Comment vous faites quand vous "retombez", quand ça arrive une fois, deux fois, trois fois, pour ne pas au bout d’un moment, vous décourager et vous dire que si à chaque fois ça recommence c’est plus la peine de faire des efforts ? Que vos efforts ne sont pas vains ?

En ce moment après une amélioration tout retombe de mal en pis, que ce soit familial amical ou autres… Niveau job je dois être complètement empotée parce-que j’ai beau ne pas demander plus qu’un job étudiant à la con mal payé et tout et tout, rien ne marche, je n’ai pas de réponses… Je me sens complètement nulle et incapable. Niveau études je vais angoisser jusqu’en septembre pour savoir si je rentre dans leurs « quotas » voulant m’inscrire à l’université pour la seconde fois. Niveau parents l’un ne sait même pas lui même pourquoi il vit, il est complètement suicidaire (bonjour l’exemple, je sais qu’il n’y peut rien mais je lui en veux. Pourquoi faire des enfants quand soi même on ne croit pas à la beauté de la vie ? J’ai du mal à comprendre. L’autre (parent) est tellement euphorique et égo-centré qu’on ne peut pas se comprendre mutuellement. (en plus je vis seule donc je les vois peu)
Après, les amis je ne sais plus trop où j’en suis. Curieusement je me suis énormément rapprochée d’une copine qui ne s’entendait pas avec mon ami ( je l'aimais au delà de tout, avec lui j'avais une complicité unique, je l'estimais comme personne d'autre. il est mort du cancer il y a 15 mois. Je fais bref car je n'en peux plus de parler de ça). Et en revanche une autre est complètement partie en vrille en me disant les pires horreurs sur moi, mon ami, notre relation, ma façon de réagir face à sa mort : j’ai du renoncer à la voir je commençais à la détester comme je n’ai jamais détesté quelqu’un de ma vie ! Elle a dépassé des bornes qui sont décemment indépassables…
Enfin mon amie d’enfance a enchaîné concours sur concours depuis la maladie de mon ami, over bookée sans rien voir de ma douleur et je ne peux pas m’empêcher de lui en garder rancune, du coup je ne l’appelle jamais et de toute façon les seules fois ou j’ai essayé de lui parler de LUI, elle a coupé court en disant que c’était trop dur pour elle ;)
Les personnes avec qui je n’ai pas pu aborder ce sujet sont reléguées dans la case « superficiel » désormais. Je m’arrête là sur les amis, heureusement il me reste nos amies à tous les deux, deux supers copines avec qui on peut parler de tout sans tabous et je me marre vraiment avec elles même quand c’est triste.

Je crois qu’en fait le seul niveau qui va bien c’est ma santé… J’ai cette chance mais je n’ai pas l’impression de très bien m’en servir. J’ai l’impression que j’ai usé mon cœur et qu’il est sec maintenant. J'ai tellement souffert de devoir me détacher de mon ami après sa mort, me détacher au sens : accepter qu'il ne fera plus partie de ma vie en tant que vivant, qu'il n'y aura plus d'interaction entre nous... Alors on dirait que mon coeur ne s'est pas remis de ce tour de force, d'accepter de supporter ça et de survivre alors que celui que j'aimais est mort alors qu'on s'aimait... Du coup il n'arrive plus à se sentir attaché à quiconque : il se le refuse, sans doute pour se protéger de revivre ça. Savoir que tout est éphémère, que même un amour si intense peut être détruit en une fraction de seconde et qu'on n'a pas d'autre choix que de serrer les dents et d'essayer de penser "tant pis" (en gros c'est ce qui nous est demandé pour continuer à vivre normalement et heureux).

Mais comment recommencer avec ce même espoir, et cette insouciance qui est la condition d’un certain bonheur. Plus rien à en tirer de mon coeur. Sauf de la colère et de l’énervement...

Bien sûr quand on « sait » on profite parfois plus des bonheurs. Mais le revers c’est que la maladie sur soi ou menaçant un très proche, suffit à elle-même pour savoir. La mort au contraire, rend ce « savoir » très amer à vivre. Je sais… mais combien je préférerais ne pas savoir !! Je sais mais… à quoi bon savoir maintenant ? J’aurais voulu savoir avant. C’est comme cette phrase qu’il m’a dite quelques jours avant de mourir, ou je m’asseyais dans l’herbe du parc de l’hôpital, et je sursaute c’était mouillé. « merde, je vais avoir les fesses toutes vertes » ;) Et lui au sec dans son fauteuil roulant, qui me répond faiblement « t’as trop de chance ».

Evidemment à chaque fois que j’y repense je pleure, à chaque fois que je m’assieds dans l’herbe j’y pense… et croyez-vous que je profite de ce moment ? Tout ce que je peux me dire c’est et LUI ? Pourquoi lui n’a-t-il plus le droit ? Pourquoi moi ?

Alors ça évidemment… je suis bien obligée de m’habituer : c’est comme ça et pas autrement. Mais quand je vois le merdier que j’arrive à faire de ma vie alors que je sais tout ça… Ca me fait culpabiliser d’être là. Etre là avec ce cœur sec et de la haine pour plein de choses et gens qui n’ont rien demandé, qui sont juste restés eux-mêmes comme d’habitude, et qui ont eu la chance de ne pas avoir à évoluer en même temps que moi.
J’ai l’impression d’avoir 100 ans sauf que j’ai encore ma vie à construire et je ne sais pas comment faire… Si au moins j’avais juste un problème particulier à résoudre vous pourriez peut-être m’aider mais cette montagne de petites choses débiles qui me pourrissent la vie contre mon gré, ce cœur réticent qui fait le mort… ça m’empêche de retrouver goût à la vie. Si on pouvait m’injecter un « viagra affectif » quel bonheur ce serait… On dirait mon cœur refuse alors que ma tête elle, a besoin d’amour.
Qui a vécu ça ? Je me sens coincée, bloquée alors que j’ai besoin d’avancer. Bon j’arrête là c’est déjà bien long tout ça. C’est à se taper la tête contre les murs tellement je me sens impuissante contre moi-même.