« Dans un contexte où la crise sanitaire a cruellement souligné les failles de notre système sanitaire concernant l’approvisionnement en produits de santé », l’association française de défense des consommateurs UFC-Que Choisir a dévoilé « une étude accablante sur l’étendue des pénuries de médicaments, ainsi que la responsabilité des laboratoires et des pouvoirs publics dans cette situation ».

« Alors qu'elles étaient encore marginales au cours des années 2000, en 2016 on en recensait 405 pénuries, ce chiffre a quasiment triplé en l’espace de 3 ans pour atteindre 1200 en 2019 », précise le communiqué de l'association. « L’Agence nationale du médicament prévoit qu’en 2020, notamment en conséquence de la crise sanitaire, ce sont 2400 ruptures qui seront constatées, six fois plus qu’en 2016. »

« Cette situation est d’autant plus alarmante que ces médicaments déclarés en pénurie par les laboratoires partagent tous une caractéristique primordiale : il s’agit de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), pour lesquels une interruption de traitement peut être susceptible de mettre en jeu le pronostic vital des patients », indique l'association. « Rien que ça ! »

Cette situation « est aggravée par les solutions alternatives proposées par les laboratoires, rarement à la hauteur des enjeux sanitaires » :

« Ainsi, notre étude montre que dans 30 % des situations, les industriels renvoient vers un autre médicament, solution parfois médiocre puisque les substitutions peuvent entraîner des effets secondaires plus importants, ou nécessiter un temps d’adaptation à la nouvelle posologie, particulièrement pour les patients âgés.

Plus révélateur encore du danger des pénuries, 12 % des producteurs orientent les professionnels de santé vers des solutions de derniers recours, comme la diminution de la posologie.

Enfin, et c’est le plus grave, dans près d’un cas sur cinq (18 %), les laboratoires ne proposent tout simplement aucune solution de substitution, laissant entrevoir pour les malades une terrible impasse, des annulations de traitements, et in fine, des conséquences médicales qui peuvent être lourdes. »

« Les laboratoires semblent en outre faire preuve d’une coupable avidité dans leur processus de production et d’approvisionnement », estime l'association.

L'étude montre que « le portrait-robot d’un médicament en pénurie est celui d’un produit ancien (75 % sont commercialisés depuis plus de 20 ans) et vendu peu cher (3/4 coûtent moins de 25 euros, et même 1/4 moins de 4 euros). Les industriels semblent donc bien faire le choix de sécuriser l’approvisionnement des médicaments rentables, au détriment des plus anciens, pourtant toujours indispensables aux usagers. »

« C’est en effet cette stratégie de rationalisation à tout prix des coûts qui fragilise la chaîne du médicament. Tout d’abord, les industriels ont massivement fait le choix de l’externalisation : 80 % du volume de principes actifs est fabriqué en dehors de l’Union européenne, contre 20 % il y a 30 ans.

A cela s’ajoute l’ultra fragmentation des étapes d’élaboration des médicaments aboutissant, par effet domino, à l’assèchement total de l’approvisionnement à la suite de la moindre défaillance d’un maillon de la chaîne de production. A cet ensemble déjà très fragilisé, s’ajoute la volonté des industriels de produire en flux tendu, méthode logiquement incompatible avec les fluctuations imprévues de la demande mondiale.

Dans ces conditions, et alors que des relocalisations de production sont enfin envisagées, il serait inacceptable que des subventions publiques soient déviées de leur but par les laboratoires. Les aides éventuelles doivent aller à la production en Europe des médicaments anciens et à l’utilité démontrée, régulièrement touchés par des pénuries, et non vers les onéreuses innovations thérapeutiques, déjà largement produites en Europe. »

L’UFC-Que Choisir demande :

  • L’obligation pour les laboratoires de constituer des stocks suffisants pour répondre aux besoins des usagers du système de santé pour l’ensemble des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur ;

  • Le renforcement, dans la loi et dans les faits, des sanctions envers les laboratoires négligents dans leur gestion de l’approvisionnement du marché français ;

  • Que, si des relocalisations devaient être entreprises grâce à des financements publics, celles-ci ne concernent que des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), et prioritairement les plus anciens et concernés par des pénuries récurrentes ;

  • Le développement d’une production publique de médicaments, à même d’assurer la fabrication continue de ceux délaissés par les laboratoires.

Consulter l'étude sur le site d'UFC-Que Choisir : Synthèse de l'étude sur les pénuries de médicaments.

Pour plus d'informations, voyez les liens plus bas.

Psychomédia avec source : UFC-Que Choisir.
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