Comment l'altruisme a pu évoluer dans l'histoire de l'humanité malgré certains désavantages par rapport à l'égoïsme est une question qui a fait l'objet de plusieurs études dans les dernières décennies.

Selon un modèle proposé par des psychologues évolutionnistes dans la revue Evolution, il se serait développé à partir de tendances "sinistres et égoïstes". Les règles de la société pour contrôler l'égoïsme ont leur racine dans l'exploitation même qu'elles condamnent, exposent Omar Tonsi Eldakar et ses collègues de l'Université d'Arizona (1).

L'altruisme, caractérisé par la protection des ressources et du bien commun, ne se serait pas développé en réaction à l'avarice, disent les chercheurs.

Le désaveu communautaire de la cupidité se serait plutôt développé lorsque des individus égoïstes en position de domination ont cherché à contrôler des gens aussi cupides avec qui ils étaient en compétition. Avec le temps, les efforts de ces personnes dominantes auraient évolué en un désir de la communauté de maintenir son propre bien-être.

Les auteurs argumentent qu'un système cupide contrôlant la cupidité des autres aurait été plus facile à gérer pour les ancêtres humains (ce scénario serait ainsi le plus plausible). Ils remettent en question les théories dominantes selon lesquelles des arrangements sociaux égoïstes et altruistes se seraient formés indépendamment.

Pour vérifier leur hypothèse, ils ont élaboré un modèle de simulation mesurant la façon dont une communauté résiste soit à un système fondé sur la punition altruiste soit sur la punition égoïste pour limiter l'égoïsme dans la population.

La punition altruiste exige beaucoup de dépense pour le groupe - en termes de temps, de ressources et de risque de représailles des punis - ainsi que des niveaux avancés de cognition et de coopération.

Alors que le concept selon lequel quelques joueurs cupides contrôlent les adversaires cupides n'impliquent que ces membres de la communauté, tous les autres pouvant passivement profiter du fait qu'il y ait moins de gens qui prennent plus que leur part. En même temps, les individus qui règnent profitent d'un butin incontesté et, dans certains cas, d'un respect et d'une vénération.

Les ordres sociaux maintenus par ceux qui contournent les règles sont en jeu dans la nature et dans l'histoire humaine, notent les auteurs: les guêpes qui contrôlent les ruches afin que seule la reine ponde des œufs en pondent souvent de façon illicites elles-mêmes, donnent-ils en exemple. Les chevaliers médiévaux pouvaient piller les mêmes civils qu'ils défendaient volontiers contre les envahisseurs, tandis que les quartiers dominés par la mafia italienne ont traditionnellement les plus faibles taux de criminalité, ajoutent-ils.

De ces modes de fonctionnement, concluent les chercheurs, découle un sens de l'ordre et d'égalité que le groupe prend éventuellement sur lui d'appliquer, ce qui donnerait naissance à l'altruisme.

(1) Andrew Gallup et William Driscoll

Psychomédia avec sources: Princeton University, Princeton Journal Watch, Evolution Tous droits réservés