Un médicament contre le cancer pourrait ralentir le développement de la maladie d'Alzheimer, ce qu'aucun médicament ne fait à ce jour, selon une étude américaine publiée dans la revue Molecular Neurodegeneration. Ce médicament agit sur une cible différente de celle des médicaments expérimentaux de grands laboratoires qui ont récemment échoué à ralentir la maladie.

Selon cette étude, une dysfonction de la protéine tau, et non pas les plaques de protéines bêta-amyloïdes (Abeta), constitue l'événement déclenchant de la mort de cellules nerveuses (neurones).

Ces résultats modifient radicalement la théorie dominante du développement de la maladie d'Alzheimer, souligne Charbel EH Moussa professeur de neurosciences à l'Université Georgetown. Ils expliquent aussi pourquoi certaines personnes qui présentent une accumulation de plaques dans leurs cerveaux ne sont atteintes de démence.

La mort neuronale se produit, explique-t-il, lorsque la protéine tau, qui se trouve dans les neurones, cesse de fonctionner adéquatement. Son rôle est de fournir une structure, constituée de microtubules, à l'intérieur des neurones qui permet l'évacuation des toxines et des protéines indésirables.

"Quand la protéine tau est anormale, ces protéines, dont l'Abeta, s'accumulent à l'intérieur des neurones", explique-t-il. "Les cellules commencent, du mieux qu'elles peuvent, à expulser ces protéines dans l'espace extracellulaire de sorte qu'elles n'exercent pas leurs effets toxiques à l'intérieur de la cellule. Parce que la protéine Abeta est « collante », elle s'agglutine en plaques", explique-t-il.

L'étude suggère que c'est l'Abeta qui reste à l'intérieur des neurones qui les détruits, et non pas les plaques qui se forment à l'extérieur. "Quand la tau ne fonctionne pas, la cellule ne peut se débarrasser des déchets, qui incluent l'Abeta ainsi que des enchevêtrements de protéines tau non fonctionnelles, et la cellule meurt. L'Abeta libérée par le neurone mort colle alors aux plaques déjà en formation."

Les expériences du chercheur avec des modèles animaux montrent que moins de plaques s'accumulent à l'extérieur de la cellule lorsque la protéine tau fonctionne.

Le dysfonctionnement de la protéine tau peut se produire en raison de gènes défaillants ou du vieillissement. En vieillissant, certaines protéines tau peuvent mal fonctionner alors que suffisamment de protéines normales continuent d'aider à éliminer les déchets. Dans ces cas, les neurones ne meurent pas, explique-t-il. Ce qui explique pourquoi certaines personnes âgées qui ont une accumulation de plaques, m'ont pas de démence.

Dans cette étude, le chercheur montre que le nilotinib (Tasigna), un médicament approuvé pour traiter le cancer, peut aider les neurones à se débarrasser de leurs déchets. Le nilotinib aide le neurone à évacuer ses déchets à la condition qu'il y ait toujours des tau fonctionnels dans la cellule.

"Il y a beaucoup de types de démence dans lesquelles la protéine tau est dysfonctionnelle sans accumulation de plaques, comme la démence fronto-temporale liée à la maladie de Parkinson", explique Moussa. Si un médicament aidait la tau à faire son travail, il pourrait aider à protéger contre la progression de ces maladies.

Soulignons que le but des chercheurs n'est pas de préconiser l'utilisation de ce médicament qui comporte beaucoup d'effets secondaires pour traiter la maladie d'Alzheimer mais plutôt d'explorer les mécanismes de la maladie et d'ouvrir la voie au développement de médicaments adéquats.

Illustration : Wikipédia, protéine tau et tauopathie. Schéma original: National Institute on Aging.

Psychomédia avec source: Georgetown University medical Center
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