Tofu, tempeh, miso, tonyu (improprement appelé « lait de soja »)… Le soja occupe une place de plus en plus grande dans nos assiettes. Or il fait l’objet de diverses controverses concernant ses effets sur la santé, en particulier sur le cancer du sein.

Sur le site The Conversation France, Marina Touillaud, épidémiologiste (Inserm), et ses collègues (1) font le point.

Le soja contient des phyto-estrogènes (des isoflavones), capables de se fixer sur les récepteurs des estrogènes, des hormones naturelles sécrétées par les ovaires.

« Les estrogènes jouent un rôle important dans de nombreux tissus et organes, notamment les seins. En se fixant sur leurs récepteurs, les phyto-estrogènes peuvent perturber le fonctionnement des cellules, jouant un rôle inhibiteur ou activateur selon l’organe où ils se fixent et leur concentration. »

La teneur en phyto-estrogènes « est cependant très variable d’un aliment à l’autre et entre les différentes familles de produits ».

« En Asie, les traitements traditionnels des aliments à base de soja (essentiellement des fermentations) réduisent fortement la teneur des aliments en phyto-estrogènes. À l’inverse, dans les produits à base de soja issus de procédés industriels, les teneurs en phyto-estrogènes sont plus élevées. »

Par ailleurs, le soja est également utilisé pour fabriquer de nombreux compléments alimentaires qui « sont souvent présentés comme ayant des effets bénéfiques sur les bouffées de chaleur associées à la ménopause, ainsi que sur l’ostéoporose, la santé de la peau et des cheveux et l’hypercholestérolémie. »

« Les effets potentiels anti-estrogéniques des isoflavones sont également mis en avant pour suggérer un rôle protecteur du soja à l’égard des cancers estrogéno-dépendants, tels que le cancer du sein. Mais ces allégations santé ne sont pas toutes prouvées scientifiquement ou posent questions. »

Cancer du sein : des bénéfices non confirmés, des compléments à éviter

« Des études menées en Asie ont observé un risque plus faible de cancer du sein chez les femmes ayant une alimentation traditionnelle asiatique, riche en soja. Toutefois, l’éventuel bénéfice pour la prévention des cancers du sein n’est pas confirmé par les grandes études de cohorte menées en Europe ou en Amérique du Nord. »

« Actuellement, un rapport d’expertise collective international publié en 2018 conclut que la relation entre soja et cancer du sein n’est pas prouvée. »

« Concernant les compléments alimentaires à base de soja, une étude de cohorte française a observé une association entre la consommation de ces compléments et une augmentation du risque de cancer du sein non sensible aux hormones, qui est de moins bon pronostic. Cette étude suggère aussi un risque plus élevé de cancer du sein, associé aux compléments au soja, chez les femmes qui ont déjà des cas de cancers du sein dans leur famille. »

« Les aliments à base de soja semblent donc pouvoir être consommés sans excès, c’est-à-dire en petite quantité et pas tous les jours, en évitant de recourir aux compléments alimentaires », estiment les auteurs.

Pendant ou après les traitements du cancer du sein, des précautions s’imposent

Les données scientifiques étant peu nombreuses concernant les aliments à base de soja, « il semble raisonnable d’appliquer les mêmes précautions qu’en population générale ».

« En ce qui concerne les compléments alimentaires à base de soja, aucune étude n’a montré de bénéfice de leur consommation pendant les traitements du cancer du sein. À l’inverse, plusieurs études suggèrent des interactions délétères avec les traitements, dus par exemple à la diminution de l’effet de certains traitements anticancéreux. »

« Chez les femmes en rémission, guéries du cancer du sein, des méta-analyses ont montré, en combinant les résultats de plusieurs études, que la consommation alimentaire de soja diminuerait le risque de récidive et augmenterait peut-être la survie. Mais davantage d’études sont nécessaires pour conclure avec certitude. On ne peut pas à l’heure actuelle généraliser ces quelques résultats à toutes les femmes en rémission. »

« Toujours concernant les femmes en rémission, les travaux sur les effets des compléments alimentaires à base de soja manquent. L’absence de risques n’ayant pas été démontrée, le principe de précaution s’applique également. »

Comment bien consommer le soja ?

« Il faut rappeler que le soja est une source végétale de protéines de très bonne qualité, faible en graisse et qu’il peut s’inscrire dans une alimentation équilibrée et diversifiée. La consommation de soja est cependant déconseillée pour les femmes enceintes, nourrissons et jeunes enfants.

D’une manière plus générale, le soja peut être consommé de façon modérée, sans pour autant le supprimer de son alimentation. En se basant sur des études biologiques, épidémiologiques et pharmacologiques, l’Agence de sécurité sanitaire des aliments (Anses) recommande de ne pas dépasser 1 mg d’isoflavones par kilo de poids corporel et par jour. Ce qui signifie qu’une personne de 60 kg ne doit pas ingérer plus de 60 mg d’isoflavones par jour, sachant que 100 g d’aliments dérivés du soja (tofu, desserts au soja, etc.) en apportent entre 10 et 30 mg.

(...) Les compléments alimentaires à base de soja sont quant à eux déconseillés, car leurs bénéfices n’ont pas été démontrés. De plus, leur activité biologique pourrait leur conférer des effets potentiellement délétères chez certaines femmes, comme celles ayant un antécédent personnel ou familial de cancer du sein ou une hypothyroïdie. La consommation de soja est cependant déconseillée pour les femmes enceintes, nourrissons et jeunes enfants ».

« Concernant la prévention nutritionnelle du cancer du sein, qui demeure en France le cancer le plus fréquent chez la femme, il est plus sûr de s’en tenir aux facteurs de risque et de protection avérés », soulignent les auteurs. « Exercer une activité physique régulière, avoir une alimentation riche en fibres ou de type méditerranéen, réduire la consommation de boissons alcoolisées et limiter la surcharge pondérale, sont des leviers dont l’efficacité a, elle, été scientifiquement démontrée. »

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(1) Mathilde Touvier, Mélanie Deschasaux, Paule Latino-Martel.

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