J'aimerais vous faire part de mon expérience et de mes problèmes relationnels qui m'ont rendu d'urgence en psychiatrie...

Mon témoignage.........

Tout ce long chemin ...

Bonjour... Je m'appelle Joannie. Et puis j'ai 19 ans. Ce que je vais vous raconter, c'est un peu une partie de mon existence qui sommeille et que je dissimule parce que les gens ne savent pas comprendre. Je le dis parce que, ce n'est pas à n'importe qui que je dévoile ma réelle identité, je suis une fille aimant le mystère et j'aime le faire planer autour de moi. Jamais j'aurais pensé un jour tapé à l'écran d'un ordinateur ma vie.. jusqu'à ce que je réalise l'ampleur de l'image que donne notre société sur les maladies mentales. J'ai prise cette décision sur un coup de tête parce que je suis plutôt une fille impulsive et du jour au lendemain, plus rien ne pouvait m'arrêter, j'avais déjà dans le sang le projet de mettre sur pieds un site Internet racontant mon histoire. Je vais essayer de n'oublier aucun détails et de me rappeler de chaque moment vécu parce que je veux que les gens comprennent ce que les personnes atteintes de maladies mentales vivent réellement. Et pour ceux qui connaissent déjà ce cauchemar, ce témoignage est en votre honneur et un message d'espoir pour que vous sachiez que vous n'êtes pas seul(e)s à vivre ces si longs moments sombres et même parfois noirs.

Pour commencer sur mon état normal que j'avais, j'ai toujours été une personne aimant le silence et la solitude. Bizarre peut-être mais je ne suis jamais parvenu à m'attacher aux autres... J'ai toujours préféré rester seule, lire, écrire. Mais qui donc ça pouvait déranger? C'était ma vie. J'en faisais ce que je voulais. Mais comme tout le monde, j'avais aussi mes problèmes. Problèmes de familles, problèmes personnels, problèmes d'amour,... Parfois, ça n'arrêtait plus. Je crois que j'ai toujours eu la force d'affronter les difficultés parce que j'ai toujours su les contourner. Mais quand on est petite, c'est tellement facile.

J'ai parfois risqué le pire mais je ne sais pas pourquoi, y a toujours quelqu'un quia su veiller sur moi. J'ai connu les pires sujets tabou du monde, j'ai aimé un professeur à mes 14 ans et j'ai failli m'en aller dans une famille d'accueil parce que personne n'osait accepter ma différence. Parce que oui, j'étais différente... mais l'avais-je demander ? Peut-être que ma mère se disais que mes problèmes de différences lui causaient trop de difficultés et qu'elle avait elle-même peur de les affronter... mais alors... pourquoi m'avoir donné la vie? Pour moi, la vision de mettre un enfant au monde était clair : On donne une vie, et on le soutient dans les moments les plus pires, même les plus impossibles... Je crois que ma mère n'a jamais eu la patience de m'accorder de simples explications sur mes états d'âmes et sur la façon que je percevais les choses. Qu'importe maintenant, c'est du passé...

À mes 17-18 ans, ma vie a prit une toute autre tournure. Ah oui, au fait... j'ai un frère et trois sœurs ! C'est important de le préciser je crois parce que cette année-là, mon père et ma mère se sont séparés et de là , la famille s'est éclatée. Mon frère est parti d'un côté et mes sœurs et moi, nous avons suivi ma mère dans un centre d'hébergement pour femmes violentées. Je ne vous expliquerai pas en détails ce que nous avons vécu là-bas parce que ça n'a aucune importance et aucun rapport avec mon hospitalisation ,peut-être seulement préciser que j'avais l'impression qu'on n'en sortirais jamais. Ça été long plus que jamais ... Et puis il y a eu ce jour ou nous avons cru que le miracle existait. Nous avions trouvé un logement.

De là, je vous épargnerais bien les détails parce que ça été désastreux. Jamais nous aurions cru que tout irait si vite. Et moi la première. Lorsque nous avons déménager, j'ai bien sûre aider un peu ma mère et c'est moi la première qui ait connu le chum de ma mère. J'étais avec elle lorsque nous faisions le ménage dans le logement. Et elle lui avait demandé de l'aider à peinturer les chambres, étrangement, il avait accepté. Depuis ce jour, nous avions tout de suite su la suite. Il commença à fréquenter ma mère. Ça allait moyennement bien parce qu'il venait rendre visite à ma mère quelquefois et les fois ou il n'était pas là, nous avions la même vie qu'avant.

