Le décret dit Sunshine Act, du nom de son pendant américain, créant une obligation de publication des liens entre les laboratoires pharmaceutiques (et autres fabricants de produits médicaux) et les professionnels de santé, a été publié ce mercredi au Journal officiel.

Il s'agit de l'un des décrets d'application de la loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament que le précédent ministre de la Santé Xavier Bertrand avait fait voter en décembre 2011.

À l'automne 2012, le Formindep (collectif pour une formation médicale indépendante) et la revue Prescrire ont interrompu leur participation aux discussions pour l'élaboration du décret, estimant que la version présentée servait trop les intérêts des industriels.

Philippe Foucras, président du Formindep, écrivait le 27 octobre 2012: "Dès la deuxième réunion, tout l’esprit de cette loi, pourtant déjà bien altéré par la première mouture du décret, avait été perverti par les représentants de l’industrie, très largement représentés dès la première réunion. Instauration de seuils, de tranches, de barèmes, compliquant à loisir les déclarations et permettant d’exclure la majorité des dons, cadeaux, et avantages y compris cumulés, jusqu’à près de 1000 euros par an en magouillant bien. Exclusion des contrats parmi les plus juteux et les plus suspects (interventions dans les colloques et congrès, activités de "consultants"), en jouant sur la notion d’"avantages"... Mise en ligne de ces informations tronquées et biaisées sur les sites de chaque site des firmes pharmaceutiques, soit plusieurs centaines en France (voire sur des registres papier, sic !) et interdisant l’indexation par des moteurs de recherche, rendant littéralement impossible l’accès à toute information nominative et donc pertinente." (La mouture finale du décret prévoit la publication des inforamtions sur un site unique à venir.)

Les conventions entre médecins et labos représentent parfois plusieurs centaines de milliers voire millions d’euros pour certains leaders d’opinions hospitalo-universitaires", précisait-il.

"Pour ma part", écrit-il, "le plus choquant a été d’être le témoin de l’attitude de fonctionnaires de la République française, soumis et écrivant quasi sous la dictée de l’industrie les lois de la République".

De son côté, la revue Prescrire, soulignait dans son numéro de mai 2013 que les simples repas offerts aux médecins constituent un moyen de marketing très efficace des compagnies pharmaceutiques et contribuent aux conflits d'intérêts. La revue plaidait pour leur interdiction: "Aux États-Unis d'Amérique, des centres hospitalo-universitaires enseignent ces notions aux étudiants-soignants et interdisent les repas offerts par les firmes dans leurs locaux. À quand en France?"

Lors de la présentation du projet de loi par le ministre Bertrant à l'automne 2011, le Pr Philippe Even, président de l'Institut Necker, soulignait les limites du projet et le fait que les conflits d'intérêts allaient perdurer: ""La formation continue des médecins reste assurée par l'industrie, la presse médicale sous contrôle, et aucun moyen n'est dégagé pour avoir des experts indépendants et compétents".

Voyez, sur le site du Formindep : Bon appétit messieurs... (Philippe Foucras) et de Prescrire : Repas : un cadeau très influent, sur les soignants aussi.

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