L'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset) a rendu, mercredi 24 mars, un avis très attendu sur les "risques liés aux nanomatériaux pour la population générale et dans l'environnement".

En l'état actuel des connaissances, considère l'Agence, "le risque ne peut pas être évalué, il ne peut donc pas être exclu".

Elle préconise donc le principe de précaution: mettre en place un "étiquetage compréhensible" informant de la présence de nanomatériaux dans les produits, avec leur toxicité et les risques d'exposition; privilégier, à performances et coût égaux, des produits sans nanoparticules, et de restreindre le recours aux nanoproduits à "faible utilité" (sur la base d'une analyse socio-économique du rapport bénéfice-risque); assurer "une traçabilité" au moyen de fiches descriptives fournies par les industriels et rassemblées dans une base de données et, en priorité, développer la recherche sur les dangers des nanomatériaux.

"Avec les nanomatériaux, il est impossible d'en rester aux généralités. Il faut les examiner au cas par cas, produit par produit, usage par usage, souligne Martin Guespereau, directeur général de l'Afsset. Selon la formulation et la matrice où il est incorporé, chaque nanomatériau acquiert une réactivité et un comportement différents." L'Afsset base donc son analyse sur quatre produits qui ont été retenus, parce que largement utilisés et représentatifs des différentes voies d'exposition directe: cutanée, par inhalation ou par ingestion.

- Le cas du sucre en poudre : Le consommateur ignore qu'il peut – comme le sel de table – contenir de la nanosilice évitant l'agglomération des grains. Les éventuels dangers sanitaires de cet additif sont inconnus. Chez le rat, une administration orale à forte concentration peut avoir des effets toxiques sur le foie. Pour les écosystèmes, il n'existe aucune donnée.

- Le cas des crèmes solaires : C'est du dioxyde de titane nanométrique qui entre dans la composition des crèmes solaires comme agent filtrant les rayons ultraviolets. Les fabricants ont toujours affirmé que ces nanoparticules ne franchissent pas la barrière cutanée. Or, relève l'Afsset, "certaines études récentes montrent qu'elles peuvent se retrouver dans la couche profonde de l'épiderme".

Chez des souris, ces particules peuvent atteindre la rate, le cœur et le foie, et causer des lésions pathologiques. Les rejets dans le milieu naturel sont estimés, pour la France, à 230 tonnes par an, mais l'impact de ces substances, dans leur formulation cosmétique, reste à étudier.

- Le cas des chaussettes antibactériennes : Dans certaines chaussettes, des nanoparticules d'argent sont intégrées aux fibres pour éliminer les mauvaises odeurs. "L'exposition cutanée est non négligeable", même si "les risques sanitaires ne peuvent pas être estimés".

Le passage de la barrière cutanée pourrait être facilité en cas de peau endommagée. Or ces particules peuvent induire un "stress oxydant" provoquant une altération des cellules.

Quant à l'impact environnemental, l'agence calcule, sur la base d'un Français sur dix converti aux chaussettes antitranspiration et de 10 paires achetées par an, que leur lavage entraînerait le relarguage annuel de 18 tonnes de nanoargent dans les milieux aquatiques. Le caractère biocide de ces particules présente "un danger avéré chez certaines espèces animales".

- Le cas du ciment autonettoyant : il acquiert, grâce à l'adjonction de dioxyde de titane nanométrique, des propriétés autonettoyantes et assainissantes, par décomposition des dépôts organiques. La voie d'exposition est ici l'inhalation.

Des inflammations pulmonaires et des tumeurs ont été déclenchées chez des rats, avec de très fortes doses, il est vrai. L'action sur les écosystèmes, où l'usure des bâtiments entraîne une dissémination du dioxyde de titane, reste très mal connue. Des œdèmes des filaments branchiaux ont été observés chez des poissons.

Psychomédia avec source: Le Monde.