"Les travaux du psychologue Claude Steele et de ses collaborateurs ont montré que, même parmi les bons élèves, la «menace du stéréotype» peut affecter les comportements et les performances des membres des groupes traditionnellement considérés comme «pas bons à l'école» (les Noirs, les beurs) ou «pas bons en maths» (les filles).
Une première série d'expériences a porté sur les filles. Les chercheurs ont sélectionné des étudiants de deuxième année à l'université de Stanford (Etats-Unis), filles et garçons, qui avaient de bonnes notes en maths, et leur ont proposé un test difficile (le test est normalement utilisé pour sélectionner les étudiants à l'entrée en thèse, donc il était trop difficile pour eux mais comportait certaines questions qu'ils pouvaient déjà faire). Les garçons ont beaucoup mieux réussi que les filles. En revanche, quand les chercheurs leur ont proposé un test plus facile, les filles et les garçons ont aussi bien réussi. Des résultats de ce genre ont souvent été cités comme preuves du fait que les filles sont génétiquement moins douées que les garçons en maths, ou en tout cas qu'il y a moins de «très fortes en maths» chez les filles. Une remarque de ce genre au printemps dernier a failli coûter son poste au président de Harvard, Larry Summers.

D'après Claude Steele, ce qui se produit dans cette expérience n'a rien à voir avec un talent intrinsèque. Confrontées aux premières difficultés lors du test, les filles les interprètent comme une confirmation du stéréotype qui veut que les filles soient moins bonnes en maths que les garçons. Elles se disent alors, que si elles n'y arrivent pas, c'est qu'elles sont moins bonnes qu'elles ne le pensaient. Cela augmente leur anxiété, puisque c'est leur identité même de «bonnes en maths» qui se trouve attaquée par le stéréotype, et elles perdent leurs moyens. Les garçons, confrontés aux mêmes difficultés, ne se sentent pas menacés, et passent à la question suivante. Pour tester cette hypothèse, les chercheurs ont pris un nouveau groupe d'étudiants, et leur ont administré le même test difficile, en les prévenant d'abord que, bien qu'ils aient pu entendre dire que les filles étaient moins bonnes en maths que les garçons, ce n'était pas vrai pour ce test-là, et que les filles le réussissaient aussi bien que les garçons. La différence entre les filles et les garçons disparaît alors complètement. C'est donc bien l'angoisse du stéréotype qui empêchait les filles de réussir à leur mesure.

Dans d'autres expériences, Claude Steele et ses collaborateurs ont montré l'existence du même phénomène chez les Noirs américains. Selon que le même test est explicitement présenté comme un «test d'aptitude» ou non, les Noirs réussissent moins bien que les Blancs, ou au même niveau. Le fait même d'indiquer sa race au début d'un test d'aptitude, plutôt qu'à la fin, affecte les performances des Noirs (mais pas celles de Blancs)."

Tiré de: www.liberation.fr

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