Deux ex-responsables de l'Agence française du médicament, Jean-Michel Alexandre et Eric Abadie, ont été mis en examen "dans le volet tromperie et conflit d'intérêt" de l'enquête sur l'affaire Mediator. Un responsable des laboratoires Servier et une ancienne salariée du groupe sont également mis en examen.

Pour la cardiologue Irène Frachon (qui a alerté sur le scandale), il s'agit d'une "piste importante pour éclairer possiblement la défaillance de l'Agence du médicament, qui soulèverait un problème très grave. Une prise illégale d'intérêts, c'est en réalité l'équivalent d'une corruption".

Jean-Michel Alexandre a été président de la commission d'autorisation de mise sur le marché (AMM) à l'Agence de 1985 à 1993, directeur de l'évaluation des médicaments de 1993 à 2000 et président du comité des médicaments de 1995 à 2000. Il est ensuite devenu, sans délai, consultant pour l'industrie pharmaceutique et a touché 1,2 million d'euros de Servier entre 2001 et 2009. Il a été mis en examen pour "participation illégale d'un fonctionnaire dans une entreprise précédemment contrôlée".

Eric Abadie a été président de la commission de vigilance de l’Agence européenne du médicament (EMA) depuis 2007 et directeur des affaires médicales du syndicat des industries pharmaceutiques, avant d’occuper également des postes à l'agence française (conseiller scientifique auprès du directeur général). Il a été mis en examen pour prise illégale d'intérêt. Son épouse a été mise en examen pour recel.

L'agence du médicament (ANSM) a confirmé lundi son intention de se constituer partie civile contre ses deux ex-responsables. Les deux avocats de l'Agence, Nathalie Schmelck et Pierre-Olivier, ont expliqué que si les charges s'avéraient confirmées, ces personnes auraient commis des fautes détachables qui obligeraient l'ANSM à les poursuivre.

Du côté de Servier, Christian Bazantay, secrétaire général du groupe pharmaceutique, a été mis en examen pour "complicité du délit de participation illégale d'un fonctionnaire à une entreprise précédemment contrôlée" et une ancienne salariée, Marlène May Garnier, a été mise en examen pour "complicité et recel d'un délit de participation illégale d'un fonctionnaire à une entreprise précédemment contrôlée".

Marlène May Garnier, avait créé une société baptisée Cris, qui était partiellement financée par Servier et qui a fait travailler le Pr Alexandre. Christian Bazantay a signé le contrat liant Cris à Servier.

Le président-fondateur des laboratoires Servier, Jacques Servier, 90 ans, ainsi que six entités juridiques de son groupe ont été mis en examen en décembre pour "homicides et blessures involontaires". Le président était déjà poursuivi depuis septembre 2011 pour "tromperie sur la qualité substantielle d'un produit, escroquerie et obtention indue d'autorisation", et ses sociétés pour les deux derniers chefs, rapporte Le Monde.

Le Mediator (benfluorex), commercialisé exclusivement en France, était autorisé comme antidiabétique mais prescrit hors autorisation comme coupe faim pour la perte de poids (ce qui correspondait davantage à sa nature). Il a été retiré du marché français en 2009 en raison d'un risque d’atteinte des valves cardiaques qui était pourtant connu depuis très longtemps. Deux millions de personnes ont pris ce médicament en France, 300 000 l'utilisaient au moment de son retrait. Selon une estimation, au moins 3069 hospitalisations et 1320 décès seraient attribuables au Mediator.

Psychomédia avec sources: Le Parisien, Le Monde, RTL.fr, Libération. Tous droits réservés