L'affaire Manaudou - Lucas attire l'attention sur les méthodes utilisées dans les milieux d'entraînement sportif. Des méthodes parfois tout à fait inacceptables comme l'explique un article du journal Le Monde.

Laure Manaudou, 20 ans, la meilleure nageuse française de tous les temps, quitte son club de Canet-en-Roussillon pour aller s'entraîner en Italie, près de son amoureux

, le nageur italien Luca Marin. Pour son entraîneur, c'est "parce qu'elle a envie de moins travailler : elle fuit le travail".

En quelques années, la charge de travail de la nageuse avait considérablement augmenté, passant de cinq à dix-sept kilomètres de nage chaque matin. "À ce rythme-là, j'allais exploser" avait-elle déjà dit.

Philippe Lucas ne s'est jamais embarrassé de scrupules pour "motiver" sa championne, commente Le Monde. A la télévision, on l'a vu sermonner la jeune femme, tête baissée, et l'enjoindre fermement de rentrer chez elle plutôt que de gâcher une séance d'entraînement.

Philippe Lucas a-t-il abusé de son ascendant sur sa protégée ? Pas si sûr répond toutefois Le Monde.

"De tout temps, la question s'est posée de savoir jusqu'où un coach pouvait aller pour motiver ses "troupes". Ce n'est sans doute pas un hasard si le sport a toujours fait sien le langage militaire et si les termes de "combat", "stratégie", "engagement" et autres "offensives" appartiennent au langage des vestiaires.

Certains entraîneurs usent d'ailleurs de méthodes qui prennent à la lettre les emprunts guerriers. Fin 2005, Rohan Taylor, un préparateur physique de la marine royale australienne, avait pris en charge la préparation des quinze nageurs sélectionnés pour les Jeux du Commonwealth. Dans son programme, les athlètes - dont certains n'avaient que 16 ans - étaient notamment soumis à un simulacre d'exécution, pistolet contre la tempe, en même temps qu'à l'obligation de ramper à terre.

L'affaire n'avait pas ému les responsables de cette préparation jugée "positive" (...). Les photographies des nageurs en larmes publiées dans la presse australienne avaient pourtant donné une image moins "positive" à cet épisode.

(...) Plus récemment, Le Monde a reçu un courriel teinté d'inquiétude et de révolte : "Dans l'exercice de ma profession, j'ai été amené à rencontrer deux jeunes filles issues du pôle espoirs de judo féminin de Poitiers. Toutes deux l'avaient volontairement quitté suite à ce qu'il est convenu d'appeler des mauvais traitements, expliquait le conseiller d'orientation d'un lycée professionnel lyonnais. La première m'a parlé de "pompes" jusqu'à épuisement dans la boue. Plus grave, la seconde, après un échauffement jugé trop peu dynamique par l'entraîneur, a été prise par celui-ci en étranglements répétés. Chaque fois qu'elle perdait conscience, elle était fermement ranimée et la séance reprenait, les autres membres du groupe étant réunis en cercle pour assister à la punition. "J'ai cru que je mourais", m'a-t-elle dit. (...) Contactées par Le Monde, les jeunes filles n'ont pas souhaité s'exprimer sur le sujet."

"Pour Jean-Pierre Famose, professeur de sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps) à l'université de Pau, certains exemples "sont des abus personnels qui n'ont plus rien à voir avec la motivation", tout en reconnaissant qu'"il y a énormément de comportements autoritaires dans l'encadrement des sports".

L'universitaire, notamment auteur d'une étude sur "la motivation en éducation physique et en sport", souligne, toutefois, les conditions particulières du judo, un sport où les sportifs sont soumis à un "stress physique et à une nécessaire capacité de résistance à la douleur".

Il y a au sein de l'Insep (Institut national d'éducation physique et sportive) des codes déontologiques "qui rendent ces pratiques inacceptables, d'autant qu'il s'agit de mineurs. De tels comportements déviants doivent être sanctionnés", explique Alain Fournier, chercheur au laboratoire de psychologie et d'ergonomie du sport à l'Insep.

(...) D'autres approches existent, notamment au sein de l'Insep, où sont menés des programmes de préparation destinés à surmonter le stress. "Nous travaillons sur l'aptitude à la concentration, à la relaxation, sur la gestion des émotions. On s'en sert pour préparer les compétitions dans les moments qui précèdent le match", explique Alain Fournier. "Le problème est que beaucoup d'entraîneurs les jugent inefficaces", déplore Jean-Pierre Famose."

Source: Jean-Jacques Larrochelle, Tu t'entraîneras dans la douleur, Le Monde, 12 mai 2007.

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