Les schizophrènes interprètent souvent mal le monde qu’ils voient et ressentent. Des chercheurs québécois, dont les travaux sont publiés dans le Journal of Neuroscience, confirment le rôle que peuvent jouer certains mécanismes dans cette interprétation erronée.

Christopher Pack de l'Institut et hôpital neurologiques de Montréal (le Neuro) affilié à l’Université McGill et ses collègues ont montré que certaines erreurs dans la perception visuelle chez les schizophrènes coïncident avec une interférence, ou "bruit", dans le signal cérébral appelé décharge corollaire.

Les décharges corollaires s’observent dans l’ensemble du règne animal et sont considérées cruciales dans le suivi de ses propres actes. Il s'agit d'une "copie d’un message du système nerveux transmise à d’autres parties du cerveau, afin de nous rendre conscients que nous effectuons quelque chose", explique le chercheur.

"Par exemple, si nous désirons remuer un bras, l’aire motrice du cerveau envoie aux muscles un signal de produire un mouvement. Une copie de cette commande, qui est la décharge corollaire, est envoyée à d’autres régions du cerveau pour les informer de l’imminence du mouvement. Si vous déplaciez votre bras, sans qu’il y ait de signal de décharge corollaire, vous pourriez présumer qu’une autre personne est en train de remuer votre bras. Il en va de même pour la formulation de pensées : sans décharge corollaire, vous pourriez présumer qu’une autre personne a planté la pensée dans votre esprit. La décharge corollaire assure la communication entre les différentes zones du cerveau, pour que nous soyons conscients que nous sommes en train de remuer le bras, de parler ou de penser à nos propres pensées."

Les schizophrènes attribuent souvent leurs propres pensées et actes à des sources externes, comme dans le cas d’hallucinations auditives. Parmi d’autres symptômes courants figurent le délire et une désorganisation de la pensée et de la parole. Selon de récentes études, une décharge corollaire altérée peut être à l’origine de certains de ces symptômes.

Le Pr Pack et ses collègues ont mené cette étude avec des personnes atteintes de schizophrénie et des personnes en santé qui devaient faire des mouvements oculaires rapides pour suivre un point sur un écran d’ordinateur. Ils devaient en même temps localiser des stimuli visuels qui apparaissaient brièvement à l’écran de temps à autre. Pour effectuer cette tâche correctement, ils devaient savoir où ils regardaient à l’écran – c'est-à-dire, utiliser les signaux de décharge corollaire qui viennent des structures cérébrales contrôlant les muscles oculaires.

Les schizophrènes arrivaient moins bien à déterminer où ils regardaient. Par conséquent, ils ont fait plus d’erreurs dans l’estimation de la position des stimuli qui clignotaient à l’écran.

"Ce qui est intéressant et potentiellement important sur le plan clinique, c’est que le profil d’erreurs des patients était en corrélation avec l’étendue de leurs symptômes", précise le chercheur.

"C’est particulièrement intéressant vu que les circuits contrôlant les mouvements oculaires comptent les structures les mieux comprises du cerveau. Nous sommes donc optimistes de pouvoir arriver jusqu’à la base biologique des effets de décharge corollaire à partir des données comportementales", dit le chercheur.

"Ce n’est pas que les schizophrènes sont dépourvus de décharge corollaire ou qu’ils aient une décharge corollaire avec une amplitude à retardement ou plus faible. C’est plutôt qu’ils semblent surtout avoir un signal de décharge corollaire bruyant (interférence)".

Ces résultats, soulignent les chercheurs, pourront éventuellement aider au diagnostic et au traitement de la maladie.

Psychomédia avec source: CUSM.
Tous droits réservés