Comme un petit pois écrasé

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Message #19

#19 Posté le par farah13

Bonjour Juliette,

Tu sens vraisemblablement arriver la fin de l'année scolaire en la redoutant de plus en plus mais aussi en te disant que tu vas enfin te reposer. Ben oui, c'est un peu une sorte de deuil que tu vas faire avec ce groupe que tu aimes tant, mais tout ne s'arrête pas là, la vie continue et nous ne sommes pas des êtres découpés en petits morceaux, il n'y a pas d'une partie une vie qui se remplirait par le travail et une autre qui serait le vide. Il y a un équilibre à trouver, il faut que tu te construises, les moments de solitude où l'on est seul, c'est important aussi pour faire le point avec soi-même, se ressourcer; se reposer.

Trouver un boulot à mi-temps pendant les vacances alors que tu es déjà complètement épuisée, moi je trouve ça étonnant comme conseil. Qu'en penses-tu réellement TOI ??? te sens -tu capable de rechercher un boulot en ce moment et de prendre une nouvelle activité et travailler alors que tu sembles épuisée moralement ?

Et les vacances... sont-elles faites pour travailler ???... et travailler sans relâche est-ce-fait pour tenir le coup uniquement ??? tu sais c'est à l'intérieur de toi quie tu trouveras les réponses, pas ailleurs, écoute les conseils des uns et des autres, mais DECIDE TOI-MEME, en fonction de TOI.

Je n'aime plus trop parler de mon expérience car j'ai vécu des enfers dont je n'ai plus envie de parler maintenant. J'ai vidé mon sac suffisamment pendant des années chez les psys, sur le net aussi et maintenant je ne suis plus tournée sur mon passé mais sur ma vie. Je suis dans la vie, enfin, après des années de souffrance.

Mais je vais quand même te raconter ce qui m'est arrivé il y a 2 jours. Je suis allée consulter pour la deuxième fois une nutritionniste qui travaille sur la rééducation alimentaire et qui a une formation psy pour traiter les comportements alimentaires déviants. Au bout d'une trentaine de minutes, elle m'a laissé la phrase suivante "mais pourquoi vous ne reprendriez pas un travail en mi-temps thérapeutique, vu que vous avez tout le temps besoin d'activité ?" alors là, j'ai souri et je t'assure que je lui ai répondu avec un aplomb incroyable de ma part il y a encore quelque mois. Je lui ai dit que j'étais complètement incapable de travailler pour le moment, car je sais trés bien qu'il me faudra encore quelque mois pour reprendre une activité normale.

J'ai été des années en hyper activité professionnelle et même familiale, un vrai robot, on me retrouvait partout, mais je n'existais pas réellement. J'ai besoin de temps pour savoir où j'en suis, poser les bases d'une nouvelle vie, me re-construire (ou plutôt même me construire). Mes activités actuelles n'ont rien à voir avec celles de mon travail et je suis chez moi, je peux tenter de nouvelles choses, trouver des moments de forte concentration et me reposer dès que j'en éprouve le besoin, j'ai même appris à anticiper mes besoins de repos et ça crois-moi, c'est un réel progrès.

Mais c'est sûr pour moi le plus dur c'est que les autres me connaissent autrement et ils ont peur dès qu'ils me voient changer, ils veulent que je bouge comme avant, que je m'active, que je ne lâche pas. Mais je résiste, je ne me suis jamais sentie aussi forte intérieurement. Je sais que je développe mes propres solutions avec les moyens que j'ai. Je connais mes handicaps, et je fais avec. Il existe des énormes "trous" dans mon éducation, je dois apprendre en tant qu'adulte à me débrouiller avec ce que j'ai et ce qui me manque et que je n'aurai jamais (entre autres l'amour de mes parents); voilà c'est comme ça. Maintenant en tant qu'adulte je peux choisir ma vie, quand j'étais enfant j'ai subi pour survivre, je n'avais pas d'autre solution et finalement je m'en suis plutôt bien (même trés bien) sortie. Quand j'ai rebalayé mon enfance avec un regard d'adulte, j'ai compris combien j'avais souffert et combien j'étais quelqu'un avec des capacités phénoménales de se sortir des situations les plus terribles... J'ai toujours travaillé, j'ai eu une vie sociale trés importante, j'ai fini au bout de 10 ans de combat par avoir une fille, elle est magnifique et je suis hyper fière d'elle. Je suis en train de consolider ma petite cellule familiale, un vrai bonheur, mais pour cela j'ai dû passer par des renoncements, des souffrances, des hauts et beaucoup beaucoup de bas, j'ai regardé les choses en face, je ne me suis jamais menti, j'ai accepté de ne pas être parfaite, i comme femme, ni comme épouse, ni même comme mère.