Je n'ai jamais eu une bonne relation avec ma mère, comme je le disais plus haut, si j'ai risqué le pire, je m'étonne encore d'être là. Tout allait tellement vite.. la séparation de mes parents, le déménagement et bang ! Déjà son chum dans sa vie... qui prévoyait déménager chez nous bientôt ! Et pour être honnête, c'était sa vie, pas la mienne. J'ai toujours souhaité qu'elle réalise ses rêves mais de savoir que maintenant, les choses allaient de mal en pire avec elle et maintenant, avec lui, avec qui je m'entendais plus ou moins bien et que dans quelques mois à peine, il viendrait aménager avec nous... Et puis, un jour est venu cette phrase : " Joannie, je veux que tu partes en Janvier." Le " Je veux ", c'était un ordre, il suffit de connaître ma mère pour lire dans ses mots.

J'ai alors un peu déraillé. Je vivais dans mon monde, sur un nuage, et puis.. quelqu'un arrivait et moi je partais. Il fallait que je planifie ma vie, je n'avais plus aucunes issues. J'avais alors une psychologue à l'école, et de tout mes problèmes, c'était le principal.. Alors je lui ai raconté. C'est à partir de ce moment là que je n'ai pu rester moi-même. Elle m'a référé à un travailleur social, pensant bien faire, j'imagine. Mais à partir de là, les souvenirs de mon esprit restent flou. Une seule phrase est pourtant simple: Ma vie a basculé.

Disons que je me sentais disparaître.. Je devais faire quelque chose et vite mais quoi? Je n'ai pas perdu de temps à prendre rendez-vous avec ce travailleur social. Au téléphone, j'ai senti ma voix trembler et je lui ai tout lancé. Ce qui se passait et ce que j'allais devenir. Il me fallait quelque chose de concret. Je devais le rencontrer rapidement et trouver réponse à mon problème. Je ne sais même plus ou je m'en allais. Je me demande encore qui a su veiller sur moi pour que je puisse, encore , être là aujourd'hui.

Je me rappelle. Comme si c'était hier. C'était l'automne. Et il faisais froid comme jamais. Nous étions au mois d'Octobre. Octobre 2002. Je me rappelle encore de ce matin-là comme si c'était hier. J'allais manquer mes cours et prendre l'autobus jusqu'au clsc. Je ne savais pas ce qui allait m'attendre. J'ai peut-être eu envie de faire demi-tour mais sans comprendre, quelque chose me poussait à y aller quand même. Alors je suis entrée. Et puis on m'a fait attendre. Cinq minutes peut-être. Et puis, quelqu'un est venu me chercher. Ça me disais rien, et à première vue, il ne ressemblait pas du tout à un travailleur social. Je faisais fausse route, fallais que je reparte. Que je m'excuse, que j'invente n'importe quoi mais que je reparte. Pourquoi alors suis-je rester? Je ne le sais pas...

Et puis je suis entrée. Je me suis assise. Et toutes les questions défilaient. Je racontais du mieux que je pouvais. Il me conseillait de me trouver un emploi et de me prendre un appartement supervisé. À l'entendre, c'était tellement facile. Le temps s'écoulait, je devais faire vite. Je n'avais pas confiance d'obtenir un emploi aussi facilement. J'étais confuse. Je n'existait plus. La seule chose qui ressortait de ce rendez-vous, c'était sa personnalité. Quelqu'un de très calme, de souriant et de compréhensif qui savait écouter. Il était confiant comme aucune personne pouvait l'être mais il avait surtout cette aura qui illuminait autour de lui, comme une lumière ... Je savais que je ne m'était pas trompé la toute première fois quand je l'avais vu. Il n'était pas ordinaire. Ses paroles m'avaient toujours un double-sens, et comme par enchantement, il avait su étinceler ma sombre existence par une magie inexistante.

J'ai toujours eu des dons, des pressentiments, des impressions ou des rêves étranges... seulement cette fois-ci, tout me semblait si réelle... j'avais l'impression de pouvoir presque toucher quelque chose. Et je voulais aller jusqu'au bout. Malgré tout les risques que cela comportait.

