Le laboratoire français Servier a dissimulé de graves effets secondaires du coupe-faim Isoméride (dexfenfluramine), un médicament proche du Mediator, aux autorités américaines afin d'obtenir l'autorisation de mise sur le marché, rapporte Le Figaro.

Il a caché des cas de valvulopathies (dont souffrent également plusieurs victimes du Mediator) qui avaient été signalés aux autorités sanitaires belges (22 cas à la fin 1994) en les qualifiant de «non serious» (non graves), dans les fiches transmises à la Food and Drug Administration (FDA), l'agence américaine du médicament, afin de ne pas éveiller son attention.

L'Isoméride et le Ponderal (fenfluramine, un autre coupe faim chimiquement proche de Servier) étaient aussi déjà soupçonnés de provoquer l'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), une maladie grave pouvant nécessiter une greffe des poumons.

C'est en raison du risque d'HTAP que la FDA a refusé la commercialisation de l'Isoméride en février 1995 alors que la France l'a laissé en vente. Le 16 novembre 1995, la FDA autorise finalement la commercialisation de l'Isoméride (commercialisé sous le nom de Redux), par 6 voix contre 5. Si les valvulopathies signalées en Belgique n'avaient pas été qualifiées de «non serious», le Redux n'aurait certainement pas été commercialisé aux États-Unis, commente Le Figaro.

Un an et demi plus tard, la Mayo Clinic à Rochester recensait 28 cas de valvulopathies attribués au Redux. Lorsque Interneuron, chargé avec d'autres laboratoires de commercialiser l'Isoméride aux États-Unis, interroge Servier, celui-ci mentionne les cas belges mais minimise leur importance: un seul médecin aurait déclaré ces cas (alors que 3 médecins l'avaient fait); tous les malades auraient pris des herbes chinoises alors que 13 seulement l'avaient fait selon un rapport des autorités sanitaires belges de janvier 1995 qui avait été transmis à Servier.

En septembre 1997, la FDA retire le médicament du marché, l'accusant de favoriser des valvulopathies.

Aux États-Unis et au Canada, le laboratoire a dû débourser 21 milliards de dollars pour régler des mass-actions de plus de 155.000 patients. En France, seules trois actions en justice ont été intentées par des victimes de l'Isoméride.

«Il y a eu une stratégie systématique de rétention d'information vis-à-vis de la FDA, estime l'avocat américain Keith Altman, spécialiste des procès contre l'industrie pharmaceutique. Et une fois que le laboratoire a obtenu l'autorisation de mise sur le marché, il a tout fait pour minimiser les risques liés à son médicament.»

En mai dernier, un article du journal Le Monde exposait que Servier connaissait la toxicité du Mediator depuis au moins 1995. Une étude menée en 1993 par des chercheurs de la filiale britannique du laboratoire quantifiait la présence dans le sang de la norfenfluramine. Ce composé est, en concentration, le deuxième dans lequel se transforme le Mediator. Or, la norfenfluramine est le produit actif de l'Isoméride et du Pondéral.

Voyez également:

Psychomédia avec source: Le Figaro.
Tous droits réservés