Le plus dur dans tout ça pour moi, c'est par contre de savoir quelle fille être pour mes parents. Pour mon père c'est presque réglé, je ne l'ai pas vu depuis bientôt 4 ans et je ne m'en porte pas plus mal. Ma mère elle, c'est encore difficile, je la vois environ 1 à 2 fois par an, quelques heures, alors qu'elle vient régulièrement dans ma ville, passe ses vacances chez mes frères à quelque kilomètres d'ici, habite la maison à côté de ma soeur, va à toutes les occasions pour mes neveux et ne vient voir ma fille et moi que quelques heures, où généralement d'ailleurs elle me demande de l'argent. Et là où ce n'est pas réglé encore, c'est que justement elle passe ce lundi et j'en ai mal au ventre depuis 1 mois et plus la date approche et plus je me sens malade... je n'ai toujours pas pris de décision la concernant, vais-je aller la retrouver ? ne pas y aller ? (ce que tout le monde me conseille)... je ne sais pas. mais quand même ce que je sais, c'est que là j'en ai marre, que ce lundi il va falloir qu'il se passe quelque chose, que je fasse ce qu'il faut pour qu'enfin je puisse me libérer du "fantôme" de ma mère qui rode toujours en moi. Je n'aurais pas de nouvelle séance de psy avant son passage, ma psy jeudi m'a dit " il vous reste 4 jours pour trouver ce dont vous avez besoin vis-à-vis de votre mère", alors je réfléchis tranquillement et je sais que je vais trouver ce qui est bon pour moi.

Alors tu vois, pour revenir à toi, tout est possible quand ça vient de toi. Les spécialistes sont là pour t'aider à trouver TON propre chemin, ils te guident, mais jamais ils n'auront de solution toute faite, ils peuvent te donner des pistes, chercher avec toi les causes, mais la solution au final, c'est toi qui la détiens. Il faut accepter de lâcher prise, mais ensuite il faut aussi passer à l'acte du changement et là, ce n'est pas tout simple car nous sommes souvent des "as" des résistances au changement !...

Pour terminer, je te dirai ce que j'ai dit des centaines de fois à des personnes que je suivais pour leur orientation professionnelle :

"plus c'est flou, plus c'est dur, plus vous vous sentez complètement perdu, meilleur sera le résultat. Cela veut dire que vous vous posez les bonnes questions, que vous cherchez au fond de vous, et vous allez trouver vos solutions à vous, qui seront bien meilleures que celles que quiconque pourrait vous suggérer."

Et je te garantis, j'ai vu des personnes refaire surface de manière extraordinaire, reprendre des activités géniales au-dessus de toutes espérances et moi aussi j'ai parcouru un chemin intérieur qui m'a conduite dans une vie que je n'osais même pas imaginer il y a seulement quelques années. C'est déjà au-delà de mes rêves, mais je n'ai pas tout à fait fini mon chemin, il reste beaucoup à faire encore, et oui, ben après ce que j'ai traversé je ne peux pas encore retravailler comme avant, je ne suis pas encore prête à reprendre la tête de mon service, à gérer une équipe de 7 personnes qui grandit régulièrement, à recevoir les médias, des délégations étrangères, à gérer des plannings de folie, des rdv... mais je connais ma valeur maintenant et où j'en suis et forcément lorsque je reprendrai le boulot, ce sera d'une manière différente, je ne prendrai plus tout sur mes épaules ni en pleine figure, j'aurai du recul, je serai donc plus performante encore, plus efficace, mois éparpillée, et surtout par dessus tout, moins impliquée dans mes sentiments au travail. Je saurai remettre les choses et les gens à leur place; je n'aurai pas besoin de piquer des colères pour ça ou ravaler pendant des mois.

