érotiques. Je suis malade si je ne peux pas lire, pas rêver. J'ai un besoin énorme de ne rien faire à l'extérieur mais de penser. Ce qui me pose un problème à mon travail car là, il faut être performant pendant les heures de travail. Je n'y arrive pas. Ce qui fait que je reste parfois sans rien faire, mais je récupère toujours. Toujours, jusqu'au jour où je me planterai.

Cette situation, ces problèmes m'ont ralentis dans mes études. Je pensais ne jamais obtenir de diplôme car trop mauvais , mais je ne voulais pas lacher et devenir un bon à rien. J'ai commencé à travailler dans ma branche à l'âge de 28 ans mais j'ai commencé à m'assumer, moi et mes parents, à l'âge de 18 ans. J'ai fais des prêts pour mes études que j'ai réussi à rembourser au bout de quelques mois de travail. J'ai fais des prêts alors que je n'en avais pas besoins mais mes parents en avaient besoin. En avaient besoin ou se sont servi de moi. Moi, un "bon garçon" bien sage qui a toujours dit "oui amen", jusqu'à ce que je commence à être aux études et donc à avoir un appartement.

Quand j'étais enfant, je croyais que mon père était le plus fort, le plus... Maintenant que j'ai du résoudre les conflits familiaux et de couple de mes parents, je ne vois plus de père, je suis seul. Seul dans mes réflexions, seul à me demander qui je suis, seul dans mes théories, seul dans mes angoisses.

Pourquoi suis-je seul alors que je suis marié et que mon couple fonctionne très bien depuis 10 ans? J'ai 2 enfants une fille de 2 ans et un garçon de 4 mois. Ils vont bien , et je discute énormément avec ma femme. Je lui parle de mes problèmes mais elle me dit que : "c'est pas vrai, tu es quelqu'un de bien, d'intelligent, beaucoup de monde t'apprécie..." Alors, pourquoi cela ne rentre pas dans ma tête?

Parfois, je me dis que je suis un sale narcissique, parfois, un obsessionnel (plutôt psychasthénique). Quoiqu'il en soit, je ne m'aime pas. Je ne peux plus me tourner vers qui que ce soit car toutes les personnes avec qui j'ai essayé d'en parler (3 ou personnes), sont très surprises et m'envoient une image qui m'est insupportable : je ne suis pas si mauvais.

J'espère que comme pour les autres personnes, vous pourrez aussi me donner quelques pistes de réflexion, quoique la réflexion est peut-être le mauvais chapître.

Merci ; Cépé

Bonjour Cépé,

Je vous remercie chaleureusement pour vos gentils mots relativement à notre site et à cette rubrique. Vous nous livrez là un sérieux témoignage de vie, tantôt poignant, tantôt drôle.

Vous souhaitez un avis mais vous voyez comme votre demande est piégée (involontairement, bien entendu). Si je vous dis : « Vous êtes quelqu'un de bien et d'intelligent » je dis comme votre femme. Vous allez vous crisper et ça ne rentrera pas dans votre tête. Si je vous dis : «Vous êtes certainement compétent» vous risquez encore de n'entendre que la première syllabe. Si je vous dis : «Vous êtes nul et incapable», je crains que vous ne disiez : «C'est ça, je le savais, je l'ai toujours pensé».

Bref, vous êtes un maître en neutralisation.

Je prends néanmoins le risque de vous répondre en termes hypothétiques. Si vous êtes surdoué, votre développement émotif n'a pas progressé à la même vitesse que votre développement intellectuel. L'écart entre les deux entraîne inexorablement des sentiments de solitude, d'inadéquacité, comme si vous n'aviez votre place nulle part. Un brin de prétention et un brin de narcissisme complètent le tableau d'une personne hautement sensible et vulnérable qui découvre que l'intelligence ne résout pas tout. Quel désarroi, que le vôtre Cépé !

Je vous invite à apporter votre désarroi en psychothérapie et à persévérer dans ce domaine particulier qui n'est enseigné ni à l'université ni dans aucune autre école : la connaissance de soi. Pour y arriver, il s'agit de cesser de réfléchir et de rêver. Il s'agit de commencer à sentir.

Vous qui ne vous aimez pas, sentir ne doit pas faire partie de votre registre habituel. Pourquoi ne pas commencer ?

Bien à vous,

Georges-Henri Arenstein, Psychologue