Alors que s’ouvrent ce mercredi les Rencontres de la cancérologie française à Lyon, le Pr Jean-Paul Vernant (hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris) dénonce, dans un entretien au journal La Croix, le coût "astronomique" des nouveaux traitements "ciblés" du cancer. "Il arrivera un jour", dit-il, "où même des pays riches comme le nôtre n’arriveront plus à délivrer ces médicaments".

Auteur d'un rapport remis au gouvernement en juillet dernier dans le cadre de la préparation au 3e Plan cancer (prévu pour début 2014), il réclame une régulation des prix basée sur un "bénéfice raisonnable et moralement acceptable".

Selon une étude américaine publiée dans la revue Blood en avril dernier, rapporte-t-il, "en une décennie, le prix des nouveaux médicaments anticancéreux a pratiquement doublé, passant d'un coût moyen de 5.000 à 10.000 dollars par mois (3.700 à 7.400 euros)". L'an passé, sur 12 nouveaux médicaments autorisés aux États-Unis, 11 coûtaient plus de 100.000 dollars (74.000 euros) par an.

Cette tendance risque de s'accentuer, souligne-t-il, avec le développement d'une médecine de plus en plus "ciblée" s'adressent à un nombre plus restreint de patients en fonction de leurs caractéristiques génétiques.

"Il y a aujourd’hui, dans certains pays, un débat éthique sur le coût très élevé de molécules qui, dans certains cas, permettent de prolonger la vie seulement de deux ou trois mois", dit-il.

Un autre médicament, le Glivec (Imatinib) de Novartis, "pose un problème différent: au début des années 2000, on a découvert que ce produit était extraordinairement efficace dans le traitement des leucémies myéloïdes chroniques, dont on enregistre environ 1 000 nouveaux cas par an en France". Ce médicament "a radicalement changé le pronostic de près de 80 % des patients. Mais ces personnes doivent prendre, à vie, ce médicament qui, en France, coûte environ 50 000 € pour une année".

La France, indique le Pr Vernant est l'un des pays qui, "permet un accès le plus large aux nouveaux médicaments du cancer. Tous ces produits sont remboursés à 100 %, ce qui permet de les délivrer à tous les patients qui en ont besoin. Mais il arrivera bien un moment où la collectivité ne pourra plus payer."

"En Angleterre, pour la leucémie myéloïde chronique, les autorités ont décidé de rembourser uniquement le Glivec, mais pas les médicaments de deuxième ou troisième génération, qui doivent être prescrits en cas de résistance au Glivec. Résultat, seuls les patients qui ont les moyens de débourser 100 000 dollars (74 000 €) par an peuvent assurer leur survie."

Dans un article publié en 2012, la revue Prescrire citait l’organisme britannique chargé d’évaluer la balance coût-efficacité des médicaments: "si des sommes de plus en importantes d’un système de santé aux ressources limitées sont consacrées à des soins anticancéreux non coût-efficaces, cela se fera au détriment d’autres patients atteints d’autres maladies, moins défendus par les firmes et des associations de patients".

Le Pr Vernant préconise un système de fixation des prix dans lequel il faudrait, "pour chaque nouveau produit, (...) définir la durée nécessaire pour que le laboratoire puisse amortir son investissement de départ et, ensuite, déterminer ce qui pourrait être un bénéfice raisonnable et moralement acceptable pour la firme".

Psychomédia avec source : La Croix.
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