Après cet étrange rendez-vous, les choses ont commencé à me sembler extrêmement bizarre. Plus rien n'était pareil. Je n'avais plus la même vision des choses ni les mêmes pensées qu'avant. Quelqu'un m'avait volé mon âme, mon esprit, j'en sais rien. Une chose est sûre.. Je n'existais plus. Ce soir-là, je me suis endormie dans l'espoir que les choses s'arrangent d'elles-mêmes...

J'ai commencé par me foutre pas mal de mes études. Ça me levait le cœur. J'avais pas juste ça en tête à régler! Et puis fallait je change ma putain de routine. Toujours les mêmes cours, toujours les mêmes cahiers, et toujours ce même crétin de 28 ans avec qui, entre-temps, je dois l'avouer, je m'étais donné corps et âme dans l'espoir de mettre du piquant dans mon existence. Ne me demandez pas de détail, j'ai pas envie de m'avancer la-dessus, je le connaissais à peine, c'était un crétin d'étudiant dans mon cours de français... et y a rien d'autre à dire. On a eu quelques aventures mais c'est tout. Je détestais me faire fixer dans la classe. Il m'énervait. On s'était juste souler et puis, on s'est amusé un bout de temps... mais ce temps-là était fini pour moi. Je ne l'aimais pas. Je le répète, il m'énervait !

Puis un soir, alors que mon âme n'existait plus, j'ai écrit. Des mots vous connaissez? Moi j'en ai toujours des milliers à écrire. Et même si je n'existais plus, j'avais toujours un crayon, quelques feuilles, des mouchoirs et une enveloppe. Ces trucs sont ma vie... je me devais d'écrire. Alors j'ai écrit. Sans m'arrêter. Parfois, je prenais un mouchoir pour essuyer mes larmes qui coulaient, sans but précis. Puis j'ai prit mes feuilles, je l'ai ai pliés, mit dans l'enveloppe, un timbre, l'adresse écrite au verso... Je n'étais pas sûre de faire quelque chose avec cette enveloppe. Mais réfléchissez... Des mots, de simples mots ne peuvent faire mal... et puis, s'ils étaient pour lui, qu'importe ou l'enveloppe arriverait, il saurait. Je savais.

C'était anonyme. Ce n'était pas voulu. Ça avait été un geste impulsif. Rien de plus. Le lendemain, je ne me souvenais déjà plus. Puis j'ai réalisé que j'avais bel et bien posté l'enveloppe. Qu'importe... elle n'était pas signé. Mais pourtant, je regrettais déjà. Pas de l'avoir écrite mais de ne pas l'avoir signé. C'était rien de mal. Et il me fallait l'envoyer. Mes idées étaient confuses mais si quelque chose était clair dans ma tête, c'était qu'il fallait qu'il sache.

C'était rassurant de savoir qu'il était là pour moi. Parce qu'en faite, je n'avais que lui. Avec tout ce qui se passait dans ma vie, ma seule bouée restait quelqu'un de confiant qui était encore de mon côté. Mes idées étaient mêlées. Je le redis, parce que je n'existais plus. Je n'étais plus sûre de rien sauf qu'il était le seul à m'écouter et à encore me comprendre.

Je dois vous avouer que je n'ai pas vraiment de famille. Les vrais parents de ma mère n'ont jamais eu de contact avec elle depuis l'âge de ses seize ans et ma mère n'a jamais recherché à les communiquer de nouveau parce qu'ils étaient cinglés. (Raisons personnelles, mais du moins , il n'y a rien d'autre à préciser, je ne peux que vous dire que ma mère n'a pas eu une enfance "normale"). Alors vous comprendrez que je n'ai jamais connu mes grands-parents maternel. Ma mère a été adopté à ses seize ans et depuis ce jour, nous les avons toujours vu comme nos grands-parents du côté de ma mère. Mais comment vous expliquez qu'ils n'ont pas eu la même famille que nous et qu'ils n'ont jamais eu les mêmes valeurs que moi ? Ce n'est pas aussi simple que vous pouvez le penser! Les sœurs de ma mère n'ont jamais été proches de nous et je peux même dire que je ne l'ai reconnaîtrais même pas si je les voyais dans la rue! Du côté de mon père, j'aimerais bien dire le contraire mais c'est presque la même chose. Peut-être ajouter qu'ils sont tous alcooliques et drogués ?