Voilà, c'est le témoignage que je voulais te donner aujourd'hui. J'espère qu'il te sera profitable, car j'ai eu du mal à l'écrire, tant je n'ai plus envie de parler de tout ça. Je veux juste te dire à toi et aux autres de ne pas perdre espoir, si vous aviez vu dans quel état j'étais il y a encore quelque mois, j'aurais été bien incapable d'écrire cela.

Enfin pour finir, je suis en train de lire 1 bouquin... un bon bouquin sur une plage ou au bord d'une piscine... Juliette, ça te dirait pas ?

Bises et courage;

Farah

Message #18

#18 Posté le par Juliette_et_chocolat

Bonjour à vous, qui avez pris le temps de m'écrire avec une telle générosité,

Aujourd'hui, j'ai eu une journée de spirale noire comme je les appelle. Je suis rentrée à la maison et j'ai pleuré. En fait, j'ai pleuré au travail, dans le métro et... jusqu'à la maison. Ça fait donc plusieurs heures déjà et je suis épuisée.

J'ai alors eu l'idée de relire les messages sur le forum qui m'avaient fait tant de bien. Quelle surprise de constater qu'il y en avait plein d'autres que je n'avais pas lus ! Avant, je recevais un avis de message dans ma boîte de courriel. Comme je n'en recevais plus, je croyais qu'il n'y avait pas de nouveaux messages. C'est pourquoi je n'ai pas donné signe de vie avant aujourd'hui... D'ailleurs, j'allais un peu mieux... jusqu'à cette semaine.

Le moment le plus sombre a été aujourd'hui. C'est un déclancheur tout à fait banal qui m'a fait exploser en larmes au travail. Je me suis sentie submergée par mes émotions et je n'avais plus de contrôle. Tout ce que j'avais accumulé durant la semaine est remonté d'un coup. Pourtant, j'en avais parlé, j'avais même pleuré quelques fois à la maison. Mais tout était encore là, latent, prêt à sortir en fontaines.

Durant la journée, un enfant qui m'avait vue pleurer est venu me demander : ''Pourquoi tu pleures de temps en temps ?'' Ayoye ! Ce n'était même pas un élève de ma classe ! J'ai alors pris conscience que ça m'était arrivé souvent cette année. J'ai honte, si vous saviez !

J'attends la fin de l'année scolaire comme une délivrance. Mais en même temps, j'ai une peur terrible de ne plus avoir l'école pour m'obliger à me lever le matin, même si c'est toujours aussi pénible. C'est l'affection que j'ai pour ce groupe d'enfants merveilleux que j'ai eu cette année qui est ma motivation. Je les aime tellement ! C'est un groupe vraiment spécial. Nous avons eu énormément de plaisir, autant de fous rires que de moments de grandes confidences. Nous avons une belle complicité. C'est pour eux que je m'accroche à la vie. Mon but est de terminer l'année. Après, je ne sais pas. J'ai peur de me retrouver dans un état encore pire que maintenant. C'est sûr que je vais enfin pouvoir me reposer, mais je vais être encore plus seule. Ma psy m'a suggéré de me trouver un petit emploi d'été pour ne pas déprimer à la maison. Je ne sais pas si j'en aurai l'énergie. La fin de semaine, je passe mon temps à récupérer de ma semaine de travail. Je dors beaucoup. J'appréhende donc la fin de l'année avec une grande tristesse. J'ai peur de me retrouver dans le vide. Je voudrais que cette année ne finisse jamais. Mais mon corps ne suit plus de toute évidence. Je n'ai pas le choix.

Avez-vous des idées à me suggérer pour aborder cette fin d'année plus positivement et me préparer mentalement à mon été ?

Merci encore pour votre temps et vos mots d'encouragement,

Juliette