Réponse à: Manu (difficultés avec les groupes dans lesquels il se trouve)

Surnom: Manu
Pays: France
Âge: 23
Sexe: masculin

Je sors en ce moment avec une fille que j'ai rencontrée un soir il y a 5 mois, qui m'avait avec gentillesse proposé de m'héberger pour une nuit. Je l'ai revue quelques jours plus tard, et nous avons commencé une relation plus sérieuse. Nos réactions à cette époque étaient très loin d'un discours amoureux, en fait aussi bien pour elle que pour moi c'était une histoire de sexe.

Nous avons appris à nous connaître, a échanger nos vies. Je lui ai parlé de la mort de mon père, d'une vie que je construisais dans une bulle depuis l'âge de 13 ans (mon père est tombé malade à cette époque, de plus j'ai coupé les ponts avec tous mes amis car je ne me sentais pas à ma place avec eux). La seule chose à laquelle je me suis intéressé a été mes études, que je n'ai toujours pas fini et qui se passent assez bien malgré de nombreux problèmes de "solitude". A 13 ans, je me suis séparé de mes amis car ils adoraient se faire des coups dans le dos, aucun respect n'était présent. De plus, leurs activités étaient essentiellement centrées sur le vol et la violence. Et depuis ce temps, mes amis ont été rares, je n'ai pas connu de "groupe" et les histoires d'amour que j'ai vécues ont été catastrophiques . (je me suis plongée dans le "romantisme", le rêve... je suis sortie avec une femme de 35 ans, qui avait de gros problèmes psychologiques) Je vois en ce moment un psy et j'estime avoir fait beaucoup de progrès (je me sens mieux dans une foule, je m'intéresse aux problèmes de la société, à la musique, philosophie, ...) Je regarde ce qui se passe autour de moi comme on dit. Mais aujourd'hui, le problème avec mon amie est que je n'arrive pas à me sentir bien en groupe en sa présence (aussi bien avec ses amis, qu'avec les miens) car je me sens très loin derrière eux... Ils possèdent plus d'expérience en musique, cinéma, relations interpersonnelles... Je "sais" que ces gens ne sont pas ceux que j'ai connus à l'age de 13 ans, qu'ils n'ont pas ce geste de "jugement", de moquerie, d'utilisation... mais ils me font peur. Je me sens sans utilité, sans intérêt, rien à partager qui pourrait leur donner envie de discuter avec moi... Même si mon amie ne cesse de me dire qu'ils m'estiment tous et qu'ils me trouvent "intéressant"... Je déteste ce mot, je le trouve "utilitaire"...Pendant quelques temps, j'ai essayé de participer, un peu en retrait c'est vrai, mais j'était présent au moins sur la "déconnade"... Mais maintenant, je me remets en question et me sens désespéré car je me sens agressé de plus en plus (il semble que je me renferme sur ma vie, mes blessures...) par certains de leurs propos. Je ne les déteste pas, j'ai juste des difficultés a me protéger, et je n'ai pas envie de répliquer... Je ne sais même pas si je dois le faire... C'est un monde que je ne connais pas, qui m'effraie mais j'ai réellement besoin d'être entouré un peu, d'échanger et de découvrir des gens et de pouvoir apporter. Pouvez-vous m'apporter un peu de votre opinion à ce propos ?

Merci.

Bonjour à toi,

Il y a au moins quelques éléments qui vont bien et cela je me dois de le souligner dès le départ. Il m'apparaît intéressant ? pas dans un sens utilitaire, mais dans un sens de possibilité et de stimulation! ? que la relation avec ton ami aille bien D'une relation qui semblait " que " sexuelle, elle a pu s'approfondir et atteindre un niveau qui semble vous convenir à tous les deux. Il y a eu du chemin de fait à ce niveau depuis quelques années. Dis- toi bien que qu'une relation de couple comporte plein d'embûches et qu'il faut en profiter quand elle roule toute seule. Tu as là une confidente précieuse avec qui tu as pu partager de tes blessures de ton histoire, surtout celle à l'âge de treize ans. En lui confiant cela, tu réparais ainsi ton sentiment de fermeture dans une bulle. En soi, ce n'est pas mal d'être dans une telle situation; le danger, à mon avis, c'est de t'y complaire et de ne plus vouloir en sortir. Tu peux en sortir à l'occasion et cela m 'apparaît comme une victoire sur un côté de toi qui a une tendance à se couper et se retirer des autres et de l'extérieur.