J'aimerais bien vous raconter les rencontres avec mon travailleur social qui ont suivi après ma fameuse nuit ou mon âme a déraillé mais je ne me souviens à peine de ce qui a pu été dit. Je me souviens qu'il avait su que c'était moi, ça je le savais. Je me rappelle aussi qu'il m'avait dit qu'il y avait beaucoup de contradiction dans ma lettre, ce que j'ignorais sincèrement. Étais-je ainsi mêlée ? Si les choses ont pu si mal tourné par la suite, ce n'était pas que mon comportement. Je pensais différemment et ça laissait des traces sur ma vie du quotidien. Vous vous imaginez, je ne me rendais même plus à l'école comme à tous les matins mais je m'absentais du premier cours pour réfléchir, pour savoir ou je m'en allais. Des contradictions dans mes lettres ? Ça m'obsédais... je n'arrivais pas à comprendre. Quelles contradictions ???

Et puis il m'a lâché. Comme ça. Sans m'avertir. Ça été l'élément qui a su déclencher une agonie dans ma vie. Je ne pouvais plus saisir rien. Tout me perdait. Tout me lâchait. Si j'aurais su que les choses se dirigeaient de ce côté, j'aurais tenté quelque chose mais n'importe quoi pour ne pas le perdre. Seulement il était trop tard maintenant. Il m'a dit qu'il le faisait pour mon bien et que je devais m'offrir ce cadeau. Et puis il m'a référé à une psychologue et il lui a remit mon dossier. Tout finissait là. Comme ça. Rien n'est éternel, je le savais mais j'avais besoin de lui plus que tout au monde car je savais qu'il était le seul à me comprendre. Mais je n'y pouvais plus rien à présent. Et je me devais d'assumer la réalité. Mais comment la saisir quand notre âme n'y est plus?

J'avais un grand respect pour cette psychologue et encore aujourd'hui, si elle me reconnaît, je la remercie d'avoir voulu m'aider. Seulement, les choses n'étaient pas si simples et elle n'aurait pu comprendre. Sincèrement.. Elle ne pouvait pas. Le fait de m'apercevoir que tout était à recommencer à zéro et que toute mon histoire était à raconter de nouveau, ça me blessait et je réalisais une fois de plus, qu'on m'abandonnait. Il ne suffisait pas de dire : " Non Joannie, je ne t'abandonne pas ". Est-ce qu'on savait mon passé? Est-ce qu'on pouvait comprendre que je n'avais plus d'issues? Malgré cette décision tragique, je reconnaissais qu'il avait fait de son mieux. Il avait fait ce qu'il devait faire. Mais moi, je n'existais toujours plus...

Les choses se sont compliqué dans ce sens. Il suffisait de me rendre les tâches compliquées, de me hanter de questions, de me culpabiliser et d'être toujours aussi mêlée. Et puis j'ai craqué. Fallait. Y avait plus personne pour moi de toute manière. J'avais déjà commis un crime, celui d'écrire. Juste des mots. Des mots qui transperçaient mon âme. Que pouvais-je risquer de plus, sinon mourir à l'issue de ma famille,(quand je dis famille, c'est plutôt ma mère et mes grands-parents, j'en ai pas, je vous l'ai dit.) ma putain de famille qui n'a jamais cessé de me juger sur mes comportements.. mais quels comportements? Je ne me souvenais même plus de qui j'étais! Je vous raconte les détails que je me rappelle par "flash" mais les images demeurent flou et les paroles demeurent toujours comme un "écho" dans ma tête.

Quand je dis que j'ai craqué, j'ai écrit. Et ce jour restera à jamais gravé dans ma mémoire. Nous étions le 31 octobre 2002. Vendredi. Ce jour fatidique a changé le cours de l'histoire à jamais et à partir de là, le cauchemar ne faisait que commencer. Ne me demandez jamais pourquoi je suis toujours en vie car je ne saurais quoi vous répondre. Je suis là et j'ai survécu c'est tout. C'est depuis cette histoire qu'aujourd'hui, je crois aux miracles. Car ils existent à des moments ou on s'y attends le moins ou presque jamais. Mais ouais.. je suis toujours là!

