Dans leur livre, « The Class Ceiling: Why It Pays to be Privileged » (« Le plafond de classe : pourquoi il est avantageux d'être privilégié », Bristol University Press, 2019), les sociologues Sam Friedman et Daniel Laurison de la London School of Economics and Political Science (LSE) démontrent l'impact durable que la classe sociale d'origine exerce sur les trajectoires professionnelles.

Le livre est présenté sur le site de la LSE par Liam Kennedy, rédacteur pour le syndicat britannique et irlandais Unite.

Les auteurs ont analysé les données d'une grande enquête sur l'emploi au Royaume-Uni et mené 175 entretiens dans quatre professions d'élite.

Ils exposent non seulement les disparités importantes dans l'accès aux meilleurs emplois, mais aussi, dans la progression au sein de ces emplois. Ce qu'ils appellent le « plafond de classe », en référence au « plafond de verre » qui désigne la disparité dans l'avancement des femmes.

Même au sein des professions d'élite, il existe un écart de rémunération. Les personnes issues de la classe moyenne supérieure gagnent 16 % de plus que celles issues de la classe ouvrière.

« L'éducation n'est pas le “grand niveleur”. Lorsque les personnes issues de milieux défavorisés sont diplômées des universités les plus prestigieuses de Grande-Bretagne, elles ne reçoivent pas la même rémunération que celles issues de milieux privilégiés ». Même en tenant compte des facteurs « méritocratiques », tels que les heures de travail, les années d'expérience, etc., plus de la moitié de l'écart de rémunération entre les classes d'origine persiste.

S'appuyant sur des interviews de comptables, d'architectes, de comédiens et de professionnels de la télévision, les auteurs analysent les mécanismes qui empêchent les personnes issues de milieux défavorisés de progresser dans leur carrière.

Ils ont identifié quatre facteurs clés du plafond de classe :

  • Les ressources des parents

    « La première explication, celle des “ressources des parents”, est peut-être la plus évidente. » Les inégalités matérielles affectent profondément l'éventail des possibilités qui sont offertes aux gens. Les possibilités de mérite elles-mêmes sont déterminées par des facteurs non méritocratiques.

  • Le parrainage

    Les nouveaux arrivants de classe plus favorisée profitent de meilleurs parrainages de la part de professionnels déjà en place.

  • Les codes de comportement dominants

    Si deux personnes de compétences et références similaires sont en compétition pour un poste au sein de l'industrie de la télévision, illustrent les auteurs, celle issue de la classe moyenne supérieure a beaucoup plus de chance d'obtenir l'emploi que celle issue de la classe ouvrière. La justification sera qu'elle semble mieux adaptée à l'emploi (un meilleur « fit »).

    Ce processus d'« adéquation » est un mécanisme clé qui permet aux personnes issues de milieux plus privilégiés d'exercer leur profession. La production, ou non, de certains codes sociaux peut nuire à la capacité de s'« intégrer », par exemple, par « un dialecte régional qui n'a pas été tempéré », un style de vêtements ou le choix d'un sac à dos. À la télévision, par exemple, il existe une « manière correcte » de s'habiller. Informelle, mais pas relâchée.

    Ces codes sociaux ont souvent un impact très excluant et isolant sur ceux qui ne les connaissent pas.

  • L'autoélimination de la mobilité sociale

    Ces obstacles invisibles, mais fortement ressentis, peuvent finalement conduire les personnes issues de la classe ouvrière à s'autoéliminer dans la poursuite de leur carrière.

    « Il est important de souligner, cependant, qu'il ne s'agit pas d'une déficience de leur part, mais plutôt d'un obstacle structurel très réel sur le marché du travail », précise Liam Kennedy. « Comme Diane Reay et d'autres l'ont déjà souligné, la mobilité ascendante peut avoir un lourd coût émotionnel et psychologique. »

Selon les auteurs, le facteur clé du plafond de classe dans les professions de haut niveau est le « capital culturel incarné ».

S'appuyant sur les travaux de Pierre Bourdieu, ils affirment que le fait d'être éduqué « sans urgence économique » permet aux personnes issues de milieux privilégiés de cultiver un comportement : une façon de parler, de s'habiller, ou un comportement général qui rapporte dans les milieux d'élite au sein du marché du travail. Cette production de capital culturel est continuellement reconnue à tort comme représentant un mérite.

Il est toutefois intéressant de noter, mentionne Liam Kennedy, que le plafond de classe est moins élevé dans le domaine de l'architecture. Cela, concluent les auteurs, est dû à l'importance du « capital technique », où les compétences et les connaissances sont plus facilement évaluées que dans les domaines où il y a peut-être plus d'ambiguïté. Cela permet aux personnes issues de la classe ouvrière de démontrer plus facilement leur mérite et de s'élever au sommet.

Pour plus d'informations sur la psychologie des classes sociales, voyez les liens plus bas.

Psychomédia avec sources : London School of Economics (LSE), LSE Review of Books, The Class Ceiling.
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