Réponse à: JOJO (en deuil de son mari et amoureuse)

Surnom: JOJO
Pays: Canada
Âge: 46
Sexe: féminin

Bonjour,

Je vis quelque chose de très spéciale et je me sens dépassée par les évènements. Voilà :

Je me suis remariée avec un homme extraordinaire il y a 12 ans Nous avions les mêmes buts, nous nous aimions beaucoup. Il a pris soin de moi, m'a choyé. Il y a 2 1/2 ans, il a eu un anévrisme au cerveau, a été opéré, est resté paralysé côté gauche. Il a perdu le 3/4 du cerveau côté droit. Je ne pouvais pas le garder à la maison, il est allé dans un centre d'hébergement. Durant ces années, j'allais le voir tous les jours et j'ai tout fait pour l'aider à reparler, à manger, à revivre un peu. Je me suis tellement oublié que j'en suis arrivée à un burn-out. Mais ce n'était pas grave et ça ne l'est pas encore aujourd'hui. Je vois mon médecin tous les mois, je me soigne et je sais que je vais reprendre le dessus. Mon mari est décédé il y a un mois suite à des crises d'épilepsie. Mais avant son décès, j'ai rencontré un homme au centre qui vit la même chose que moi. Son épouse a la sclérose en plaque et il en prend bien soin lui aussi. Je l'aime beaucoup, il m'a aidé à traverser mon deuil. J'aime encore mon mari mais l'autre est vivant et m'apporte de l'affection On parle de sa femme et de mon mari. Je suis bien, mon mari m'a laissé un sentiment de paix et d'amour comme héritage. Mais quelquefois, je me demande si je ne suis pas sans-coeur de ne pas pleurer plus que ça. Je suis très attachée à mon nouvel amoureux mais mon deuil lui. Je sais qu'il y a des étapes à vivre et je n'ai pas l'impression de les vivre. J'ai peur de me réveiller et que ce soit plus difficile. J'ai peur de trop m'accrocher à cet homme, de dépendre de son amour et que ce soit juste un échappatoire pour oublier ma peine. Est-ce que je me pose trop

de questions? Est-ce que c'est possible de vivre un amour si intense juste après la mort de mon mari? Je suis un peu perdu et j'aimerais avoir votre opinion. Merci,

Jojo

Bonjour Jojo,

À la lecture de votre lettre, je suis impressionné par votre dévouement et votre abnégation. J'ai la nette impression que vous pensez beaucoup aux autres et très peu à vous-même.

Vous parlez de votre burn out et vous dites «Ceci n'était pas grave et ça ne l'est pas encore aujourd'hui». Que doit-il donc vous arriver pour que vous considériez la chose comme digne d'intérêt ?

Vous avez peur d'être sans-c ur parce que vous ne pleurez pas «pas plus que ça» ? Je vous assure, Jojo, qu'il n'y a pas de mesure objective quant à la quantité de larmes à verser en cas de tristesse ou de deuil . Votre corps sait très bien la «quantité» de tristesse à émettre : fiez-vous à lui et, dans la mesure du possible, évitez de lui en commander davantage. En d'autres mots : lâchez prise !

J'ai l'impression que le fait que vous viviez un nouvel amour intense vous met mal à l'aise face à la mémoire de votre mari blessé et décédé. Cette culpabilité obscurcit sans doute la qualité du contact que vous pouvez vivre avec celui que vous appelez votre «nouvel amoureux».

Voici Jojo : vous pouvez continuer à chérir la mémoire de votre mari décédé et en même temps éprouver un amour intense pour cet homme. Il s'agit de deux secteurs différents de votre vie émotive et vous pouvez apprendre à les cloisonner.

Je ne pense pas que vous vous posiez trop de questions. Au contraire, selon moi vous vous posez justement les bonnes questions, celles qui favorisent le recueillement, le contact avec vous-même, le contact avec l'autre. Faites tout ce que vous pouvez pour respecter votre rythme et si besoin est, faites vous aider par un psychologue.

Bonne chance, Jojo !

Georges-Henri Arenstein, Psychologue