Les pénuries de médicaments qui s'aggravent en France résultent souvent de la maximisation de la rentabilité, selon le rapport, rendu public le 2 octobre, de la mission d'information du Sénat sur la pénurie de médicaments et de vaccins, présidée par le sénateur de l'Aisne, Yves Daudigny.

« Jamais une telle pénurie de médicaments n'avait été observée en France », souligne Le Figaro.

L'an passé, 530 signalements ont été enregistrés par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), 30 % de plus qu'en 2016 et dix fois plus qu'il y a dix ans.

Et ces chiffres, précise Le Monde, « ne concernent que les médicaments dits d’intérêt thérapeutique majeur, selon la classification de l’ANSM, c’est-à-dire ceux dont “l’indisponibilité transitoire, totale ou partielle, est susceptible d’entraîner un problème de santé publique (mise en jeu du pronostic vital, perte de chance importante pour les ­patients)” et pour lesquels il n’y a pas d’alternative thérapeutique disponible sur le marché français. On parle de rupture d’approvisionnement lorsqu’une pharmacie d’officine ou d’hôpital est dans ­l’incapacité de dispenser un médicament à un patient dans un délai de soixante-douze heures. »

Un exemple actuel est la pénurie de Sinemet (associant la lévodopa et la carbidopa), un traitement de la maladie de Parkinson pris par plus de 50 % des patients. Il ne devrait bientôt plus être livré dans les pharmacies, le prochain réapprovisionnement n'étant pas attendu avant mars 2019. Les médicaments génériques deviennent eux-mêmes en rupture de stock.

La durée moyenne des ruptures de médicaments d'intérêt thérapeutique vital était de quatorze semaines en 2017. « Des patients sont ainsi exposés à une perte de chance pouvant, dans les cas extrêmes, conduire à des décès prématurés », souligne Jean-Pierre Decool, rapporteur de la mission.

« Les causes de cette pénurie sont multiples. Interrogée par la mission, l’ANSM évoquait des problèmes dans la chaîne de production, des défauts de qualité des produits finis, ou encore des difficultés d’approvisionnement en matière première. Mais une réglementation contraignante et, surtout, la moindre rentabilité de ces molécules sont souvent mises en avant », résume Le Monde.

Selon le rapport, rapporte l'OBS, « les stratégies industrielles et commerciales peuvent conduire les laboratoires à privilégier les pays offrant le meilleur prix », « voire à arrêter la commercialisation d'un médicament faute de rentabilité suffisante », ajoute le quotidien.

Une loi du marché dénoncée par les membres de la mission qui rappellent la responsabilité du secteur pharmaceutique, « en raison des conséquences potentielles de ses décisions en termes de santé publique et de son financement largement assuré, en France, par la contribution de la solidarité nationale », rapporte l'OBS.

« Les contraintes de rentabilité sont en passe de prendre le pas sur l'éthique », estime Jean-Pierre Decool.

Parmi la trentaine de mesures proposées par la mission d'information, rapporte Le Monde :

« Les sénateurs proposent aussi de “recréer les conditions d’une production pharmaceutique de proximité” grâce à des incitations financières. En effet, “c’est l’indépendance sanitaire de notre pays qui est désormais remise en cause”, s’inquiète la mission. L’Académie de pharmacie, qui avait alerté sur ce phénomène dès 2008, rappelle que “60 % à 80 % des matières actives à usage pharmaceutique ne sont pas fabriquées dans les pays de l’Union européenne, mais en Inde et en Asie, contre 20 % il y a trente ans”.

Pour remédier au “désengagement des laboratoires sur les médicaments essentiels peu rémunérateurs”, les sénateurs proposent d’“instituer un programme public de production et de distribution de quelques médicaments essentiels concernés par ces arrêts de commercialisation, ou de médicaments ‘de niche’ régulièrement exposés à des tensions d’approvisionnement, confié à la Pharmacie centrale des armées et à l’Agence générale des équipements et produits de santé”. Il importe aussi de “mieux évaluer les comportements dits spéculatifs”. »

La mission préconise notamment aussi l'ouverture aux pharmaciens de la possibilité de proposer aux patients une substitution thérapeutique à un médicament en rupture et elle appelle à une stratégie européenne de prévention des ruptures d'approvisionnement.

Psychomédia avec sources : Le Monde, Le Figaro, L'OBS.
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