Quatorze ans déjà ! Treize ans de vie commune. Un départ dans un autre pays pour une autre vie et ma fille, là-bas, restée derrière moi.
Une adolescente que je ne vois plus grandir, que je ne vois plus changer, qui se terre dans le silence pour ne pas me faire souffrir ou peut être par peur de souffrir elle même. Mais le silence est la pire des souffrances ! Ne le sais tu pas ?

Et moi, une mère qui fini par accepter de ne plus avoir de fille, envahie par un sentiment d’impuissance face à ce silence voulu et avoué. Elle ne me parle plus d’elle. Je n’ai pas le droit de savoir les raisons de ses choix. Elle veut rester vivre là bas alors qu’elle désirait encore il y a peu venir vivre ici.

Rien ! Pourtant rien d’apparent ne s’est produit entre nous pour expliquer les raisons de son changement soudain de comportement.

Autrefois, à peine 4 mois en arrière, nous avions une grande complicité. Nous passions des heures à rire, à parler de nos vies, de nos amis, de nos projets avec Internet pour seul moyen de communication.. Depuis, plus rien. Un revirement inattendu. Un silence douloureux a pris place.

Ai-je perdu ma fille ?
L’adolescence est-elle en cause ou est-ce le fait qu’elle a enfin trouvé la mère tant désirée au travers de la nouvelle femme de son père ?
Je me pose sans arrêt des questions. Je ne peux que me poser des questions car elle préfère le silence et elle en est désolée :
« Je préfère garder le silence. Je suis désolée maman. »

J’ai toujours fait en sorte que le choix de mes enfants leur appartienne. Mais là, je me trouve face à l’épreuve. Je ne sais plus si j’ai bien fait d’accepter son silence. En moi, une véritable guerre fait rage entre le désir de garder un semblant de contact ou oublier qu’un jour, une fille est née.
Je suis triturée entre le désir de lui soutirer ses raisons et respecter son silence.

Maintenant elle n’a plus rien à me dire d’elle puisque son désir de rester est mis sous clé. Son avenir ne dépend-il pas de ses choix présents. Si elle ne veut pas me parler de son avenir, que reste-t-il à dire ? Des banalités sans lendemain qui traitent de ses amies, de son chat, de son chien en somme des autres. D‘après elle, « rien de neuf » après 2 semaines sans se parler. D’après elle, elle ne vit rien de particulier. Sa vie est pâle, sans nouveauté.
Derrière un écran où de simple lettres s’affichent comment décrypter les profondeurs de son âme ?

Aussi je sais que :

Tu ne m’appartiens pas. Ta vie n’est pas la mienne. Tu as choisi de garder le silence et moi j’ai peut être bien eu tort de ne pas être une mère possessive qui ne t’aurait donné aucun choix dans tes décisions.

Mais je sais que je n’ai pas fait d’erreur en te laissant libre de tes choix. Tu es une personne à part entière et il ne me reste plus qu’à accepter. Même si ça fait mal. L’oiseau a quitté son nid.

Je sais aussi que j’aurais du mal à lui pardonnée d’être aussi cruelle. Sa lâcheté de taire plutôt que de dire tout simplement tandis que je lui tends une perche me donne l’envie de tout laisser tomber et de me faire une raison une fois de plus : « je n’ai plus de fille ! »