Réponse à: TOURBILLONS (relations avec un psychologue)

Surnom: TOURBILLONS
Pays: Canada
Âge: 35
Sexe: féminin

Bonjour,

L'an dernier, il y a eu de gros changements dans ma vie. Je me suis séparée, et j'ai quitté un bon emploi ainsi que la ville ou j'habitais pour retourner aux études.

J'ai eu et j'ai encore beaucoup d'aide de ma famille. J'ai consulté un psychologue à quelques reprises. Après avoir passé plusieurs mois sans le consulter, je suis sortie très contente de ma dernière rencontre avec lui et ce matin j'étais stimulée par ce que je lisais sur votre site (qui est très bien fait)ainsi que d'autres sites comme redpsy

Mais cet après-midi, plus j'avance dans ma lecture, et dans mes réflexions, plus je me sens fachée par le fameux paradoxe dans lequel les psychologues (et leurs clients) sont enfermés : logiquement, ils ne peuvent pas accepter d'avoir des besoins ou des sentiments en relation avec leurs clients car alors ils sont considérés comme abusant de la vulnérabilité de ceux-ci. Par contre, les clients, eux, doivent les exprimer ces mêmes besoins et ces mêmes sentiments sous peine d'être considérés comme n'ayant pas le courage de les "porter" (et tant pis s'ils sont assurés de se faire dire non merci dès qu'ils font affaire avec un psychologue soucieux de l'éthique!).

Pour être précise, je suis déçue par tout ça car je pense que c'est un piège. Personnellement, dans le cas où je tomberais éperduement amoureuse de mon psychologue, j'aurais plus de facilité à accepter qu'il me dise : "non, je ne ressens rien de tel pour toi" plutôt que : "non, je n'ai pas le droit de tenir compte de ce que je ressens parce que je suis ou j'ai été ton psy...".

Et si je suis le moindrement aussi intelligente que je suis supposée l'être, je vais éviter de "tester" ma capacité à tenir compte de mes besoins dans une relation qui est finalement vouée à l'impasse. Et si nous tombions éperduement amoureux l'un de l'autre, serait-il vraiment acceptable de s'en tenir à ce genre de règlement sans poser de questions? Suis-je vraiment plus vulnérable que lui dans tout ça? J'ai eu besoin d'aide pour finir par tenir compte de moi, de mon formidable besoin de liberté, et ce besoin tout le monde l'a.

Je ne vais pas bien car je me nie moi-même. Qu'est-ce que je fais? : je vais le voir, je découvre une personne extrèmement sensible, perspicace, drôle au besoin, avec la même soif,la même passion d'apprendre que celle que je ressens.

Je vais mieux car j'apprends à me respecter, à m'accorder le droit d'être moi-même, Qu'est-ce que je fais? : -je vais le voir, j'apprécie une personne avec qui je peux partager ces expériences totalement nouvelles, mes joies, ma sensualité, mes besoins; je découvre un homme qui apprécie ce que je lui révèle.

J'avance dans tout ça, je renonce à plein de choses et je ne regrette presque rien. Qu'est-ce que je fais? : -je vais le voir, je ne veux pas nécessairement continuer dans une relation d'aide, mais si j'y pense un peu, je n'ai pas le choix, je le fais parce que sinon je renonce à revoir une personne qui est devenue très importante à mes yeux.

Cette personne m'a déjà dit qu'il est impossible pour lui de garder un lien avec tous ou même une infime partie de ceux qui sont passés au fil des années dans sa pratique, et je suis d'accord avec lui à 100%. Je lis ailleurs l'idée qu'il faut que je me prenne pour quelqu'un d'autre pour espérer que mon psychologue accepte d'entreprendre une "vraie" relation avec moi et ça me déçoit. Je ne me prends pas pour une autre, je veux juste croire que si les sentiments sont vrais et réciproques alors que ce ne soit pas un quelquonque code d'éthique (par ailleurs tout à fait valable) qui vienne tout bousiller.

Et je parle autant pour l'amitié que pour l'amour.

Et je ne sais pas ce que je ressens pour lui, peut-être parce que je suis assez intelligente pour ne pas me laisser prendre dans ce piège que je viens de décrire. Peut-être aussi que je ne suis pas encore allée assez loin dans ma démarche, pour être capable d'exprimer des sentiments sans être assurée qu'ils vont être reçus.

Amusant et triste, n'est-ce pas? Que dois-je faire? Aller lui casser les pieds avec ce problème qui le concerne quand même un peu? Arrêter d'aller le voir? Consulter quelqu'un d'autre?

Merci de me répondre

Bonjour Tourbillons,

Votre lettre souligne des questions pertinentes et judicieuses. Elle comporte cependant quelques points abscurs que je souhaite clairifier.

Les psychologues et leurs clients ne sont pas « enfermés dans un paradoxe». Vous faites allusion au code de déontologie qui leur interdit (aux psychologues) d'avoir des relations sexuelles, amicales, ou même d'affaires avec leurs clients. Le bien-fondé de cette règle réside dans le fait que pour être efficace, la relation d'aide doit demeurer pure, et ne doit donc pas être influencée par une autre relation de nature différente.

Vous dites que les psychologues «ne peuvent pas accepter d'avoir des besoins ou des sentiments en relation avec leurs clients». Erreur. Ils peuvent avoir ces besoins et ces sentiments . ils ont même le droit de les ressentir pleinement. Le code de déontologie est muet à ce propos ! Mais ils ne peuvent pas y donner libre cours et passer à l'acte. Voilà.

«Tant pis s'ils (les clients) sont assurés de se faire dire non merci». Mais non ! Leur déception, leur frustration, fait partie du tout et est également travaillé dans le cadre formel de la psychothérapie. Au-delà du refus du psychologue de céder on retrouve ce cadre formel, sévère et frustrant peut-être, mais surtout sécurisant, ce contenant, qui permet au client d'apprendre à gérer sa propre frontière.

Si vous tombiez éperdument amoureux l'un de l'autre, serait-il acceptable de vous en tenir à ce règlement, demandez-vous. La réponse est oui. Sans poser de questions, demandez-vous. Posez toutes les questions que vous voudrez, la règle demeurera immuable.

Etes-vous vraiment plus vulnérable que lui (le psychologue) ? Tourbillons, celui qui est plus vulnérable que l'autre n'est pas l'enjeu de la question. Non, c'est non. Vulnérable ou pas.

Votre raisonnement et votre déception ne changeront rien à cet interdit : je répète qu'en allant voir un psychologue et en versant des honoraires pour recevoir des services professionnels de qualité (et non des faveurs sexuelles), vous n'allez pas voir un(e) ami(e) avec qui vous pouvez jouer au ballon, boire un café ou aller danser. Contrairement à ce qui se passe dans une relation amicale où on trouve beaucoup de réciprocité dans les sentiments et les confidences, dans la relation d'aide, le vécu du psychologue ne concerne pas le client. Le client ne vient que pour lui-même !

J'espère que ces quelques lignes contribuent à clarifier le processus de transfert et ses interdits.

Bien à vous,

Georges-Henri Arenstein, Psychologue