Une autre bonne chose, selon moi, c'est que tu aimes tes études et que tu sembles t'y passionné, malgré des moments de " solitude ". Il y en a et il y en auras toujours de ces moments plus repliés sur soi. Ne te juge pas quand tu en vis. Garde le moral, dis- toi que c'est un mauvais moment à passer, qu'il passera et quand tu es dedans, supporte-toi de façon accueillante et tolérante. C'est déjà assez difficile comme cela, n'en rajoute pas avec ce jugement que tu portes sur toi. Y a-t-il un lien entre le décès de ton père et la " coupure de ponts " avec tes amis à l'âge de treize ans. Il semble que oui. C'est au début de l'adolescence, l'identification au père se fait aussi à cette époque (cela commence bien sûr plus tôt) et le désirs d'être avec des pairs devient essentiel. Or, deux situations parallèles se passent à cet âge : perte de ton père ? donc d'une source de réassurance et de support- et perte d'estime avec des gens qui semblaient ne pas trop de faire du bien, par leurs attitudes à parler contre toi. Le choc a pu être très pénible et tu en ressens encore les contrecoups dans les groupes actuels que tu fréquentes.

Continue ton investissement affectif avec ton psy. Il y a là un lieu de ressourcement et de travail sur toi tout à fait exceptionnel- tu vois, j'y crois, à cela, pour l'avoir déjà vécu et en faire mon gagne-pain- qui peut t'aider à renforcer ta personnalité pour confronter tes problèmes actuels et du passé " revécu " maintenant. Il semble que tu aies ouvert de nouvelles facettes de toi à ce contact interactionnel. Continue cela.

Il y a encore du travail à faire autour de l'estime de toi. Tu as trop tendance à te comparer- et on se compare souvent à la baisse!- et considérer les autres comme possédant des pouvoir et des puissance énormes. Les autres ont aussi leurs difficultés de tous les jours, même s'ils ne le disent pas. Considère les autres aussi comme des être humains qui sont aux prises , sous différentes facettes, avec des problèmes de liberté, de solitude, d'imperfection, de désillusion et de déception parfois. Peut-être es-tu en train de " sortir " de ta bulle d'enfance et de commencer à regarder le monde avec ses beautés et ses laideurs : cela peut t'effrayer et ta tendance naturelle, celle de te cacher comme la tortue sous sa carapace, revient au galop. Résiste un peu à cela. Tolère un peu plus ce que tu vois et surtout ce que cela te fait, ce que tu ressens. Reste un peu plus en contact avec le difficile. Il faut que tu passes au travers, et ne pas fuir pour que tu grandisses. Partage avec ton psy et avec ton ami ce qui se passe pour toi dans des groupes; ne reste pas seul avec cela : il y a des gens tout près de toi. Affronter un groupe n'est pas facile pour quelqu'un comme toi, qui semble être une personne plutôt timide.

Il semble que certains événements de ton histoire semble se rejouer dans ta vie présente. Tu as l'occasion avec ton psy de jeter un regard sur ces blessures de ton passé qui remontent à la surface et que tu dois confronter. Il n'y a pas de recette miracle, mais tu sembles décidés à continuer de progresser, malgré les coups durs. Dans un groupe, reste proche de ton ami, ne t'aventure pas si tu ne te sens pas prêt, mais fais de petites expériences ? oser aller parler à quelqu'un, t'éloigner à l'occasion de ton ami, circuler volontairement dans la pièce où est le groupe. Dis toi que le groupe est constitué aussi d'individus, mais n'est pas un être monstrueux qui menace et veut blesser.

Bonne chance Manu et prends des risques dans l'action graduée.

Norbert Fournier, Psychologue