Un enfant sur 3 placé en milieu substitut par le système de la protection de la jeunesse (1) au Québec risque de recevoir des soins parentaux inadéquats (violence, négligence physique, etc.) après avoir réintégré sa famille, ce qui entraîne un retour dans les services de protection, selon une étude de l'Université de Montréal publiée dans la revue Children and Youth Services Review.

Marie-Andrée Poirier et Sonia Hélie ont analysé les données provenant des 16 centres jeunesse de la province couvrant les années 2008 et 2009.

Ces données concernaient 4120 jeunes âgés de 0 à 17 ans ayant fait l'objet d'un placement et dont le dossier avait été fermé parce qu'ils étaient retournés dans leur famille. La cohorte a été suivie pendant un peu plus de 5 ans.

La situation de 33 % des enfants a requis une nouvelle intervention de la DPJ. «Les enfants âgés de 3 à 5 ans ont une probabilité plus grande d'être une fois de plus victimes d'abus ou de négligence, indique Marie-Andrée Poirier. Cela s'explique par leur vulnérabilité et les soins constants dont ils ont besoin.» Plus le nombre de tentatives de réintégration dans la famille est élevé plus le risque de faire de nouveau appel au DPJ est élevé. Du moins chez les petits.

L'ajout en 2007 du projet de vie permanent dans la nouvelle Loi sur la protection de la jeunesse(LPJ) provient d'une préoccupation quant à la stabilité des liens et des conditions de vie à long terme des enfants placés, rappelle Mme Poirier. «Avant les modifications apportées à la LPJ, on observait un plus grand nombre d'allers et retours. Aujourd'hui, la loi introduit des délais à l'intérieur desquels un projet de vie permanent doit être déterminé, soit 12 mois pour les moins de 2 ans, 18 mois pour les 2 à 5 ans et 2 ans pour les plus de 5 ans.»

«Depuis les amendements à la LPJ, le placement est effectivement moins fréquent et les enfants sont plus souvent placés chez un membre de la famille élargie ou un tiers significatif, dit Mme Hélie. Nous avons voulu vérifier si les caractéristiques du placement influençaient la récidive de victimisation de l'enfant.»

«Ce n'est pas tant l'instabilité en termes de familles d'accueil fréquentées par les enfants qui semble jouer mais plutôt le nombre d'allers-retours entre leur milieu naturel et les milieux substituts, indique Sonia Hélie. On croit que les jeunes enfants sont plus sensibles aux échecs de la réunification et à ce que cela peut leur faire vivre sur le plan de l'attachement.»

Leur analyse confirme que réintroduire le jeune dans sa famille est une option généralement privilégiée. C'était le cas pour la majorité des enfants de la cohorte à l'étude. La plupart des enfants (67%) connaissent des placements stables et finissent par vivre une réunification familiale durable.

Pour les chercheuses, l'échec dans 33% des cas laisse penser que les familles ne reçoivent peut-être pas l'aide nécessaire pour que réussisse la réunification familiale, soit de la part des services de protection ou de ceux qui sont amenés à prendre le relais après l'intervention du DPJ. L'offre de service en matière de réunification familiale est un enjeu qui mérite d'être mieux étudié, d'après Mme Poirier. «Il est important d'intervenir au sein de la famille et d'assurer un suivi après le retour de l'enfant.»

Outre Mmes Poirier et Hélie, Daniel Turcotte, de l'Université Laval, a collaboré à l'étude.

(1) DPJ : Directeur de la protection de la jeunesse.

Psychomédia avec source: Université de Montréal
Tous droits réservés