La journée du 31 octobre, je me souviens encore, il faisait si froid. Le sol était jonché de feuilles d'arbres de millions de couleurs et je me promenais encore dans l'espoir que quelque chose puisse enfin apaiser ma douleur. Je tentais de me convaincre que les choses iraient mieux et que le soir-même j'oublierais ces instants cruels pour me perdre dans les rues sombres de l'Halloween avec mes petites sœurs. Seulement, je ne savais pas ce qui m'attendais. Sinon, je me serais enfuie pour ne pas pouvoir vivre l'enfer qui m'attendais à quelques heures de là.

Et puis la journée terminé, je suis rentré chez moi en autobus. C'est le soir-même que la sonnerie du téléphone a pu se faire entendre.. et déjà comme par instinct, je sentais qu'il se passait quelque chose. Le téléphone marquait " confidentiel " et ça ne faisais qu'empirer mes craintes déjà là. Et à partir de ce moment-là, tout a déboulé.

On a raconté à ma mère que j'avais besoin de soins psychiatriques. Que j'étais malade, et que je devais à tout prix me rendre à l'hôpital. Le comble de tout ça, c'était que je devais m'y rendre ou c'était la police qui venait me chercher. Je respirais fort mais j'essayais de rester calme. Il fallait que je me maîtrise, que je me contrôle. C'en était pathétique juste à regarder ma mère qui pensait que je voulais me suicider quand je m'accrochais à tout pour survivre! Si je m'en veut aujourd'hui, c'est d'avoir été consentante à me rendre de moi-même à l'hôpital car j'étais persuadé qu'on me garderait jamais. Je veux que vous me compreniez, et je veux que vous me promettiez que jamais vous ne ferez la même erreur que moi. Personne ne mérite ce que j'ai vécu.

Si c'était à refaire, je serais resté chez moi dans l'attente des policiers et je me serais battue jusqu'à m'avouer vaincue. Ou mieux encore, j'aurais connu la plus belle liberté et je me serais enfuie de chez moi jusqu'à m'enfuir le plus loin du monde. Mais comme une bonne petite fille sage, je me suis sacrifié sans savoir ce qui m'attendait de l'autre côté du mur. Si j'aurais su... oh si j'aurais su!!!!

Je me souviens d'avoir téléphoné Olivier avant mon départ. D'avoir eu peur, d'avoir besoin d'être rassuré, d'avoir besoin qu'il me dise que tout se passerait bien. Et puis j'ai foncé. J'ai prit mon courage à deux mains et j'ai décidé de les affronter. Quelques minutes après cet appel téléphonique et une engueulade des plus spectaculaires auprès de ma mère, nous sommes parti en taxi. Moi, ma mère et... bien sûr, son chum. Personne n'a parlé durant le trajet. C'était dérisoire de voir tout le drame que cette histoire avait donné. Je cachais ma peur mais l'inconnu m'effrayait. Qu'est-ce qui m'attendais? Qu'allait-on me demander? Qu'est-ce qu'on voulait savoir? C'était ma vie et mes problèmes ne les regardaient pas. C'est moi qui me battait pour les surmonter, pas eux! Malgré toutes mes pensées, je tentais de respirer du mieux que je pouvais, de me tenir droite et de ne plus penser à rien. Je me devais de répondre le plus clairement possible. Il fallait que j'y arrive. Il le fallait.

Arrivée à l'urgence, il n'a suffit que de leur donné ma putain de carte d'hôpital et de dire mon nom pour qu'on me rappelle que j'étais attendu. C'était pathétique... et de plus en plus étrange. Je n'ai pas attendu longtemps, une infirmière m'a appeler, a prit ma pression, ma température et m'a demandé si j'avais des pensées suicidaires. Je n'existais déjà plus, comment aurais-je pu avoir de telles pensées? J'ai prononcé un " non " très sèche puis je suis retourné m'asseoir. L'attente était désespérante. Qu'attendait-on ? Qu'on en finisse!!!

