Posté par Bontigars
Canada
masculin
41
oui
grave

Bonjour et merci pour le travail bénévole que vous faites, c'est vraiment aidant de lire vos réponses. Voici ma question. J'ai réalisé dans la trentaine que mes
parents ont été carrément incompétents pour "élever" des enfants et que ceux-ci ont "volé" mon enfance. Je me suis éloigné d'eux depuis cette prise de conscience, mais tout n'est pas réglé pour autant...

J'énumère des choses qui me viennent à l'esprit: froids et distants avec leurs enfants, pas d'affection, même en très bas âge; pas de communication franche et ouverte; ce qui compte c'est "ce que les autres pensent" (leurs amis surtout, bien important !), épater la galerie et le paraître; ce que tu fais n'est jamais assez et jamais assez correct; ma mère a voulu faire de moi un intellectuel (m'a fait "sauté" 2 ans d'école, ça a terriblement nuit à mon épanouissement,

Je vivais constamment sous pression de réussite, avec des élèves plus vieux, etc.) et un ti-gars parfait qui ne devait jamais manquer la messe, la confesse, la communion, le mois de Marie, les 1ers vendredis du mois (etc. et toutes les autres folies du genre); suis allé dans des écoles confessionnelles privées avec des religieux et religieuses; mon père très sévère n'a jamais joué avec moi, n'a jamais été proche de moi, il buvait pas mal et n'était là que pour punir; ma mère était son esclave (pas d'amour entre eux); leurs temps libres n'étaient que pour leurs amis, pas pour nous; ils me poussaient même à faire du bénévolat pour bien paraître, etc. Vous voyez le genre ? Plutôt désastreux, mais c'est l'héritage de mon passé et je suis "pogné" avec...

Des conséquences de ça (quelques une seulement !): des migraines hebdomadaires depuis l'âge de 11 ans, une carrière ratée (j'ai fait mon barreau après avoir été "drillé" par mes parents, mais je n'aimais pas ça et j'ai dû changer de carrière à 26 ans), un divorce après 15 ans de mariage (j'ai marié une "bonne" fille de qui je n'avais jamais été amoureux), des dépressions chroniques graves dès la trentaine, etc.
J'ai bien consulté des psychologues à 3 reprises (pendant 6 mois à 1 an chacun à raison d'une fois ou 2 par semaine), mais sans succès... Seuls les anti-dépresseurs me permettent aujourd'hui de rendre mon mal de vivre quelque peu tolérable, mais avec quelle qualité de vie (faible estime de moi, insécurité, solitude, tendance à l'isolement, santé fragile, etc. ont toujours été mon lot) !

Ma question est simple: vider tout ce sac à mes vieux parents toujours vivants serait-il libérateur ou guérisseur pour moi ? C'est la seule raison pour laquelle je le ferais. Ils ont 81 ans et j'hésite à le faire car je ne sais pas si ça vaul la peine et comment ça sortirait... On dirait que c'est la seule chose que je n'ai pas essayée...

J'ai eu beau briser toutes ces images qui n'étaient pas les miennes (bon p'tit gars en laissant la religion et en m'éloignant de mes parents, bon avocat en changeant de carrière, bon mari en quittant ma femme), je suis mieux qu'avant mais certes pas encore libéré...

Si l'effet de leur parler est juste de me réconcilier avec eux, je ne veux pas le faire et "je veux rien savoir !" (je trouve que ça ne vaut pas la peine). Mais si c'était vraiment la seule façon de ME libérer MOI, ben là ce n'est plus pareil, ça m'intéresse... Encore là (je suis un bon p'tit gars, ne pas l'oublier !), je ne voudrais pas leur faire faire une crise cardiaque à tous les deux !

D'un autre côté, je sais très bien que leur parler doucement, avec des sous-entendus, en gentil garçon qui ne veut pas brusquer ni faire de peine, ne donnera rien de bon pour moi. Que puis-je faire? Que feriez-vous à ma place? Leur faire faire une syncope est-il vraiment le seul moyen de me libérer !!!???

Merci beaucoup de votre attention !

Réponse à Bontigars (guérir d'une enfance volée?)

Bonjour Bontigars,

Merci pour votre commentaire initial relatif à notre travail.

Vous nous partagez que vous avez eu des parents incompétents (froids, distants, sévères, etc.) et que cela a entraîné chez vous des désagréments majeurs (carrière ratée, divorce, dépressions, migraines). Vous nous demandez si le fait de vider votre sac à vos parents serait libérateur ou guérissant. Ni l'un ni l'autre, je le crains.

Je veux bien croire que, selon vos dires, ils ont
« volé » votre enfance et n'ont pas été à la hauteur. Le fait de leur parler (doucement ou énergiquement, peu importe) vous apporterait sans doute un soulagement temporaire, mais pas la guérison. Une démarche de mieux-être, par exemple via la psychothérapie, se fait « pour vous » et non « contre eux ».

Vous avez déjà consulté des psychologues, dites-vous, mais sans succès. Avez-vous réussi à identifier la cause de ce « sans succès »? A qui ou à quoi attribuez-vous cette situation?

Sans doute est-il nécessaire de vous montrer persévérant et de recommencer?

Je vous invite à lire ces deux ouvrages :
« Mieux comprendre la psychothérapie », de Marie Jolicoeur & François Sauvé, Éd. Stanké et aussi
« Parents toxiques » de Susan Forward, Éd. Stock.
Je suis convaincu que vous y trouverez là matière à réflexion, vous ainsi que nombre d'usagers qui ont vécu une situation semblable à la votre. Mais attention : je vous signale que la lecture ne permet que de comprendre. Comprendre, c'est utile, mais c'est insuffisant pour guérir.

Il est réaliste de penser que vous pouvez vous défaire du poids d'une enfance malheureuse et de ses conséquences pénibles sur votre vie adulte. C'est ce que je vous souhaite.

Bien à vous.
Georges-Henri Arenstein
Psychologue