Le nombre croissant de diagnostics d'autisme partout dans le monde résulterait d'une diminution constante de la différence entre les personnes qui reçoivent un diagnostic et le reste de la population plutôt que d'une réelle augmentation de la prévalence, selon une étude dirigée par le Pr Laurent Mottron de l'Université de Montréal dont les résultats sont publiés dans la revue Journal of the American Medical Association (JAMA) Psychiatry.

« Aux États-Unis, la prévalence serait passée, entre 1966 et aujourd’hui, de 0,05 % à plus de 2 %. »

« Au Québec, le taux déclaré approche les 2 %. Une publication de la Direction de santé publique conclut même à une augmentation de 24 % par année depuis l’an 2000 en Montérégie ! »

Avec sa stagiaire Eya-Mist Rødgaard, de l’Université de Copenhague, et trois autres chercheurs de France, du Danemark et de Montréal (1), le professeur a analysé les données de 11 méta-analyses publiées entre 1966 et 2019 et portant sur près de 23 000 autistes.

Ces méta-analyses montraient une différence significative entre autistes et non-autistes dans sept domaines constituant l’essentiel des composantes psychologiques et neurologiques de l’autisme :

« Cette étude visait à comparer “la taille de l’effet”, c’est-à-dire la mesure des différences observées entre autistes et non-autistes, selon les années de publication des données incluses dans les méta-analyses. »

« L’analyse montre que, au cours des 50 dernières années, l’importance de la différence entre autistes et non-autistes a diminué pour tous les domaines retenus. Cinq de ces sept domaines présentent une dilution statistiquement significative de la taille de l’effet dans des proportions allant de 45 % à 80 %. Les deux seules mesures où la diminution n’est pas significative sont celles relatives à l’inhibition et à la flexibilité cognitive.

“Cela signifie que les autistes et les non-autistes que nous évaluons dans tous les secteurs sont de plus en plus semblables entre eux, déclare le chercheur. Si la tendance se maintient, il n’y aura plus de différence objectivable entre les autistes et la population générale dans moins de 10 ans ! Nous risquons ainsi de ‘perdre le signal’ de l’autisme – qui devient quelque chose de trivial – parce que nous posons ce diagnostic auprès de gens qui sont de moins en moins différents des autres.” »

« Afin de s’assurer que la tendance observée était propre à l’autisme, l’équipe de chercheurs a également analysé des données de domaines similaires tirées de travaux sur la schizophrénie. Non seulement il n’y a pas d’augmentation de la prévalence de cette maladie dans la population, mais la tendance est plutôt à l’augmentation de l’ampleur de l’effet entre schizophrènes et non-schizophrènes. »

« Les critères pour diagnostiquer l’autisme n’ont pourtant pas changé au cours des années qui ont vu cette différence s’étioler. Ce qui a changé, croit le Dr Mottron, ce sont les pratiques diagnostiques. »

« Trois des critères pour diagnostiquer l’autisme concernent la sociabilité, explique-t-il. Il y a 50 ans, l’autiste était la personne qui n’avait pas d’intérêt apparent pour les autres ; aujourd’hui, c’est celui ou celle qui a moins d’amis que les autres. L’intérêt pour les autres peut s’observer de diverses façons, dont regarder les gens dans les yeux. Mais il se peut qu’on évite le regard des autres parce qu’on est gêné et non parce qu’on est autiste. »

On ne parle d’ailleurs plus d’autisme mais de « trouble du spectre de l’autisme », ce qui montre que la notion actuelle recouvre de multiples formes hétérogènes.

Selon le professeur, les études sur l’autisme comporteraient trop de participants qui ne diffèrent pas suffisamment des non-autistes. Contrairement à la règle qui prévaut généralement en science, il estime que plus le nombre de participants est grand dans les études sur l’autisme tel qu’il est défini actuellement, moins les chercheurs ont de chances de faire des découvertes sur les mécanismes de ce trouble. Aucune découverte importante n’aurait du reste été faite de ce côté depuis 10 ans, estime-t-il.

Le docteur Mottron s’attend à ce que cette méta-méta-analyse entraîne une modification des critères de l’autisme dans la prochaine édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (le DSM), rapporte La Presse canadienne qui a recueilli les commentaires du professeur, notamment sur les services offerts aux enfants ayant un diagnostic d'autisme.

« Les gens qu’on diagnostique comme autistes alors qu’ils ne le sont pas, souvent ils ont des problèmes, mais qui ne sont pas les mêmes », souligne le professeur. « Si on vous dit que vous êtes autiste alors que vous ne l’êtes pas, ça donne un truc complètement fou au niveau de la compréhension qu’on a de soi-même », ajoute-t-il.

Pour plus d'informations sur l'autisme, voyez les liens plus bas.

(1) Eya-Mist Rødgaard; Kristian Jensen; Jean-Noël Vergnes ; Isabelle Soulières.

Psychomédia avec sources : Université de Montréal, JAMA Psychiatry.
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