Finalement, on m'a appelé. J'avais déjà cette impression de savoir que ma mère savait ce qui m'attendais. Mais comment aurait-elle pu me mentir à moi? Moi sa fille... Elle m'a attendu dans la salle d'attente et moi, je suis allé m'asseoir dans la salle ou on m'attendais. Et puis, un médecin est arrivé. Elle avait ce sourire froid qui glaçait le sang... Elle m'a dévisagé un bout de temps, peut-être dans l'espoir de percevoir une lueur et un goût de mort dans mon visage. Mais rien. Je restais droite, le plus possible, le regard centré, le corps figé. Il fallait que je respire. Que je respire... Puis elle s'est mise à me balancer ses questions. Toujours avec cette froideur, et ce regard accusateur qui ne cessait de me viser.

Les réponses que j'ai pu lui donner ne l'ont pas satisfaite. Elle prétendais que le clsc racontait une toute autre personnalité de celle que je présentais, ici. Qu'elle devait me garder pour une question de.. sécurité, ouais! Ahahaha !!!!! Vous savez quoi? J'ai oublié de vous parler de mes médicaments que j'avais chez moi. J'ai un coffre-fort! Une grosse boite remplit de pilules de toutes sortes. La date n'a peu d'importance, je fais parfois de grosses migraines et lors de mes crises, j'ai besoin de médicaments. Mais si j'aurais voulu mourir... sincèrement... j'avais déjà tout sur moi. Je traînais toujours mes pilules avec moi pour des raisons de... sécurité aussi ! Alors sa sécurité, elle pouvait se la foutre ou elle pense, j'allais perdre mon temps pour une bonne femme plus froide qu'un iceberg dans un hôpital ou on prétendais me garder par sécurité... Sa jaquette bleu me donnait des frissons mais le pire moment, ça été quand elle me l'a remit.. Son regard... cette fierté, cette joie de me voler ma liberté. J'étais confiante. Je n'allais pas rester longtemps. Mais pour cette nuit, je savais que mon corps serait plus glacial que jamais. Et je devais me réveiller. Je devais. C'étais un cauchemar. Fallait je me réveille. Qu'attendait-elle pour me donner une civière et me laisser dormir?

On arrive au moment le plus pathétique de ma vie. Sortez vos mouchoirs... Ma mère est arrivé dans la salle ou j'étais et fallait bien sûre que je lui dise que je restais ici le soir-même. Je n'avais jamais vu un regard aussi désemparé que celui qu'elle avait ce soir-là. Ça y est, j'allais finir ma vie comme le célèbre Émile Nelligan dans un asile pour fou avec des aliénés avancés pouahahhaha !!!! Non mais je suis toujours capable de parler m'man, les nerfs! Vraiment... j'espérais que cette soirée puisse enfin un jour finir. C'en était devenu stupide au plus au point.

Ma mère est parti et moi j'ai mit leur stupide jaquette. J'avais froid. On gelais et je n'avais pas le droit de garder mes vêtements. Pas de bijou ni de montre, ça l'air que c'était interdit de savoir l'heure! Toutes mes choses étaient dans un sac identifié à mon nom et placer dans un casier. Ne me demandez pas ce qu'ils ont fait avec mes médicaments, même à ma sortie d'hôpital, ils n'ont jamais pu les retrouver! Morale de l'histoire: Ne jamais laissez vos médicaments à une infirmière!

Je détestais cette foutu jaquette bleu. J'avais froid et je tremblais. Et puis on m'a emmené dans un grand couloir ou il y avait quatre ou cinq civières placés contre le mur. Et puis en face, une femme assise sur une chaise lisant une revue, observant nos moindres gestes. C'était ridicule. Nous avions tous un numéro en haut de notre civière.. moi c'était D32. Quand une infirmière parlait d'une patiente, elle disait: " D32 présente des signes d'anxiété pis blablabla.. " J'avais l'impression d'être vu comme un objet, une chose. Les murs blancs m'étouffaient , ce silence et tous ces regards rivés vers moi... Étais-je folle?

La moitié du temps, je dormais. C'était mieux que de les regarder agir comme des cinglés. Fallait je dorme. Que je ne pense plus à rien. Tout me ramenait vite à la réalité lorsque je voulais aller aux toilettes et que je devais m'y faire accompagner. Ou lorsque je prenais ma douche et que quelqu'un m'attendait à la sortie. Les journées n'existaient plus, il n'y avait plus que ces murs blancs, toutes ces jaquettes bleu d'hôpital, et les psychiatres qui déambulaient les couloirs.

