Il y a un an, je me croyais perdue, folle, délirante.... tout me paraissait si compliqué dans le quotidien ! mes enfants me semblaient trop, mon mari aussi, me lever était un effort insurmontable, j'avais trop chaud, je pensais à la mort, je l'imaginais, j'en faisais un scénario... j'aurais pu passer à l'acte car ma vie me semblait tellement FINIE.... et puis, il y a eu mon mari qu m'a vue, m'a entendue et m'a accompagnée vers le

médecin... premier traitement : une folie encore plus folle... la mort à mon chevet.... deuxième traitement, c'est le bon, je suis apaisée, les angoisses s'estompent même si je continue de douter de mes capacités à vivre le quotidien... mes enfants me semblent moins monstres... me déplacer recommence à devenir envisageable... petit à petit, je me rends compte que mon mari, en voulant bien faire, m'a infantilisée pendant des années, à toujours vouloir me protéger (car je suis malade du coeur, gravement)... petit à petit, je reprends les choses en main à la maison, je suis plus proche de mes enfants qui me font moins peur, eux qui sont si adorables en réalité. Petit à petit, mes occupations me semblent acceptables et je ne pleure plus... mais, je doute quand même, qu'est-ce qui m'est arrivé, pourquoi me mettre dans ces états... d'où cela vient-il ? j'ai l'impression pourtant d'avoir fait le tour de mon enfance, de ma vie, de ce qui a fait que je suis devenue ce que je suis et je dis à mon psy que je ne vois pas comment je peux travailler plus sur ça... ça quoi ? ça, l'ambivalence... oui, je suis ambivalente, on me le dit depuis si longtemps et je ne comprenais pas pourquoi j'étais si chaleureuse à l'intérieur et si froide à l'extérieur ?

aujourd'hui, je crois que j'ai compris quelque chose de mon enfance, quelque chose que j'avais à peine soulevé, par peur sans doute d'y trouver une mauvaise réponse... enfant j'ai toujours dû me défendre de mes propres sentiments, de mes pensées, j'ai toujours dû faire figure de petite fille sage parce que même si je n'avais rien fait, je me faisais taper, cogner, insulter... j'ai toujours essayé de plaire à mes parents, mes frères, mes soeurs qui me considéraient comme l'étrangère... je passais mon temps entre maisons de repos et hôpitaux et de temps en temps, je vivais chez mes parents, le calvaire qui durait toujours beaucoup trop longtemps... j'ai désespérément essayé de me faire aimer d'eux et j'ai poursuivi cela à l'âge adulte et j'ai essayé de me faire aimée de mes frères et soeurs, puis de leurs époux et épouses, puis de leurs enfants, mais j'étais le vilain petit canard et rien, rien n'y faisait...

ambivalente je suis devenue, comment montrer à quelqu'un qu'on l'aime quand, on ne s'aime pas soi-même, quand on pense qu'on va mal faire, quand on pense qu'on n'est pas "aimable" ? comment montrer qu'au fond, dans le coeur, dans l'âme, on veut faire le bien, quand on a appris à se taire (j'allais écrire à se "terre"(r)), comment ne pas s'imaginer que tout ce qu'on va dire, faire, penser ne va pas être mal interpréter... comment s'imaginer avoir quelque capacité que ce soit pour tel ou tel domaine ?

on commence les choses qu'on ne finit pas, parce que, enfant, on a entendu : tu seras toujours une charge pour la société avec ta maladie, tu ne pourras jamais travailler, ni te marier, ni avoir d'enfant, les études, n'y compte pas... et puis, avant 20 ans tu seras morte... ah, oui, alors, pas la peine de faire de projets, pas la peine non plus de s'imaginer que l'on puisse même finir la moindre chose... la mort flirte avec moi au quotidien...

ambivalence et agressivité... des yeux qui transpercent l'autre, même lorsque je veux regarder avec amour... une voix qui "braque", des mots qui s'alignent trop rapidement, le souffle court qui n'arrange rien, voilà le portrait de l'interlocutrice que je parais être. Et à l'intérieur, quand je ne me sens pas comprise, mon coeur pleure et lorsque je suis seule, je pleure et je souffre... alors, panique, refuge, on ne fait plus rien...

mais voilà, j'ai découvert tout cela et d'autres choses encore ! je sais que tout cela, c'est de la faute de mes parents ! ils m'ont haïe, ma mère est morte sans vouloir me voir, mon père est mort sans qu'il puisse me dire qu'il m'aime, parce qu'il ne s'en donnait pas le droit à cause des autres (mes frères et soeurs)... et lorsqu'une de mes soeurs est morte, des voix se sont élevées pour dire : c'est toi qui devrais être à sa place, c'est pas normal !! certains même font comme si j'étais morte... mais tant pis, je sais que j'ai subi et que je n'étais pas coupable, ni responsable, j'étais une petite fille malade, née d'un adultère mal assumé par ma mère et mal accepté par celui que j'appelle mon père, le marie de ma mère... et puis, je ne ressemblais pas aux autres, mes frères et soeurs, eh oui, j'étais une élève strudieuse, brillante par certains côtés, en tout cas, tenace même devant la difficulté, et puis, je ne demandais jamais rien, je donnais, donnais, donnais, je m'accusais même de ce que je n'avais pas fait pour protéger mes frères et soeurs... alors, oui, j'ai subi et aujourd'hui, je le sais, je l'ai intégré, je suis une victime, victime de la violence, victime d'attouchements sexuels aussi, victime d'indifférence, je suis une ex-enfant victime et je voudrais dire à tous les enfants victimes, à tous les adultes qui l'ont été : travaillez sur vous pour comprendre que vous n'êtes pas coupable, ni responsable de ce que vos parents vous infligent !! travaillez à votre estime personnelle...

je ne suis pas guérie, mais je vis, malgré le non amour, malgré les violences, je suis heureuse, même si la guérison n'est pas encore à la porte de mon âme... je la vois qui arrive cependant...
j'ai paniqué.... je vis, je commence à vivre et à ne plus souffrir de ne pas être aimée... je sais que je suis aimée, par mon mari, mes enfants... et finalement, cela me suffit, comme il me suffit de savoir que quelques personnes apprécient ma présence et m'acceptent comme je suis... la panique, l'ambivalence, la vie.... le bonheur....

la vie est terrible, mais rien ne vaut la vie...