Dans le village turc de Kusköy, situé dans la chaîne de montagnes Pontique bordant la mer Noire, les habitants utilisent encore la langue sifflée pour communiquer d’un bord à l’autre de la vallée afin de s'épargner de fastidieuses heures de marche, rapporte Le Monde.

Avant l'avènement du téléphone, ce mode de communication à longue distance était populaire dans les petits villages de Turquie. Le langage sifflé porte bien plus loin que le langage crié. Il peut être entendu à des kilomètres à travers les canyons escarpés et les hautes montagnes.

Le turc sifflé n'est pas une langue distincte du turc, explique le chercheur en neuroscience Onur Güntürkün de l’université de la Ruhr à Bochum (Allemagne), coauteur d'une étude publiée de mois-ci dans la revue Current Biology sur cette langue sifflée. C'est du turc converti en une forme différente, de façon comparable à la transposition du langage parlé au langage écrit, explique-t-il. Il en est ainsi des autres langues sifflées telles que l'espagnol et le grec.

Lui-même originaire de Turquie, le chercheur rapporte avoir trouvé le turc sifflé étonnamment difficile à comprendre. « Comme personne de langue maternelle turque, j'ai été frappé de ne pas comprendre un mot quand ces gars ont commencé à siffler », dit-il. « Pas un mot ! Après environ une semaine, j'ai commencé à reconnaître quelques mots, mais seulement si je connaissais le contexte. »

La langue turque sifflée, dite « langue des oiseaux », est l’une des dizaines de langues sifflées recensées à travers le monde. « Une quarantaine de langues sifflées ont été étudiées, mais jusqu’à 70 ont été signalées », précise le linguiste et acousticien Julien Meyer, de l’Institut des sciences cognitives (CNRS, Lyon) qui a publié un livre sur le sujet, « Whistled Languages » (« Langues sifflées »), début 2015.

L’étude de Güntürkün et ses collègues a montré que la langue sifflée fait appel aux deux hémisphères du cerveau alors que le traitement cérébral du langage ordinaire, qu'il soit écrit, parlé ou par signe, se fait dans l'hémisphère gauche. Ce qui s'explique par le traitement auditif requis par ce langage.

Psychomédia avec sources : Le Monde, Current Biology, Cell Press.
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