Mise à jour 29 août - À l’initiative de la pneumologue Irène Frachon, qui est à l'origine de la mise à jour du scandale du Mediator, 30 médecins, philosophes et personnalités ont lancé un manifeste qui rappelle au laboratoire Servier et à la profession médicale leurs obligations légales et morales.

Le manifeste, mis en ligne le 26 août avait déjà recueilli plus de 3500 signatures en mi-journée le 29 août dont celles de plusieurs personnalités du monde de la santé.

Et pour cause, la communauté médicale réserve toujours un bon accueil à Servier. Ce dernier était notamment l'un de ses principaux sponsors du congrès du collège des cardiologues français qui se tenait à Marseille en octobre 2014, rapporte Le Figaro.

Un mois plus tôt, il avait organisé un symposium au colloque de la Société française de cardiologie intitulé « notre rôle clé dans la période vulnérable du patient insuffisant cardiaque ».

Servier est également fort généreux avec les médecins. L’association Regards citoyens, rapporte Le Nouvel Observateur, a recensé « les cadeaux et contrats » accordés aux médecins entre janvier 2012 et juin 2014. « Le géant suisse Novartis (58 milliards de chiffre d’affaires) arrive premier avec la somme de 18,29 millions d’euros ». Le « petit français Servier (4 milliards d’euros) » arrive deuxième avec 13,22 millions. « À titre de comparaison, Sanofi, le numéro un français du médicament avec un chiffre d’affaires de plus de 33 milliards ne verse “que” 7 millions d’euros ».

Voici le texte du manifeste :

« Nous, signataires de ce manifeste, exhortons les professionnels de santé à reconsidérer leurs liens avec le groupe pharmaceutique Servier, laboratoire mis en examen pour des comportements d'une extrême gravité à l'origine de milliers de maladies cardiaques graves et de décès.

Début 2014, le procureur de Paris annonçait la fin de l'enquête pénale menée par les juges d'instruction du Pôle Santé de Paris depuis le retrait du Mediator fin 2009. L'enquête et notamment le rapport d'expertise pénal confirmaient le dramatique bilan humain ainsi que l'existence d'éléments graves justifiant des mises en examen de l'entreprise Servier pour “tromperie aggravée avec mise en danger de l'homme”, “escroquerie”, “homicides et blessures involontaires”, “trafic d'influence et prise illégale d'intérêts”.

Plutôt que de faire amende honorable, le laboratoire Servier poursuit depuis plusieurs années une guérilla judiciaire pour retarder à la fois le procès pénal et surtout l'indemnisation des victimes au civil. Trahissant ses engagements publics de réparation, il conteste sans relâche chaque étape du processus d'indemnisation jusqu'à contraindre récemment l'État (via l'Oniam *) à se substituer à lui et à indemniser des victimes avec des fonds publics !

Alors que l'état de santé de nombreuses victimes ne cesse de se dégrader, le laboratoire Servier pousse nombre d'entre elles au désespoir et à la conviction “qu'en fait, Servier attend leur mort”. Cette attitude est contraire à l'éthique scientifique et pharmaceutique.

Dans ces conditions, les signataires de ce manifeste déplorent que le laboratoire Servier reste un sponsor favorablement accueilli par une partie de la communauté médicale, certaines sociétés savantes et de nombreux leaders d'opinion médicaux.

Ils appellent solennellement les médecins, soignants et leurs instances représentatives à réévaluer la pertinence des liens les unissant au laboratoire Servier, et à vérifier si ces partenariats sont compatibles avec les principes fondamentaux de la déontologie médicale. »

Le manifeste est notamment appuyé par la revue Prescrire qui « invite soignants, patients et toutes les personnes convaincues de la nécessité de refuser les conflits d'intérêts pour agir au service des patients à signer ce manifeste ».

Signer le manifeste sur le site www.manifestedes30.com.

* Office National d'Indemnisation des victimes d'Accidents Médicaux.

Psychomédia avec sources : Le Nouvel Observateur, Le Figaro, Prescrire.
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