Réponse à: JOSÉE (grille d'évaluation du risque suicidaire)

Surnom: JOSÉE
Sexe: masculin

Je suis une professionnelle de la santé oeuvrant dans le domaine de la santé mentale et j'aimerais savoir s'il existe des grilles d'évaluation des risques suicidaires pour les adultes et les adolescents aux prises avec un problème de santé mentale.

Le but est d'en informer les autres intervenants et de prévenir ces situations selon des critères bien définies.

Merci de me répondre.

(Grille d'évaluation des risques suicidaires)

Bonjour Josée,

Vous demandez une grille d'évaluation du risque suicidaire pour personnes ayant des problèmes de santé mentale afin d'en informer les autres intervenants et de prévenir ces situations. Vous avez le souci d'obtenir des critères définis, valides et spécifiques. Cela est extrêmement louable.

Nous allons, si vous le voulez bien, profiter de votre question pour répondre le plus largement possible afin que tous puissent tirer profit de la réponse.

Le risque comme vulnérabilité pour un comportement suicidaire.

Il faut d'abord se demander de quel risque il s'agit? En effet, le mot risque est utilisé souvent de manière différente par les intervenants selon qu'ils proviennent d'un milieu ou d'un autre.

Au Québec, depuis au moins vingt ans, le mot risque est utilisé en suicidologie pour désigner la probabilité qu'une personne se tue à l'intérieur d'une période de deux ans. Ce mot sera d'ailleurs bientôt abandonné par l'Association québécoise de suicidologie et par les Centres de prévention du suicide au profit du mot vulnérabilité qui présente moins d'ambiguïté. Si vous avez reçu une formation en intervention vis-à-vis des personnes suicidaires, vous parlez sans doute de cela.

Dans ce cas, à notre connaissance, il n'existe pas de grille spécifique aux gens ayant des problèmes de santé mentale. On s'accorde toutefois habituellement à dire que les problèmes de santé mentale sont en eux-mêmes un facteur de vulnérabilité. Ce n'est cependant pas le seul dont il faut tenir compte. Des facteurs qu'il serait trop long de nommer ici : facteurs prédisposants, précipitants et contribuants, augmentent la vulnérabilité. À l'inverse, les facteurs de protection la réduisent.

Il serait sans doute intéressant et très pertinent pour vous de contacter le Centre de prévention de suicide le plus près de chez vous et d'organiser une formation spécifique sur l'intervention auprès de gens ayant des problèmes de santé mentale à laquelle pourrait participer les intervenants ayant déjà reçu une formation de base en intervention auprès des personnes suicidaires.

Le mot risque utilisé pour parler d'urgence suicidaire.

Si vous-mêmes n'avez pas reçu la formation de base, il est possible qu'en utilisant le mot risque, vous vouliez parler de l'urgence suicidaire.

L'urgence, en suicidologie, est la probabilité qu'une personne se suicide dans les 48 heures. Elle tient compte de son avancement dans le processus suicidaire ainsi que de la précision de sa planification. En anglais, il se peut que l'on entende le mot «risk», ce qui ajoute à la confusion.

Il existe au Québec une grille d'évaluation de l'urgence qui n'est pas spécifique aux personnes ayant des problèmes de santé mentale mais qui leur est fort bien applicable. Elle ne se présente pas sous la forme d'un questionnaire et s'acquiert en formation. Nous vous encourageons donc ici encore à contacter le Centre de prévention du suicide le plus près de chez vous et à éventuellement organiser un groupe qui pourrait suivre la formation de base en intervention auprès des personnes aux prises avec une crise suicidaire.

Rien ne peut remplacer cette formation qui, à notre avis, devrait être suivie par tout intervenant uvrant en relation d'aide.

Et qu'en est-il de la grille demandée dans la question?

De nombreuses personnes souhaiteraient se servir d'une telle grille (les médecins, les psychothérapeutes, les centres d'accueil pour jeunes, etc.) Les Centres de prévention du suicide ont tendance cependant à considérer que des questionnaires prenant entre 15 et 30 minutes à administrer et le même temps à corriger ne servent pas vraiment en intervention. Ils peuvent peut-être cependant avoir de la place dans un suivi clinique où la personne n'est pas en urgence élevée et où on veut évaluer de façon plus scientifique la vulnérabilité de la personne. Il serait cependant dommage de conclure lors d'un risque élevé que la personne fera une tentative prochainement ou par un risque faible qu'elle n'en fera jamais. Quoi qu'il en soit, une telle grille n'est pas en vente dans les instituts et les maisons d'édition de tests, ni en France ni au Québec.

Il existe cependant en anglais un Suicidal Ideation Questionnaire (SIQ) pour adolescents et un Adult Suicidal Ideation Questionnaire (ASIQ) créé par William M. Reynolds (1987, 1991). La correction s'effectue en moins de 15 minutes. Si vous êtes psychologue ou conseillère en orientation, vous pouvez vous le procurer au Research Psychologists Press (RPP) à London, Ontario. Voici leur adresse email : sigma@rpp.on.ca. Évidemment, les normes sont différentes d'une région à l'autre. Il faut donc se méfier d'une simple traduction car les résultats ne seront pas fiables. D'autre part, ils ne sont pas spécifiques à une clientèle ayant des problèmes de santé mentale.

Par ailleurs, en français, Réal Labelle (real_labelle@uqtr.uquebec.ca), chercheur à l'Université du Québec à Trois-Rivières et membre du Centre de recherche et d'intervention sur le suicide et l'euthanasie (CRISE, crise@uqam.ca), est actuellement responsable du projet Point de repère. Ce projet vise à répertorier et à documenter les tests en suicidologie. Il faudrait vérifier auprès de lui si des questionnaires adaptés à votre clientèle sont disponibles et fiables.

Par ailleurs, il est important de réitérer qu'au-delà de tout questionnaire, les intervenants du Québec devraient avoir à c ur d'être formés adéquatement en intervention. Cette formation existe. Il suffit simplement de l'organiser.

À défaut de contacter le Centre de prévention du suicide le plus près de chez-vous, vous pourriez communiquer avec l'Association québécoise de suicidologie (www.cam.org/aqs) à Montréal qui pourra vous conseiller et vous référer au bon endroit pour vos besoins de formation.

Jean Rochette, psychologue Sylvaine Raymond, psychologue, Association québécoise de suicidologie.