Je vivais entre le réel et l'irréel. Je ne percevais plus la nuit du jour ni les matins aux soirs. Chaque nuit, on prenait ma pression, et on me donnait des prises de sang. Chaque soir, lorsque sans m'apercevoir, je me balançais d'un côté et d'un autre pour oublier, une infirmière s'approchait et m'obligeait à prendre de l' " Ativan ". Ces putains de pilules qui étaient suposé me détendre et m'aider à dormir. Ce n'était qu'en faîte, qu'un médicament qui causait à long terme, une certaine dépendance et que les médecins en général prescrive rarement à ses patients sauf en cas d'anxiété élevé. Je n'en ai plus jamais eu quand je suis sorti d'hôpital. J'ai compris par la suite qu'on me donnait ces choses chimiques que pour me jeter comme un objet, me rendre amorphe et oublier qui j'étais. Avec le temps, je m'y suis habitué ... et résultat ? J'en demande et j'en cherche car c'est quelque chose qui effectivement, détend beaucoup. Mais je n'étais pas anxieuse. Pas au point de prendre des médicaments pour traiter l'anxiété. J'étais évidemment stressée mais tout ça dû à tout ce qui se passait et à tout ce qui m'arrivait. Rien de plus normal après une histoire aussi absurde que la mienne. Si je n'aurais pas su me contrôler, je serais parti en courant, j'aurais fuit, je me serais battu. Je donnais tout ce que je pouvais donner et tout le meilleur de moi-même pour rester le plus calme possible. Si aujourd'hui je suis une grande cliente des médicaments et des narcotiques, c'est en partie à cause de mon hospitalisation qui m'aura causé beaucoup de mal, et pas seulement dans ma tête.

Pour vous donner une petite idée, je pesais autour de 135-140 livres à mon arrivée à l'hôpital. À ma sortie, je pesais autour de 195-200 livres... Mon appétit avait augmenté, les doses de mes médicaments avaient changé. J'étais toujours la même Joannie en-dedans mais c'était plutôt mon extérieur qui avait complètement changé. On pense parfois que les médicaments règlent tout, et pourtant, tout ce qu'on nous donne en psychiatrie est complètement chimique et nous aide qu'en partie seulement. Je mentirais de prétendre que les anti-dépresseurs n'ont pas changé ma vie, outre mon poids, ils me donnent quand même l'énergie d'être plus positive et joyeuse tout en me sortant des impasses quotidiennes que j'ai toujours cru verrouillées. Je peux toutefois affirmer que les médicaments qu'on me donnait à l'hôpital en était tout autrement. J'avais du " Séroquel " et du " Xyprexa ", des style d'anxiolytique pour diminuer l'anxiété d'une personne. Quand je suis sorti d'hôpital, on ne m'en a même pas prescrit ! Et pourquoi? Tout simplement parce que je n'en avait pas de besoin. C'était des pilules, des bouées de sauvetage qu'on lançait aux patients pour qu'on " se la ferme et qu'on dorme " .

Cette image de folie qu'on donne aux patients de la psychiatrie n'est qu'une fausse image donné par la société. On ne sait pas encore comment nous soigner, et on nous traite comme des objets qui doivent être laissé de côté. Nous sommes des cobayes, c'est sur nous que les médecins testent leur médicament. Une mauvaise réaction et on augmente la dose, une bonne réaction et on continue avec la même dose jusqu'à ce que le patient en devienne complètement cinglé et qu'il donne sa démission en donnant la réponse que les médecins veulent entendre pour confirmer son diagnostic et le renvoyer chez lui avec un paquet de pilules. Voilà ce que c'est que la psychiatrie.

Si je vous raconte tout ça, c'est pour en venir à mon histoire à moi. Si je m'en suis sorti, c'est parce que j'ai baissé les bras. C'est parce que je leur ai dit ce qu'ils voulaient entendre de ma bouche pour me laisser partir. Sinon, je ne serais pas ici aujourd'hui. Je serais sûrement au même endroit, attaché à un lit et soumit à des injections pour combattre ma " supposé " folie. J'ai été lâche.

Pour ainsi dire, mon hospitalisation m'aura payée cher. J'ai perdu une année complète de ma vie à me demander ce que je faisais sur Terre et à tenter l'impossible pour survivre aux obstacles qui se dressaient sur ma route. J'ai raté l'Halloween avec mes petites sœurs, j'ai raté Noël et le Jour de l'An ... Et tout ça à quel prix ???

