Alors que la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, s'apprête à sortir des décrets d’application de l’article 52 de la loi concernant le titre de psychothérapeute, le milieu psychanalytique s'agite.

Pourtant "il n’y a plus aucun contentieux depuis que Bernard Accoyer a renoncé à son premier texte qui se risquait à définir les diverses psychothérapies", affirme Jacques-Alain Miller, gendre de Jacques Lacan et directeur du département de psychanalyse de l’université Paris-VIII, dans Libération du 19 janvier. L'amendement Accoyer reviendrait sous une forme bien atténuée.

Mais pour Jacques-Alain Miller, le combat est devenu permanent. La psychanalyse est menacée à terme et elle subit des pressions de plus en plus fortes notamment dans les milieux universitaires.

Des psychanalystes s'agitent donc dans les média en redoublant notamment de descriptions caricaturales des courants scientifiques qui leur sont opposés et en s'arrogeant un droit exclusif de se pencher sur la subjectivité humaine.

Ils font aussi preuve d'une ignorance des approches psychologiques scientifiques qu'ils critiquent et utilisant notamment comme cliché, efficace bien qu'erroné, que les thérapies cognitives behaviorales ne traitent que les symptômes sans se soucier du psychisme de l'individu et sans recours au travail "de la parole".(1)

Dans Le Monde du 18 janvier, Elisabeth Roudinesco s'exprime ainsi:

"Ainsi s'opposent deux conceptions de l'homme. L'une, fréquente dans la philosophie anglophone, préconise que le sujet soit "naturalisé" pour rejoindre le monde de l'animalité : la fin de l'exception humaine. Et pour ce sujet-là, qui ne doit plus penser mais obéir, seuls sont retenus, s'il souffre, des traitements rapides évalués par des experts et agissant par dressage sur des comportements visibles. Foin de psychisme, le sujet naturalisé n'a droit qu'à des médicaments d'un côté et à des thérapies cognitivo-comportementales (TCC) de l'autre.

L'autre conception, issue de la tradition européenne continentale - phénoménologie et psychanalyse -, considère au contraire que pour traiter la souffrance de l'âme, des approches dites "dynamiques" ou "relationnelles", plus longues, sont nécessaires pour accompagner ou non les traitements chimiques, tant l'homme se sépare de l'animal par la parole."

Et, de proclamer les psychanalystes comme seuls détenteurs d'une compétence d'accès à la subjectivité:

"Depuis quarante ans sont délivrés dans les départements de psychologie des formations cliniques qui se réclament de la psychanalyse et sont désormais menacées par des experts issus de la psychologie expérimentale ou cognitive. Une fois de plus, on demande à des spécialistes de donner un avis sur ce qu'ils ne connaissent pas : un boulanger juge un serrurier. D'où un conflit d'intérêts, puisque ces experts adhèrent à une conception de la subjectivité contraire à celle des cliniciens."

À ce sujet, Jacques-Alain Miller propose que l'université mette "d'un côté la psychanalyse, la psychologie clinique, et la psychopathologie. Et de l’autre, la psychologie expérimentale et cognitiviste. Chaque domaine avec ses compétences propres. Faute de quoi, la psychanalyse disparaîtra très vite de l’université." (Libération, 19 janvier).

Un problème est que la psychologie clinique et la psychopathologie font partie des domaines de compétence de la psychologie cognitive.

(1) Alors que l'approche cognitive behaviorale (ou cognitivo-comportementale) consiste souvent, bien au contraire, à traiter des attitudes, des états émotifs, des modes de réaction, de pensées et de fonctionnement qui se sont principalement élaborés à partir des expériences de l'enfance. Bien entendu, il s'agit d'un travail d'envergure qui se fait "par la parole".

Photo: Le divan de Freud

PsychoMédia avec sources: Le Monde, Libération.