On m'accusait d'avoir soumit des enveloppes à mon travailleur social parce que je me sentais attaché à lui, rien de plus. On m'accusait de l'harceler jusqu'à penser que j'aurais pu me tuer. Et croyez-moi, je vous le jure que le jour ou je voudrai me tuer, j'aurai le courage de le faire sans paroles et sans lettres écrites. J'avais tout pour me tuer. Des médicaments en boites pleines, et j'avais toujours un couteau sur moi pour me défendre. Si j'aurais voulu mourir, je ne serais pas ici.

Les psychiatres cherchaient à comprendre mon entêtement à nier cette histoire, et je l'ai ai cru assez fou pour me garder à vie dans cette hôpital. J'ai eu peur. Pendant des jours, je leur ai criée que ce n'était pas moi, que jamais j'aurais eu le courage de faire ce dont il m'accusait. À chaque jour, un nouveau psychiatre de garde aux urgences passaient dans le couloir et me reposait sa stupide question: " Joannie, pourquoi as-tu fait ça? " Et puis je répétait sans cesse : " NON, ce n'est pas moi. Quelqu'un s'est trompé de personne, comprenez-vous ? " Je croyais sincèrement que j'aurais eu la force d'aller jusqu'au bout et de leur prouver mon innocence dans toute cette histoire. Je savais que je n'était plus moi-même mais je savais aussi ce que je faisais. Ce n'était pas moi. On est même venu jusqu'à me dire : " Tu ne t'en souviens peut-être plus..." Je restais de glace, figée, complètement abasourdi par leur propos sans preuve convaincante... Et il y avait ces lettres, ces lettres qui m'accusaient formellement. Je me sentais si forte... et puis un jour j'ai lâché. Je ne pouvais plus tenir, j'étais fatigué, je voulais rentrer chez moi, j'étais tannée de tous ces médicaments, de toutes leur merde qui me donnait du poids et de ces murs blancs qui m'asphyxiaient. Je voulais voler, je voulais respirer, je voulais me laisser emporter par le vent, courir, crier et oublier toute cette absurde histoire. Quand je suis sortie d'hôpital, j'ai enfin comprit le sens de liberté.

Si j'ai connu la haine, la méfiance, la peur, l'arrogance, je sais aujourd'hui ce que peut signifier tout l'amour d'une personne. C'est une très grande valeur pour moi et c'est la seule chose positive que j'ai pu retirer de mon hospitalisation.

Quand je suis arrivé chez moi, j'ai appelé Olivier. Et puis on s'est revu. Ça m'a fait tellement étrange mais c'était magique. Je me souviens qu'il m'aie serré dans ses bras et que c'était comme quelque chose que je n'avais jamais connu. Je n'ai jamais su lui dire combien d'une certaine manière, il m'a aidé à voir plus clair en moi. Et c'est surtout dans ces moments qu'on ne sait plus comment dire je t'aime...

Je suis resté à l'hôpital pendant 1 mois. Aujourd'hui, je suis toujours sous une dose d'anti-dépresseur, de l' " Effexor " . Ça fait près d'un an maintenant que je consomme ces médicaments. ( Janvier 2004 ). Je ne sais pas si un jour je vais les arrêter. J'ai un peu peur parce qu'avec le temps, ça vient une habitude. Aujourd'hui, je suis capable de mieux surmonter les difficultés même si par moment, je peux encore sombrer dans le noir. Mon diagnostic reste encore étrangement bizarre. Ils ont dit que j'avais un trouble de la personnalité. Je suis quelqu'un d' ÉTAT-LIMITE. ( Borderline ) . Ma personnalité dépressive m'amène parfois encore à avoir des problèmes légers mais pour moi, ces problèmes sont pour moi assez importants car ils demeurent toujours impossible à guérir. Être ÉTAT-LIMITE amène parfois la personne à avoir des troubles obsessionnels compulsifs et ce n'est pas toujours facile à vivre quotidiennement. Je parlerai de cette maladie très bientôt sur ma page d'accueil pour qu'elle devienne plus connu à travers le public.

Tout ce long chemin m'a amené aujourd'hui jusqu'ici pour vous raconter mon vécu dans l'espoir de soutenir les jeunes et les adultes sur la santé mentale.


Joannie